Les Sanson constituèrent une longue lignée de bourreaux. Six
générations ! Rien que ça ! De 1684 à 1847 quand on en avait été jugé
digne, on voyait, en la bonne ville de
Paris, son exécution confiée à un Sanson. Tant qu’à se faire décoller, autant
que ce soit par des artisans qui au fil des générations, grâce à la transmission
des acquis, avaient su élever leur artisanat au rang d’art. Avec de menues bévues, de temps en temps. Ainsi lors de l’exécution du malheureux
Lally-Tollendal, pourtant menée par celui qui allait, grâce à des circonstances
favorables, dépasser en efficacité celle de tous ses prédécesseurs et de ses
successeurs, je parle de Charles-Henri, assista-t-on
à une scène de grand guignol et son père
dut-il lui sauver la mise. Quelle
carrière est sans tache ?
Charles-Henri fut donc celui qui assura à sa famille un
record de cette productivité que l’on tente à tout prix de redresser
aujourd’hui. Sans grand succès
semble-t-il. Il faut dire qu’il exerça son art en des temps favorables et que
sa carrière fut longue. Cet homme sensible que la hache rebutait presque dut
succéder à son père devenu podagre afin que la marmite continuât de bouillir.
La vie est dure, ce n’est pas moi qui vous l’apprendrai. D’abord arpète auprès
de son oncle à Rouen, qu’il assistera lors de la pénible exécution du régicide Damiens,
son premier client de marque fut, en 1766, le Chevalier de La Barre dont Voltaire
assura la postérité.
Durant notre belle Révolution Charles-Henri put donner la mesure de son talent. C’était un temps où, comme disait le vieil
Anatole, les dieux avaient soif et où ne rechignait pas à leur payer un coup. Il
zigouilla 2918 condamnés entre le 14 juillet 1789 et le 21 octobre 1796. Dont
le bon roi Louis XVI et nombre de régicides. Danton, Robespierre,
Saint-Just et Desmoulins furent de ceux qu’il aida à quitter en douceur cette vallée de larmes.
Hélas, le brave homme ne fut pas épargné par la fatalité.
Son Benjamin, le petit Gabriel, un garçon prometteur dont il avait fait dès 1790 son assistant et
héritier, connut une fin tragique : alors qu’après l’avoir décollé, il
montrait au peuple, toujours friand de ce genre de spectacles, la tête d’un
condamné, le pauvre garçon fit une chute mortelle de l’échafaud.
Vous m’excuserez je l’espère mais en imaginant la scène, j’ai du mal à contenir
mon hilarité. Non que j’y voie je-ne-sais-quelle justice immanente, mais
simplement à cause du côté macabrement gag de la chose.
Et depuis qu'il n'y a plus de Charles-Henri qui tienne, le bon peuple en est réduit à zigouiller lui-même à tour de bras, comme à Marseille ou à Bastia !
RépondreSupprimerEh oui...
SupprimerEt oui! Dans un film, cela ferait trop gros.
RépondreSupprimerjard
On crierait au mauvais goût !
SupprimerLa chute de votre histoire est, au propre comme au mal-propre, assez savoureuse (et l'actualité nous montre que la réalité peut parfois dépasser la fiction).
RépondreSupprimerFigurez-vous que j'ai trouvé cette anecdote en me renseignant sur la famille Sanson, pseudo que je souhaitais utiliser pour commenter un billet sur la peine de mort !
SupprimerEn effet, c'est tordant. Ca la lui a coupée, en tout cas.
RépondreSupprimerAmitiés.
Comme dit un film français: "Dieu et nous seuls pouvons", là c'est le bon Dieu qui leurs a joué un mauvais tour.
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