Comme je m’y attendais, il a sonné à ma porte. Comme je ne m’y attendais, il m’apportait un paquet, comme je ne m’y attendais pas il m’apportait aussi une carte postale de ma fille représentant la vierge à l’enfant romane de l’église de Jouy-en-Josas qu’avec son mari ils avaient récemment visitée. Décidément, j’étais gâté ! J’en remerciai le facteur.
Il étaient là, mes beaux boyaux de cochon ! Plus rien ne s’opposait à ce que je me lance dans l’aventure, vu que le matin même je m’étais procuré les viandes et les ingrédients nécessaires. Depuis quelque temps, j’en rêvais. J’avais, parce que trop complexe, rejeté l’idée de me lancer dans la confection de boudins noirs. En revanche, les blancs me parurent plus aisés à réussir. Erreur de vieillesse qui me fit passez à l’action sans tarder. Je commençai par préparer le bouillon dans lequel ils cuiraient :
Poireau, carotte, oignon piqué de clous de girofle, persil et bouquet garni : rien ne manquait. |
Les boyaux étant mis à dessaler, je séparai la mie de la croûte du pain, ce qui s’avéra plus difficile que je pensais et mis la première à tremper dans du lait :
Je procédai ensuite au double hachage de mes viandes (porc, veau et poulet) d’abord à la grosse grille puis à la petite tandis que les oignons émincés devenaient translucides dans une poêle. Je pouvais passer à la préparation de la mêlée. Dans un grand saladier je plaçai mes viandes et mes oignons eux aussi hachés, j’y ajoutai la mie, des œufs, de la Maïzena, de la crème, du sel, du poivre et de la noix de muscade. Je me permis la fantaisie d’y adjoindre du Porto puis mélangeai longuement le tout afin d’obtenir une mêlée homogène
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Il ne me restait plus qu’à en garnir les boyaux afin d’obtenir les onze boudins que voici :
La recette préconisait de ne pas « forcer le remplissage » afin d’éviter que les boudins n’éclatent suite à la dilatation de la mie de pain lors de la cuisson et, au cas où les boudins flotteraient lorsqu’on les placerait dans le bouillon frémissant, de les percer. Ce que je fis car tous flottaient. Je croyais innocemment que mon remplissage n’était pas forcé mais au bout de quelques minutes de cuisson je les vis gonfler de manière inquiétante. Bien entendu, ils ne tardèrent pas à éclater. Je n’ose même pas vous montrer une image du piteux résultat.
Tout ça pour ça ! Des heures de travail pour rien ! Ma première réaction de cabochard ayant du mal à s’avouer vaincu fut de me dire que je recommencerais, que je parviendrais à trouver le juste remplissage, que ce n’était que partie remise. Rester sur un échec cuisant ? Pas question !
Après réflexion, je me dis qu’après tout, le jeu n’en valait pas la chandelle. Étais-je à ce point fanatique du boudin blanc pour risquer de n’en obtenir qu’après une série de tentatives malheureuses ? Non ! Contre mauvaise fortune, je fis bon cœur et me dis que tout n’était pas perdu. Ce kilo et demi de boudins éclatés, on pouvait peut-être en faire quelque chose. Je trouvai rapidement la recette d’un parmentier de boudin blanc aux pommes. Je vais m’y mettre !
Dans la vie, il faut savoir accepter ses limites. La loi de la charcuterie est dure, mais c’est sa loi : quand on ne sait pas faire, on ne fait pas.