Même pour moi qui ne souffre pas
beaucoup du confinement du fait que je dispose d’un logement très
spacieux, d’un jardin et qu’en temps normal je ne sors guère,
celui-ci a de menues conséquences sur ma vie. Ainsi, du fait de
l’épuisement de mon stock de colle à papier peint et de
l’impossibilité où je me trouve d’aller dans un magasin acheter
des boutons de porte adaptés et de nouveaux luminaires, je me trouve
contraint à remettre sine die l’achèvement de la rénovation du
palier. C’est bien triste, mais il est de plus grands malheurs.
Je
me console de ces contraintes en jardinant. J’ai monté ma serre à
tomates et je retourne et nettoie le carré où dans quelques jours
je planterai les patates mises à germer au bord d'une fenêtre.
C’est en me livrant à cette tâche ingrate qu’une fois de plus
j’ai fait la découverte d'une douille en bien piètre état :
J’ai
poncé sa base et ai vu apparaître deux chiffres et deux lettres :
4 3 T W. Une rapide recherche sur le Net m’apprit qu’il
s’agissait d’une munition américaine. 43, étant son année de
fabrication et TW indiquant son endroit de fabrication (Twin Cities
Ordnance Plant, Minneapolis). Modeste témoin de la bataille qui fit
rage dans mon coin de Normandie, lorsque l’armée allemande lança
sa contre-offensive en août 1944. Pour vous faire une idée de la
violence, voici une image du bourg de Sourdeval après sa
libération :
Et
une de ce qui restait de son église :
Au
lendemain de la libération, ce triste spectacle n’avait rien
d’original en Normandie : pratiquement tous les gros bourgs et
petites villes de la région étaient dans cet état.
Et
puis on reconstruisit. Mais pas plus à l’époque qu’aujourd’hui
on n’avait de baguette magique. Cela prit du temps. Selon une
vieille voisine, la maison que j’habite fut rebâtie en 1956. Douze
ans plus tard. Qu’ont fait en attendant les
occupants de l’ancienne, s’ils avaient survécu ?
Un passionnant document retrace les étapes de la reconstruction
en Normandie qui s’étalera sur 20ans ! A Sourdeval, pour des
raisons non précisées, il est dit que celle-ci piétina.
On
nous dit que nous vivons une catastrophe. Certes, des gens meurent,
certes le PIB va connaître une baisse conséquente. Seulement le
virus ne laissera pas nos villes en ruine, nos terres par endroits inutilisables,
nos capacités de production industrielles quasi-anéanties, nos
pénuries seront relatives et passagères. On s’en remettra comme
on s’est remis de tant de bien pires épreuves. Au risque de
paraître inconscient aux yeux des « apocalypsistes » je
reste optimiste. J’ai, depuis longtemps, chevillée au corps, cette
tendance à relativiser à mettre les choses en perspective. Comme
nous le disions avec mon copain François, les jours de mauvais temps
en attendant le car qui nous ramenait du lycée : « A
Verdun, c’était bien pire : en plus y’avait les boches qui
tiraient ! ».