Tous les gens qui n’y connaissent
rien vous le diront : la nature est bonne, il faut qu’elle
reprenne ses droits et c’est ce qu’elle est censée faire en ce
moment, la garce. Maintenant, en quoi consistent au juste ces fameux
droits ? Existe-t-il un ouvrage où ils serait possible d’en
consulter la liste ? Contrairement à ce que semblent penser
certains ravis de la crèche, ce n’est pas parce qu’on a aperçu
un pangolin avenue Montaigne ou un capybara sur la Canebière que
ces droits sacrés se trouvent restaurés. Je crains qu’ils
présentent le défaut majeur de ne pas exister, du moins au sens où
de braves bobos les imaginent. Si loi de la nature il existe, c’est
celle de la jungle où le plus fort, que ce soit par le nombre ou par
la capacité des individus à tuer leurs proies, détruit le plus
faible.
On
me dira que les choses s’équilibrent : proies et prédateurs
s’auto-régulent : un équilibre s’instaure naturellement
entre eux. C’est faux. Pour des raisons climatiques ou autres, il
arrive que certaines espèces se mettent à proliférer causant de
graves dommage à l’environnement en général et à d’autres
espèces en particulier. C’est ainsi que des espèces apparaissent
ou se développent tandis que d’autres périclitent ou
disparaissent. Je suis bien conscient que l’espèce humaine, par
son développement entraîne l’extinction de nombreuses autres. Je
suis désolé pour elles (enfin, pas tant que ça) mais vu que
j’appartiens à cette espèce, je me sens plus concerné par son
maintien que par celui des autres. Si les « tigres à dents de
sabre » étaient parvenus à boulotter tous les premiers
humains, je ne serais pas à mon clavier. Hélas (ou pas) le dernier
représentant des nombreuses espèces que recouvre ce terme
vernaculaire, le smilodon populator, s’est éteint en Amérique du
sud voici 10 000 ans déjà. Ainsi vont la vie et la mort.
Ce
long préambule m’a un peu éloigné de mon sujet. Ce matin,
j’avais décidé d’aller cueillir la première fraise à avoir
mûri dans mon jardin. Ce que je fis. La voici :
Une
jolie gariguette, bien rouge, mûre à point. Sauf qu’en la
soulevant, je pus constater que nombre de ces petits cloportes qui
infestent littéralement mon terrain avaient devancé ma gourmandise.
En voici la face cachée :
Vous
pouvez voir que ces charmants animaux avaient commencé à la
dévorer. La tache sombre que l’on aperçoit au fond du trou est
l’un d’eux qui, inconscient du danger, au contraire des autres
participants au banquet avait négligé de s’enfuir à la faible
vitesse de ses petites pattes.
Que
faire ? Traiter mes planches de fraisiers à l’insecticide ?
Je ne me donne pas la peine de cultiver un jardinet pour manger des
produits traités. La solution, c’est de cueillir les fruits dès
qu’ils montrent des signes de maturation et de les laisser mûrir à
l’intérieur. Le résultat est moins bon, mais c’est ça ou pas
de fraises. J’avais le même problème dans mon ancien jardin des
collines, sauf que les prédateurs de fraises y étaient différents :
il s’agissait de fourmis lesquelles y pullulaient. Les oiseaux, ne
sont pas un problème : je tends un filet au-dessus de la
planche. Seulement, il n’arrête pas les insectes...
Je
jardine pour mon plaisir. Sans être écologiste pour un sou, j’évite
au maximum les traitements. L’autre jour, j’ai constaté que des
escargots avaient commencé à se repaître de mes artichauts. Je me
suis résigné à répandre de l’anti-limaces autour du pied. Ça
les a calmés. Oublieux de cette précaution, quelques jours plus
tard, je posai sur un banc de pierre les 6 plans de chou-fleur que je
venais d’acheter. Le lendemain, je pus constater que quatre d’entre
eux avaient été dévorés par ces gastéropodes et que les deux
restants étaient bien abîmés : la nature avait exercé ses
« droits ».
Dieu
merci, je ne compte pas sur mon jardin pour me nourrir. C’est un
passe-temps parmi d’autres. Seulement, ceux qui tirent leur moyens
d’existence des produits de la terre et ceux avec lesquels ils les
nourrissent ne peuvent pas avoir mon souverain détachement. Sans
traitements, c’est la ruine pour les premiers et le retour aux
bonnes vieilles famines qui assuraient naguère encore la prospérité
des fossoyeurs. Et les produits « bios », qu’en
faites-vous ? Je n’en nierai pas l’existence, mais il
n’empêche que l’agriculture « Bio » n’exclut pas
le recours à des produits chimiques, loin de là. Ainsi
autorise-t-elle, quoi que puissent en penser les escargots,
l’anti-limace que j’ai utilisé…
Laissons
faire la nature… ...et nous crèverons !
Un bon truc à savoir, Messire Étienne : les insectes étant presque toujours des espèces progressistes, si, deux à trois fois par jour, vous vous plantez au milieu de votre jardin en bramant « Vive Marine Le Pen ! À bas l'immigration africaine ! », ces mêmes insectes, épouvantés par votre fascisme et votre racisme aussi primaires l'un que l'autre, vont immédiatement s'enfuir chez vos voisins.
RépondreSupprimerEssayez, vous m'en direz des nouvelles !
Hélas, Messire Goux, les cloportes ne sont pas des insectes mais des crustacés dont j'ai oui dire qu'ils étaient totalement indifférents à la politique comme on peut le constater chez d'autres espèces de cette famille, comme le crabe, la langouste ou la crevette grise.
SupprimerC'est vraiment pas de bol, alors !
SupprimerMe renseignant sur l'alimentation du cloporte, j'ai pu constater qu'en ce domaine comme en d'autres les avis divergeaient. Alors que certains se plaignent comme moi de les voir manger leurs fraises, d'autres leur expliquent doctement que ce n'est pas possible, vu que les cloportes ne se nourrissent que de débris végétaux et sont un aide précieux du jardinier. Ils oublient un détail : il en existe plus de 4000 espèces connues dont 218 en France. Ceux qui me pourrissent la vie à Sourdeval sont bien différents de ceux que je voyais à Chaulieu qui, bien plus gros, se contentaient de mener leur petite vie dans mon bac à compost. Ça donne envie d'envoyer une boite de mes spécimens actuels à ces spécialistes pour qu'ils les répandent sur leurs fraisiers et constatent que lorsqu'on cueille une grosse fraise, on peut voir une bonne dizaine de ces saletés s'échapper du trou qu'elles y avaient creusé sans souffrir de delirium tremens.
SupprimerLa nature, ce n'est QUE ça : une éternelle lutte. L'homme l'a plus ou moins asservie et le citadin la croit harmonieuse : il n'en est rien.
RépondreSupprimerBen.... Bouffez les escargots !
RépondreSupprimerEt si ils ont bouffé vos aulx et votre persil, c'est toujours ça que vous n'aurez pas à faire.
Excellente idée. Sauf qu'ayant mis de l'anti-limaces sur certaines planches, je ne me risquerais pas à manger les escargots car, si "bio" soient-il, je craindrais qu'ayant absorbé ces granulés ils ne deviennent , disons, indigestes. Sans compter que s'ils bouffent mon persil, avec quoi assaisonnerai-je le beurre qui les accompagne et leur évite d'avoir leur goût si caractéristique de bouts de caoutchouc mou.
SupprimerNe médisez pas des escargots, les allemands font de l'excellente "Schneken Suppe".
RépondreSupprimerMon enthousiasme demeure modéré !
SupprimerL'homme A CRU qu'il l'avait asservie : il n'en est rien ! La nature n'a pas besoin de l'homme qui, lui, a besoin de la nature pour survivre. Cette "éternelle lutte" dont vous parlez et une lutte inégale où l'homme sera toujours perdant.
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec vous. Il n'est que de voir à quelle vitesse la nature parvient à détruire et presque effacer les traces d'activités humaines pour en être conscient. C'est pourquoi j'utilisais la formule "plus ou moins".
RépondreSupprimerJ'apprécie particulièrement vos billets, car je partage souvent le même point de vue que vous.
RépondreSupprimerCette lecture me rassure, car grâce à vous, je me sens moins isolé dans ce monde qui a perdu ses repères.
Concernant la nature, je vais apporter un argument supplémentaire à votre billet.
Les fraises de votre jardin ne sont pas naturelles. J'avais lu dans Les Echos l'histoire de la fraise.
C'est le résultat inopiné, favorisé par l'homme, d'un croisement entre la fraise des bois européenne et une grosse fraise blanche d'Amérique du Sud.
En conclusion :
La représentation de la nature a été dénaturée, depuis au moins Jean-Jacques Rousseau et son bon sauvage.
Les bobos actuels sont des rousseau-istes qui s'ignorent.
Cette convergence d'idées peut s'expliquer par des influences telluriques communes vu que j'ai passé plusieurs années dans le Berry, ouvrant des magasins à Châteauroux, Bourges et Issoudun.
RépondreSupprimerIl y a d'autres types de fraises dans mon jardin comme la Mara des bois qui n'est pas plus naturelle que la gariguette. Il faut bien dire que les variétés cultivées dans nos jardins et nos champs sont en général issues de croisements et que c'est tant mieux car elles permettent un meilleur rendement et aussi, souvent, des produits plus savoureux. Des fraises des bois poussent spontanément dans mon jardin. Les cloportes, animaux sages, les négligent, leur préférant les variétés trafiquées de taille et de goût supérieurs.
Merci pour ce commentaire qui m'a fait découvrir votre blog que je vais m'empresser d'ajouter à ma blogroll suite à la lecture de quelques articles qui m'ont plu.
Merci pour la mention dans votre blogroll
SupprimerJe fais la même chose de mon côté.
Bonne continuation.