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mercredi 6 mars 2019

Peut-on rire de tout ?

Le rire est censé valoir un bon biftek selon une expression populaire. A une époque de grande disette où les Français ne peuvent plus remplir leur frigo, on pourrait penser qu'il serait judicieux d'en favoriser l'extension à tous les domaines. Or, il n'en est rien. On tend même à réduire de plus les sujets dont il est possible de s'esbaudir. Parce que nous vivons dans une époque sérieuse toute pétrie de respect et d'empathie pour tous les malheureux, les minoritaires, les déshérités, les handicapés de tout poil, les malades, les « racisés », les obèses, les maigrichons, les petits, les goitreux, etc.

L'innocente plaisanterie dont Gotlib avait fait un « running gag » et qui contait l'histoire d'un fou qui repeignait son plafond et à qui un camarade (probablement déséquilibré lui-même) demandait de s'accrocher au pinceau vu qu'il allait lui retirer son échelle est devenue politiquement incorrecte et cela pour plusieurs raisons. D'abord le mot « fou » est d'une violence inacceptable. On ne l'est plus. On souffre de telle ou telle affection mentale. D'autre part, elle risque de traumatiser, leur rappelant un moment tragique, ceux dont un parent, un ami, une vague connaissance, a vécu ce genre d'aventure et qui en conséquence s'est retrouvé paraplégique avec un plafond à moitié peint.

Car notre époque (ou du moins ceux qui sont censés l'incarner) est devenue ultra sensible. Le moindre écart par rapport à une bienséance convenue la révolte. A part quelques rares exceptions toute question doit être prise avec sérieux ou provoquer une forte indignation. Heureusement, restent les personnages publics, les politiciens, les riches, les puisssants ! Il est encore de bon ton, sous couvert d'humour, de les traîner dans la boue, de les calomnier outrageusement ou de rire à gorge déployée de leurs malheurs.

Un certain Bergson commit un essai sur le rire. Il était, selon certaines sources, lui même un sacré boute-en-train et aurait été l'auteur de l'hilarant dialogue :
  "  - Comment vas-tu(yau de poêle)
      - Pas mal et toi (le à matelas) ou (ture en zinc
      - Comme tu vois (ture à bras)
      - Etc. »

C'est dire s'il savait de quoi il parlait ! Entre autre chose, il écrivit que le rire est tout simplement le résultat d’un mécanisme mis en place en nous par la nature ou, ce qui est presque la même chose, par notre connaissance de la vie sociale. Il n’a pas le temps de regarder où il frappe. Et par conséquent, il peut faire mal et se montrer cruel.Or faire mal et être cruel sont des choses que notre société au fur et à mesure qu'elle s'ensauvage refuse de plus en plus. En conséquence, elle tend à introduire la réflexion dans le rire, à lui donner justement le temps de « regarder où il frappe » et ainsi de porter un jugement moral sur le mal qu'il peut faire.Il est évident que le vieux gag du type qui, n'ayant pas vu que sa plaque avait été retirée, tombe dans la bouche d'égout ne peut plus provoquer le rire si on songe que la chute peut être mortelle ou invalidante.

De plus quand comme moi, on prend de l'âge, il se trouve que la vie sociale dont parle M. Bergson a bien changé depuis notre jeunesse. Bien des sujets dont on pouvait rire sont devenus tabous voire condamnables par la justice. Il se crée donc une auto-censure et en cas d'oubli de cette dernière un rejet par tout ce que notre société compte de belles âmes (c'est-à-dire la minorité active qui est en droit de s'exprimer sur les media). M. Bigard (dont au passage je n'apprécie guère la vulgarité) vient d'en être victime. Les «  humoristes » de France Inter, eux, peuvent se permettre tous les dérapages qu'ils veulent car ils se trouvent du bon côté du manche.

Nous allons vers une société bien triste où l'on n'osera bientôt plus rire de rien avec personne.

11 commentaires:

  1. « On souffre de telle ou telle affection mentale. »

    Non Môssieur ! certainement pas ! Ce verbe "souffrir" est intolérable et discriminatoire ! On est, répétez-le après moi, « en situation d'affection mentale ».

    C'est pas plus gentil, comme ça ?

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    1. Il est vrai que de nos jours la souffrance a quasiment disparu !

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  2. Non, on ne peut pas rire de tout ! Et souvent les esprits qui se croient les plus libres, sont peut-être ceux qui le sont le moins ! Demandez donc à Didier Goux pourquoi il n'a pas publié le commentaire que j'avais écrit en faveur de Bigard, en compensation de la mauvaise manière qui lui avait été faite ?

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    1. J'ai cherché un article récent où vous auriez pu poster ce commentaire mais en vain.

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  3. (Uniquement pour les gens qui ont pris de l'âge, les autres ne peuvent pas comprendre)

    Il y a de nombreuses années, l'émission "les grosses têtes" animées à l'époque par Philippe Bouvard comportait dans son équipe un acteur et humoriste dénommé Philippe Castelli à qui il suffisait d'annoncer de sa vois traînante "Ah... j'ai une histoire...", pour que l'animateur de l'émission, les autres participants, le public et les auditeurs partent d'un fou rire général, sans que l'intéressé ne puisse jamais la raconter... Voilà un genre d'humour qui ne stigmatise personne, qui est pour toutes les oreilles et qui devrait servir d'exemple.

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    1. Voilà ce qu'il nous faut pour apaiser toute tension : des rires sans histoire !

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  4. Elisabeth Lévy se range à vos côtés pour défendre le coupable Bigard, et avec quel talent :

    https://www.causeur.fr/jean-marie-bigard-blague-viol-2-159650

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    1. Merci pour ce lien où sont développés avec talent plusieurs des thèmes que j'ai abordés ici.

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  5. Le "deux poids deux mesure" est une des caractéristiques principales de notre "modernisme".

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  6. Probablement parce que les gens qui font semblant de trouver le rap génial ne l'écoutent pas non plus

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  7. Je n'ai jamais écouté de rap. Quand j'ai la tristesse d'en entendre, je fuis. Tout ce que j'en sais, c'est par oui-dire. N'importe comment je préfère les douces mélodies aux paroles saccadées, quoi qu'elles vocifèrent.

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