J’ai du mal à me déclarer
féministe. Je ne parle pas des hystériques comme les végans ou les
LGTB+ rabiques, dont les prises de position appellent plus un
traitement qu’un débat. Non, même les féministes modérées qui
se contentent de réclamer la parité dans certaines professions et
de se déclarer maintenues dans une position d’infériorité sans
pour autant voir en
tout homme un violeur et un assassin dans le meilleur des cas
potentiel. Ça doit être dû à
mon expérience personnelle.
Il
se trouve que ma mère (que ce Dieu qui finit par monopoliser toute
ses affections l’ait en sa sainte garde !) était féministe à sa
manière. Étant dotée d’un caractère dominateur et d’une
ténacité remarquables, elle régnait en maîtresse sur toute la
maisonnée. Ce qu’elle n’arrivait pas à imposer d’emblée,
elle l’obtenait par les
scènes, le chantage affectif
et d’interminables bouderies. Ne pas lui obéir, c’était la
contrarier. Toute contradiction entraînait des maux d’estomac. Ne
pas partager ses opinions revenait donc à la torturer.
Alors
que mon père ramenait par son seul
travail de quoi faire tourner la maison, il n’était aucunement
autorisé à engager la moindre dépense. Je me souviendrai toujours
de ce jour de grande scène où
mon père s’aventura à payer d’un chèque un petit magnétophone.
Cette action inconsidérée fut jugée de nature à ruiner le
ménage, à compromettre à jamais son équilibre financier. La somme
était pourtant minime mais le sacro-saint
principe que cet
achat foulait au pied était celui de de la souveraineté financière
maternelle. Certes, mon père avait le droit de posséder un carnet
de chèque, mais il n’était pas permis qu’il l’utilise. Jusque
dans les moindres détails, tout était organisé par la maîtresse
de maison qui coupait le nombre de tranches de pain nécessaires
selon elle à un repas. En
réclamer plus eût été contrariant. De
même son organisation prévoyait qu’un plat devait constituer tant
de repas : quand ses
prévisions se montraient erronées, on avait le choix entre manger
léger et se bourrer de restes. Malgré cette tyrannie domestique,
elle se sentait en position d’infériorité dans la maison et
soumise à l’arbitraire autorité de son mari. Sur quelles bases ?
Va savoir Charles…
Cela
dit, il me fut ensuite difficile ensuite de trouver anormal qu’une
femme exerçât une position de direction. Ça ne m’a même jamais
traversé l’esprit. Grâce à ma mère, j’ai, entre autres choses
appris le respect des femmes et à manger de tout. Deux
atouts dans la vie ! Elle a également su
faire naître en moi
l’impatience de quitter le cocon familial et la résolution de ne
jamais reproduire son modèle. Ainsi mes compagnes n’ont jamais été
importunées par mes regrets de
ne pas les voir ressembler à ma génitrice. Ce qui est déjà
ça. Prenant le contre-pied de
mon expérience, j’ai eu tendance à souhaiter, en toute
concertation, me charger de l’administration domestique au point
qu’un jour ma première épouse déclara à la seconde : « Avec
lui, tu n’as pas à t’en faire : il s’occupe de tout ! »
. Je traitais les affaires courantes et, en dehors de leur
participation aux frais, elles faisaient ce qu’elles voulaient de
leurs ressources.
Ai-je
eu raison ou bien tort ? Qu’importe ! Il n’en demeure
pas moins que le féminisme me laisse sceptique dans son exigence
d’égalité et/ou de parité et sa dénonciation de la domination
masculine. La parité n’est voulue que pour des postes de
« prestige » et jamais dans les professions largement
féminisées comme l’enseignement ou certains secteurs
paramédicaux. L’égalité des salaires, quand elle n’est pas
réalisée, s’explique
généralement par des interruptions de carrière généralement dues
aux maternités, qui, tant qu’on n’aura pas suffisamment bricolé
la matière humaine dans ce sens, affectent davantage les femmes que
les hommes. Quant à la domination, elle n’est pas si générale
que les féministes peuvent le dire. Dans combien de ménages la
femme, pour reprendre une expression vieillotte, porte-t-elle la
culotte et/ou
rudoie sans vergogne un mari qui n’en peut mais ?
Quoi
qu’on fasse, l’autoritaire, quel que soit son sexe, dominera
toujours le docile. Ce n’est pas une question de sexe mais de
caractère, l’égalité ne pouvant exister qu’entre des personnes
indépendants et de nature débonnaire...