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mardi 15 mars 2022

Crimes de guerre


Saint-Lô, juin 1944 : sous les décombres, plus de 1000 morts

Ce matin, j’apprends avec horreur que les Russes auraient, d’une manière ou d’une autre, endommagé un bâtiment d’une zone résidentielle de Kiev, occasionnant deux morts civiles. C’est évidemment regrettable. Que la guerre fasse des victimes civiles n’a rien de bien nouveau, hélas ! On parle de crime de guerre. Cette notion m’a toujours intriguée. Étant de nature pacifique, j’ai tendance à penser que la guerre est en elle-même un crime, qu’il est difficile de savoir si s’y faire tuer avec un uniforme est plus acceptable que sans, si un soldat muni d’une arme qui est réduit en bouillie par un obus ou une bombe est plus en position de se défendre qu’un civil désarmé.

Je vis dans une région qui a connu voici bientôt 78 ans les ravages de la guerre. Comme des centaines de milliers de gens, j’y habite un logement de la reconstruction. Après la contre-attaque allemande d’août 1944, il ne restait plus grand-chose de mon village. Nombre de villes et villages de Normandie furent quasiment rasés. Les seuls bombardements occasionnèrent plus de 19 000 morts civiles dans la région. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le 6 juin 1944, il y eut autant de victimes civiles par bombardements aériens qu’il n’y eut de combattants alliés tués sur les plages du débarquement.

Ces bombardements n’avaient pas pour seul but de débarrasser la terre de quelques milliers de gens qui en encombraient la surface. C’eût été bien méchant. Ils visaient à désorganiser la défense allemande. Parfois, cependant, comme par exemple à Caen, ce fut la ville qui fut visée, entraînant la mort de 2000 habitants alors que les troupes allemandes étaient stationnées au nord de la ville. D’autres objectifs ne représentaient aucun intérêt stratégique majeur. Certains mauvais esprits prirent mal la chose au point que, dans son journal, Le colonel étasunien L.F Roker s’en étonna : « C’était un choc de s’apercevoir que nous n’étions pas accueillis comme libérateurs par la population locale [...] Ils nous voyaient comme des porteurs de destruction et de douleur ». On se demande vraiment pourquoi ? L’ingratitude humaine est triste à constater !

Pouvait-on parler à ce sujet de crimes de guerre ? Il ne me semble pas que ce fut envisagé. Pour les bombardements de Dresde, Hiroshima et Nagasaki non plus. Entendons nous bien : durant le Blitz qui ravagea Londres de septembre 40 à mai 41, ce ne sont pas de photos de chatons mignons que les Allemands bombardèrent la population. L’horreur est toujours des deux côtés.

La guerre est d’autant plus criminelle qu’elle a lieu près de chez nous. Quand elle a le bon goût de se cantonner dans des territoires lointains et exotiques, elle devient plus acceptable. Quelques morts en Ukraine émeuvent bien plus que des milliers naguère en Irak ou aujourd’hui au Yemen. Que ce soit compréhensible ou pas ne change rien à la question : c’est comme ça et pas autrement.

Je suis bien conscient que le pacifisme a ses limites, que vouloir se désarmer face à un agresseur potentiel est folie, que le recours à la guerre, que nous le voulions ou non, est fréquent, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, que « si uis pacem, para bellum » etc.

Nous avons, depuis bientôt 80 ans connu, sur notre sol du moins, la paix. Cette période exceptionnelle durera-t-elle ou serons-nous volens nolens entraînés dans la guerre et ses inévitables crimes ? Il me semble que nos va-t-en guerre se prétendant prêts à entrer dans un conflit douteux manquent cruellement de mémoire et d’imagination. Il est vrai qu’une fois séché, le sang s’oublie et ne reste que la gloire… ...du moins quand on gagne.


24 commentaires:

  1. Il ne faut pas être la dupe des fauteurs de guerre.
    Ensuite, dans une guerre, tous les moyens ne sont pas bons.
    Le pire étant d'utiliser des civils comme boucliers humains, ce qui est le cas en Ukraine.

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    1. J'ai en effet l'impression qu'à Mariupol on fait tout pour retenir les civils.

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  2. Pour vous résumer ne pourrait-on pas dire : quand les Américains font la guerre, c'est une guerre propre, toutes les autre guerres, quelles qu'elles soient ne sauraient être que des guerres sales ?

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  3. JE, vous ne devriez pas plaisanter su un pareil sujet. On ne sait jamais ce qui peut arriver ! D'ailleurs je tiens à votre disposition -pour un prix bientôt dérisoire- quelques comprimés d'iodure dont j'ai touché la première tranche de 500 000. Mais on parle, on parle et on prépare assez peu la guerre nous autres. Remarquez bien, comme disait ma tante, tant qu'on parle c'est qu'on est vivant. Enfin, elle disait ça, mais de son temps y avait pas de blogs.

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    1. On peut plaisanter sur tout mais pas avec n'importe qui.
      Je vous remercie de votre offre mais je n'ai pas besoin d'iodure.
      "on prépare assez peu la guerre nous autres" : c'est le moins qu'on puisse dire.

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  4. Un de mes premiers souvenirs d'enfance, c'était la cave dans laquelle nous étions descendus avec les autres habitants de l'immeuble dès que la sirène retentissait. Une bombe a entièrement rasé (avec ses habitants) un immeuble situé à moins de cent mètres de mètres de chez nous. A sa place, il n'y avait plus qu'un cratère. La cave et ceux qui s'y étaient réfugiés avaient disparu avec le reste. La bombe était américaine.
    Pangloss

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    1. J'ai entendu dans mon enfance les témoignages de personnes qui avaient connu les bombardements américains : l'horreur totale !

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    2. Ah la mémoire des enfants qui virent l'homme qui vit l'homme qui vit...

      Au-dessus de nos têtes, à deux millimètres, à un millimètre peut-être des tempes, venaient vibrer l’un derrière l’autre ces longs fils d’acier tentants que tracent les balles qui veulent vous tuer, dans l’air chaud d’été.
      Jamais je ne m’étais senti aussi inutile parmi toutes ces balles et les lumières de ce soleil. Une immense, universelle moquerie

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    3. ????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????? !

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    4. Personnellement, Oncle Jacques, moi j'ai connu les bombardements japonais à Shanghaï qui ne se sont arrêtés qu'près les bombes sur Hiroshima et Nagasaki ! A ma grande honte devrais-je considérer que c'est aux Américains et à leurs bombes nucléaires que je dois la vie ?

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    5. @ Fredi : Bien qu'ayant lu et relu le Voyage, je ne me souviens pas de tous ses passages. Une recherche Google m'a permis de l'identifier mais je ne saisis cependant toujours pas la pertinence de ce commentaire.

      @ Midred : Je conçois que vous puissiez être reconnaissante aux Étasuniens de leur beau geste en votre faveur. Mais, à mes yeux, les crimes de guerre japonais ne justifient pas à mes yeux les crimes de guerre Étasuniens.

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    6. Je souscris pleinement à votre premier paragraphe. Deux phrases de Céline, le Voyage tout entier me semblent avoir clos ce qu'il y avait à dire de la guerre du point de vue des "rats, des fous et des lâches". Mes deux Grands-Pères qui firent la "der des der", mon Père qui fit la suivante des deux côtés, sont restés silencieux. Je me méfie de ceux qui parlent aujourd'hui. Ils sont trop vivants.

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    7. Ainsi, mystérieux Léon, vous m'apprenez que comme moi vous n'êtes pas de toute première jeunesse. Même si l'on nest que l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, on a quand même eu l'occasion d'entendre des témoignages de première main et d'avoir appris que les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'on les présente souvent.

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  5. @Fredi M: "Parfois je me dis que je devrais l'enregistrer...". Je vous cnseille sincèrement de le faire sans plus tarder. On croit toujours qu'on a le temps et puis...
    Orage

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  6. Si Zelinsky demande l'intervention de l'Otan pour neutaliser le ciel ukrainien, c'est que la Russie en a la maîtrise. S'il n'y a pas de bombardements aériens, c'est que le but de Poutine n'est pas de raser Kiev. Rien ne serait plus aisé...

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  7. Pour ce qui me concerne, dans mon village de Normandie, ce sont les églises chrétiennes qui eurent à subir les bombardements de l'artillerie américaine installée à toute proximité de la ville. Une détruite, les deux autres très sérieusement endommagées.

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    1. Dans quel coin ? Chez moi, c'est également l'artillerie qui a rasé le village lors de la contre attaque d'août 44. Américaine ou allemende, je ne sais pas.

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  8. Timeo Danaos et dona ferentes (Virgile dans l'Énéide (II, 49))
    Et je regarde Ursule von der Schiessen,et je me dis qu'il faut craindre aussi les Allemandes, surtout quand elles font des cadeaux empoisonnés à l'Ukraine, et avec l'argent de mes impôts, cette salope.

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  9. Votre résumé est saisissant ! On y perçoit la poésie pressée d'un parisien tandis qu'on devine dans la prolixité de JE l'influence de la langueur marine qui nappe la Normandie. Peut-être un peu de pomme aussi...

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  10. Y'a d'la pomme mais y'a pas que d'la pomme !

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