C’est bien beau de fabriquer des bibliothèques mais une fois qu’on les a finies il faut sortir les livres des cartons ou certains dormaient depuis des années. Et là, on s’aperçoit qu’il y en a bien plus que ne peuvent contenir les étagères. Alors, il faut trancher. Dans le vif. Et ce n’est pas facile.
Mes livres n’ont aucune valeur. Mes « Pléiade » ont mystérieusement disparu lors de mon premier divorce. Durant une crise financière j’ai vendu sur eBay les quelques éditions plus ou moins rares en ma possession. Un incendie, il y a quelques années, a noirci le reste. Ce sont en grande majorité des livres de poche, des Folio. Certains ont plus de quarante ans. Ça vieillit mal, tout ça.
Pour résumer, ils auraient, sauf rares exceptions, leur place à la décharge. Surtout que j’ai été indemnisé lors de l’incendie. J’aurais pu acheter quelques milliers d’euros de livres neufs et balancer le tout
Seulement, ces livres c’est ma mémoire, même si je ne me souviens que rarement de leur contenu. Impossible de m’en défaire. Il fallait élaguer. Que jeter ? Que garder ? Selon quels critères ? L’état ? L’intérêt du contenu ? Mes goûts du moment ? Un peu de tout ça ?
Je prendrai quelques exemples : Il y a peu de chance que je relise jamais Henry Miller. Mais la présence de ses livres dans mes rayons rappelle le jeune homme que j’ai été. Les deux tomes d’Ulysse, achetés à Dreux il y a 39 ans, y a-t-il une chance que je parvienne, lors d’une prochaine tentative, à dépasser la dixième page ? Et les Céline tardifs qui me tombent des mains ? Pourquoi conserver douze romans de Modiano quand tous se ressemblent tant ? Et ces livres que je pense n’avoir jamais lus mais qu’une dédicace relie à un amour perdu ?
Alors j'ai presque tout gardé, sachant pourtant que ces livres ne serviront jamais à personne. Que nul ne les lira plus. Si je ne gardais que ceux qu’il est possible que je relise voire que je conseille, mes étagères seraient quasi-vides. Sans livres, je me sentirais nu.