M. Marchenoir dans un long et documenté commentaire à mon
billet d’hier semblait contrarié par l’attitude
de certains qui mettraient en cause le fait que nous ayons été libérés parles
Étasuniens et qui utiliseraient les victimes des bombardements alliés de 1944
afin de justifier leur antiaméricanisme d’aujourd’hui tout en dissimulant leurs motivations
profondes qui seraient de souhaiter que l’Allemagne (ou les Soviets) aient
gagné.
Mon billet d’hier, je crois que c’est clair, ne s’inscrivait
aucunement dans une telle perspective. Je m’interrogeais simplement sur l’apparente
disparition du ressentiment qu’auraient pu éprouver les victimes desdits bombardements (du moins
celles qui avaient survécu) et leurs proches.
Nier le fait que nous ayons été libérés
par les Étasuniens ne saurait être le fait que d’esprits dérangés. Que les Français s’en soient réjouis est
également indéniable. Et comment en aurait-il pu aller autrement ? Du fait des réquisitions allemandes le pays
était affamé, ses jeunes, par le biais du STO, envoyés en Allemagne. D’où que
soit venue la fin de cet état de choses, elle eût été acclamée. La fin de l’occupation,
c’était l’espoir d’un retour à une situation normale, la fin des privations, le
retour des prisonniers… Qui, en dehors d’une poignée de collaborateurs
fascisants ne s’en serait réjoui ?
Maintenant, dire que cette libération ne serait due qu’au
profond amour des valeurs démocratiques du peuple Étasunien et de ses
dirigeants serait faire preuve d’une grande naïveté. Chacun sait quel mal eut
le Général De Gaulle, leader autoproclamé de la France Libre, à voir reconnue
son existence par MM Churchill et Roosevelt. Ce dernier entretint longtemps de
cordiaux rapports avec le régime de Vichy… Seulement, une fois entré en guerre
avec le Japon, allié de l’Axe, il fallait bien défaire l’Allemagne, ce qui
impliquait la reconquête des territoires qu’elle occupait en Europe. Il était d’ailleurs
prévu qu’en l’attente de l’établissement de gouvernements démocratiquement
élus, ceux-ci fussent administrés par des
officiers alliés dans le cadre de l’AMGOT
(Allied Military Government of Occupied Territories). De Gaulle s’y opposa mais
son Gouvernement Provisoire de la République Française ne fut reconnu par
Roosevelt qu’en octobre 1944.
Il y eut donc libération. Par une alliance où le poids des États-Unis
était prépondérant. De là à ce qu’à la rencontre d’un Étasunien nous saisissions
sa blanche main entre nos mains calleuses et, qu’agenouillé, nous la couvrions
de pleurs en l’appelant entre deux sanglots « My benefactor ! »,
il y a un pas que je ne franchis pas. Nous avons été libérés parce que ne pas
défaire l’Allemagne était inconcevable pour de nombreuses raisons (géopolitiques,
stratégiques, économiques, idéologiques), c’est tout. Les tombes de tous ces
jeunes gens dont les croix blanches dessinent de si impeccables cimetières aux
abords de nos côtes normandes me font plus déplorer le peu de cas que font les
dirigeants et les chefs militaires de la chair à canon qu’ils ne me poussent à une
reconnaissance éternelle.
Quant à mon antiaméricanisme primaire et invétéré, il se
base sur des considérations culturelles. Peut-être s’atténuera-t-il le jour où
nos progressistes cesseront de fouiller les poubelles de la gauche Étasunienne
afin d’y trouver des idées novatrices propres à moderniser un pays auquel elles
ne sont pas plus adaptées qu’à celui qui les a mises au rencart et où leur cinéma ne se fera plus le vecteur de la propagation d'une idéologie que je rejette.