..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 14 mai 2014

Libérés…





M. Marchenoir dans un long et documenté commentaire à mon billet d’hier  semblait contrarié par l’attitude de certains qui mettraient en cause le fait que nous ayons été libérés parles Étasuniens et qui utiliseraient les victimes des bombardements alliés de 1944 afin de justifier leur antiaméricanisme d’aujourd’hui  tout en dissimulant leurs motivations profondes qui seraient de souhaiter que l’Allemagne (ou les Soviets) aient gagné.

Mon billet d’hier, je crois que c’est clair, ne s’inscrivait aucunement dans une telle perspective. Je m’interrogeais simplement sur l’apparente disparition du ressentiment qu’auraient pu éprouver les victimes desdits bombardements (du moins celles qui avaient survécu) et leurs proches.  

Nier le fait que nous ayons été   libérés  par les Étasuniens ne saurait être le fait que d’esprits dérangés.  Que les Français s’en soient réjouis est également indéniable. Et comment en aurait-il pu aller autrement ?  Du fait des réquisitions allemandes le pays était affamé, ses jeunes, par le biais du STO, envoyés en Allemagne. D’où que soit venue la fin de cet état de choses, elle eût été acclamée. La fin de l’occupation, c’était l’espoir d’un retour à une situation normale, la fin des privations, le retour des prisonniers… Qui, en dehors d’une poignée de collaborateurs fascisants ne s’en serait réjoui ?

Maintenant, dire que cette libération ne serait due qu’au profond amour des valeurs démocratiques du peuple Étasunien et de ses dirigeants serait faire preuve d’une grande naïveté. Chacun sait quel mal eut le Général De Gaulle, leader autoproclamé de la France Libre, à voir reconnue son existence par MM Churchill et Roosevelt. Ce dernier entretint longtemps de cordiaux rapports avec le régime de Vichy… Seulement, une fois entré en guerre avec le Japon, allié de l’Axe, il fallait bien défaire l’Allemagne, ce qui impliquait la reconquête des territoires qu’elle occupait en Europe. Il était d’ailleurs prévu qu’en l’attente de l’établissement de gouvernements démocratiquement élus, ceux-ci fussent administrés par  des officiers  alliés dans le cadre de l’AMGOT (Allied Military Government of Occupied Territories). De Gaulle s’y opposa mais son Gouvernement Provisoire de la République Française ne fut reconnu par Roosevelt qu’en octobre 1944.

Il y eut donc libération. Par une alliance où le poids des États-Unis était prépondérant. De là à ce qu’à la rencontre d’un Étasunien nous saisissions sa blanche main entre nos mains calleuses et, qu’agenouillé, nous la couvrions de pleurs en l’appelant entre deux sanglots « My benefactor ! », il y a un pas que je ne franchis pas. Nous avons été libérés parce que ne pas défaire l’Allemagne était inconcevable pour de nombreuses raisons (géopolitiques, stratégiques, économiques, idéologiques), c’est tout. Les tombes de tous ces jeunes gens dont les croix blanches dessinent de si impeccables cimetières aux abords de nos côtes normandes me font plus déplorer le peu de cas que font les dirigeants et les chefs militaires de la chair à canon qu’ils ne me poussent à une reconnaissance éternelle.

Quant à mon antiaméricanisme primaire et invétéré, il se base sur des considérations culturelles. Peut-être s’atténuera-t-il le jour où nos progressistes cesseront de fouiller les poubelles de la gauche Étasunienne afin d’y trouver des idées novatrices propres à moderniser un pays auquel elles ne sont pas plus adaptées qu’à celui qui les a mises au rencart et où leur cinéma ne se fera plus le vecteur de la propagation d'une idéologie que je rejette.

mardi 13 mai 2014

Ah, Dieu que la guerre est jolie !



Hier soir, la troisième chaîne diffusait un documentaire sur les bombardements alliés qui, durant la dernière guerre, avaient frappé la France. C’est un sujet qui a souvent provoqué mes interrogations.  En effet, il y aurait eu 60 000 victimes civiles de ces largages d’engins explosifs dans notre beau pays.  Sans parler des blessés, des villes rasées et d’autres menus dégâts collatéraux comme on dit aujourd’hui.  Ça avait beau être pour la bonne cause, on est en droit de se demander si ceux dont on retrouvait les cadavres des proches sous les décombres de leur maison se réjouissaient sincèrement de ces actes héroïques  participant à leur libération du joug allemand. Surtout quand les enjeux stratégiques, quand ils existaient,  n’étaient pas immédiatement perceptibles aux yeux du non initié.

Je vis dans une région où la plupart des villes et des bourgs ont été en grande partie rasés suite au débarquement. Le but de la manœuvre étant de désorganiser les communications allemandes, qu’elles soient ferroviaires ou routières. Seulement, quand on n’est pas fin stratège et qu’on se retrouve sous les bombes, il peut arriver qu’on en conçoive une relative amertume. Surtout, quand comme à la Loupe, en Eure-et-Loir, le bombardement n’eut lieu que par erreur alors que la cible devait être Senonches à une dizaine de kilomètres de là à vol de forteresse volante (une des conséquences de cette bavure fut la mort de la quasi-totalité du conseil municipal réuni en « comité de sécurité »…)

Pourtant, de ce compréhensible ressentiment, on ne parle pratiquement jamais, comme si la libération en avait comme par magie effacé la moindre trace. Et c’est bien ce qui s’est passé. Car en vouloir aux libérateurs  ne va pas dans le sens du poil de l’Histoire tel qu’il est d’usage de le caresser. De plus, la grande majorité des 40 millions de Français n’en avait pas été directement affectée… Et puis aussi parce que, pour beaucoup, parmi les peuples qui les ont connues, les guerres sont des boucheries qui n’ont rien d’héroïque et dont on s’empresse d’effacer le souvenir afin d’aller de l’avant. La nécessité d’oubli, en quelque sorte…

Suivit un autre documentaire où était évoquée la lutte sans merci qui opposa collaborateurs et résistants durant l’occupation et surtout à la veille et au lendemain de la libération. Maquis, milice, faux-maquis, vrais fanatiques du Reich, militants sincères, crapules sans scrupules, dénonciations, épuration, furent évoquées. Encore une fois, que ce soit d’un côté ou de l’autre les acteurs ne furent que très minoritaires. Mais pour que s’instaure un climat de guerre civile point n’est besoin que tous y participent…

Tout cela laisse un goût bien amer et ne fait que me confirmer dans mon total pacifisme.

lundi 12 mai 2014

Devoir de mémoire et commémorations



En nos temps de grande repentance, il est fort bien vu que nos gouvernants assistent ou participent à des cérémonies commémoratives, sortes de rites expiatoires où sont rappelés les faits et méfaits (surtout ces derniers) qui font  de notre longue histoire une succession de crimes abominables (car même les événements heureux servent plus à souligner l’ampleur du malheur qui les a précédé que le bien qu’ils ont engendré). L’idée est que ce faisant, on ravive le souvenir de nos fautes afin d’éviter que nous ne les commettions à nouveau. Il y a deux jours, on célébrait l’abolition de l’esclavage.  Ainsi, après avoir pleuré sur le malheur des pauvres victimes de la traite au lieu de nous réjouir de sa proscription, nous voyons-nous incités à ne pas rétablir cet odieux commerce. Bien qu’à ma connaissance, peu de partis aient inscrit ce projet à leur programme, ça n’en reste pas moins méritoire car il vaut mieux prévenir que guérir.

Les commémorations et autres journées mondiales de ceci ou de cela sont censées permettre  aux descendants des coupables de se couvrir la tête de cendre tandis que les descendants des victimes  se livrent sans retenue à la délectation morose qu’entraîne l’exposition de plaies aussi anciennes qu’inguérissables.

Ayant très mauvais esprit, j’ai cependant l’impression que mis à part quelques politiciens qui feignent de ressentir une tristesse de commande, quelques associations qui espèrent en tirer quelque avantage et une poignée de gauchistes qui ne sauraient vivre sans leur dose quotidienne d’auto-flagellation, tout le monde s’en fout. Et c’est bien naturel car pas plus qu’un individu, une nation ne peut aller de l’avant en regardant sa vie dans le rétroviseur.  Tirer des leçons de ses erreurs passées est une chose, se passer la rate au court-bouillon à cause d’elles en est une autre. Regretter ses égarements est admissible, se repentir de ceux de lointains ancêtres alors même que les circonstances ne se prêtent aucunement à leur reproduction est  absurde (si Simon IV de Montfort, dont je ne pense pas être un descendant direct, se montra un peu rude avec les Albigeois, les chances qu’une croisade en pays Cathare soit bientôt prêchée me semblent bien  minces).

Si de telles manifestations nationales avaient une utilité quelconque, ne pourrait-on pas envisager que chaque individu les imite en dédiant un jour spécifique de l’année à la commémoration des moments marquants de sa propre vie ? Jours de liesse ou de tristesse ? Cela existe déjà : on fête son anniversaire comme celui de son mariage, événements réputés heureux.  Mais peu instaurent des jours de deuil consacrés au souvenir de tristes périodes où selon qu’ils en soient les victimes ou les responsables  ils inviteraient leurs tourmenteurs au repentir ou iraient s’excuser auprès de ceux auxquels ils ont nui. Une telle idée ne viendrait pas à  l’esprit du pire ressasseur de malheurs, tant on est bien conscient que le conjoint infidèle se fout comme de l’an quarante du jour où il quitta le foyer pour vivre de nouvelles aventures ou que le gars de l’URSSAF ou des impôts qui précipita une entreprise dans  la faillite s’en bat le coquillard. C’est peut-être triste, mais c’est comme ça. Personnelle ou nationale l’histoire n’est pas un livre de morale à méditer mais une série de faits, heureux ou pas, qu’aucun regret ou remord ne saurait changer pas plus que sa connaissance ne saurait éviter qu’on retombe dans les mêmes ornières si des circonstances similaires se présentaient à nouveau.

C’est sur l’avenir qu’il faut s’efforcer de faire porter ses attentes ou ses principes. Porter sur le passé des jugements anachroniques est stérile.

dimanche 11 mai 2014

En territoire ami





Je termine En territoire ennemi,  le beau livre de M. Didier Goux. Si j’ai mis tant de temps  à le lire, c’est que c’est plus un livre de chevet dont on lit avec plaisir quelques pages avant de s’endormir d’un sommeil apaisé qu’un thriller  que l’impatience pousse à dévorer afin d’en connaître le dénouement. C’est un ouvrage  qui se déguste, qui se sirote doucement,  comme un cognac hors d’âge. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, il s’agit d’un recueil de billets de ce blog sans lequel la réacosphère perdrait en style comme en narquoise profondeur.

Faire l’inventaire des sujets traités serait impossible. Il en va de ce livre comme de la Grèce de Kharlampy Spiridonovitch Dymba, personnage de  La Noce, farce en un  acte de Tchékhov, à qui le maître de maison tente vainement  de faire avouer que certaines choses ne se voient pas en son pays : on y trouve TOUT. Du moins, tout ce qui compte. Vous aimez qu’on évoque les cocus, les zombis, les clowns, les gitanes, la lettre X, les morts, le désert, les guillemets, les discours, l’adjectif, le kebab, le communisme, les médecins ? C’est votre livre ! Vous aimez la musique, les films, les romans ? C’est votre livre !  Vous ne tombez pas raide d’admiration dès qu’un « progressiste » émet une ânerie ? C’est votre livre ! Vous pensez que tout n’était pas pire avant ? C’est votre livre !

Il ne suffit pas cependant de traiter des sujets qui réjouissent l’âme réactionnaire, encore faut-il le faire avec talent. Et de talent, M. Goux est éminemment pourvu : un style impeccable au service d’une langue alerte, riche et sure, un humour léger, un flair infaillible  pour dénicher  le ridicule d’un discours ou d’une situation, une vaste culture, une sensibilité que tente maladroitement de masquer un cynisme affecté sont, entre autres, les ingrédients qui concourent à son excellence.

On n’est pas obligé de partager l’idée, pas toujours subliminale, qui sous-tend ces textes à savoir  que nous vivons les derniers instants d’une civilisation moribonde. Ou que tout était mieux avant. Le regard que Didier Goux pose sur notre temps est souvent nostalgique, rarement, et c’est là un  euphémisme, optimiste quant à l’avenir mais il est lucide et l’humour vient toujours tempérer l’amertume de son constat. Plus que désespéré, M. Goux est désabusé : il se refuse  à prendre pour argent comptant la fausse-monnaie « modernoeuse » qu’on essaie abusivement de nous fourguer à longueur d’ondes, d’images et de discours. On ne saurait lui en vouloir…

Je conseillerai donc ce livre à tout lecteur lucide. Je n’irai pas jusqu’à prôner sa lecture aux  progressistes rabiques que trop de préjugés font condamner toute voix discordante dans un concert qu’ils ne supportent qu’unanime…