J’adore les soirées électorales. Il est toujours agréable de
voir les vaincus minimiser leur défaite, les vainqueurs s’attribuer des succès
dont l’ampleur n’est due qu’à un système électoral discutable et les écartés
critiquer un mode de scrutin justement destiné à les mettre hors-jeu. Zappant
de chez M. BFM à chez Mme France 3, j’ai pu constater sur le « service
public » qu’on y avait une bien pardonnable tendance à minimiser les
pertes de la gauche grâce à d’astucieux artifices et d’acrobatiques manières de
présenter les choses nous prouvant, si nécessaire, que ce qui fait la
différence entre un « service public » et un qui ne le serait pas c’est
l’imagination et l’absence de préjugés. Ainsi mon département de la Manche se vit-il qualifié
de « divers » par France 3 quand BFM le voyait à droite. Tant il est vrai
qu’un département où les divers droite l’emportent largement ne saurait
aucunement être clairement classé d’un côté ou de l’autre de l’échiquier.
Les invités politiques tinrent leur rôle avec toute l’originalité
qu’on pouvait attendre d’eux. On sentit M. Placé prêt à prendre une place, M.
Guedj au bord de la dépression, Mme Autain certaine qu’un virage à gauche était
unanimement attendu, les socialistes modérés persuadés que face à un tel succès
il était urgent de ne rien changer, M. Juppé, toute calvitie dehors, prêt à tout,
à rien ou aux deux, M. Sarkozy requinqué comme aux plus beaux jours, Mme Kosciusko-Morizet
prête à donner sa vie pour ses idées au cas où il lui arriverait d’en avoir,
Mme Le Pen confiante en son avenir, M. Philippot omniprésent, bref, comme à
toute revue digne de ce nom, il ne manquait pas un bouton de guêtre et tout le
monde put se coucher content, certain d’avoir tenu son rôle et rempli son
devoir.
Toutefois, un intervenant me sembla sortir du lot sinon par
la nouveauté du moins par la justesse de son analyse. Je veux parler de M Dray,
Julien de son prénom et peut-être même Juju pour ses intimes. L’homme n’est pas
un imbécile. Un fils d’instituteur arrivé de son Algérie natale en 1965, ayant
pratiqué le trotskisme, fondé SOS racisme, magouillé dans toutes les combinazione
du PS, tantôt à sa gauche, tantôt modéré ne saurait l’être. Et ce d’autant
moins qu’il cultive une coûteuse passion pour montres et stylos de collection
pas forcément en rapport avec ses ressources ce qui lui valut naguère de se
voir faire les gros yeux par une justice intraitable. Et que déclara-t-il ce
brave élu du peuple ? Que la Gauche avait perdu la bataille idéologique,
qu’elle devait non seulement se recomposer mais se donner de nouvelles bases théoriques
afin d’être en mesure de reconquérir un électorat populaire qui l’a abandonnée,
qu’un retour de la croissance ne changerait pas grand-chose etc. Entendre un
socialiste débiter autre chose qu’un catéchisme de slogans éculés est étonnant.
Ce serait même inquiétant s’il n’était pas le seul !