Lorsque aucun fait saillant
(Exhibition biroutesque,
libération d’un politicien fraudeur, parole maladroite d’un
ministre, danse frénétique de Mme Benbassa ou autre foutaise) ne vient au secours de media en quête
de sensationnel, il arrive que l’on parle de l’invasion de Paris
par les rats. D’ailleurs, comme pour bien d’autres sujets, ne
serait-il pas pus prudent de parler d’un sentiment de pullulation ?
Quoi qu’il en soit, sentiment ou réalité, la prolifération de
ces rongeurs est de temps à autre évoquée. Et, curieusement, les
gens semblent davantage s’en offusquer que s’en réjouir. J’ai
du mal à les comprendre. Me mettrais-je à geindre si je découvrais
en bêchant mon jardin que celui-ci se trouvait
situé au-dessus d’une importante nappe de pétrole ?
Dans
bien des pays d’Asie du
Sud-Est (Chine, Cambodge, Viet-Nam, Laos, Thaïlande),
on est friand de viande de rat.
D’ailleurs, consommer sa viande fut très tendance à l’occasion
du siège de Paris en 1870. On
m’objectera que les asiatiques se repaissent de rat des champs et
non de rats d’égout, que les
rats se gavant dans les rizières sont gras et nourris sainement
quand leurs collègues citadins se repaissent d’ordures.J’appelle
ça chipoter. Le cuisinier
Thomas
Génin qui prôna la
création de la première école
de cuisine de Paris servait aux gourmets de 1870 des terrines de rat
farcies de chair et de graisse
d’âne pour le prix modique de 15 francs-or. Selon lui, « le
rat, s’il était désagréable à toucher, donnait une viande d’une
formidable qualité, fine et un peu fade, mais parfaite si elle était
bien assaisonnée. »
et ce n’était pas, vu le faible nombre de rizières de la ville,
de celle du rat des champs asiatique dont il
parlait. Sans compter qu’avec la multiplication des cultures
potagères urbaines, l’alimentation des rongeurs deviendra
de plus en plus saine.
Bien
sûr, il faudra, dans un premier temps, que le Parisien surmonte la
répugnance atavique que provoque l’animal mais la raison voudra
que celle-ci soit dépassée : quoi de plus en accord avec des
convictions locavores que de consommer une viande produite Intra
Muros ? D’autre part, cette consommation réduirait fortement
la prolifération du rongeur au grand bonheur des musophobes tout en
permettant la création de
nombreux emplois lucratifs de chasseurs. Il se pourrait même que le succès des
plats de rats n’amènent leur prix à flamber comme c’est le cas
en Thaïlande (voir ici)
et que des commerçants indélicats
ne servent en lieu et place du muridé de
vulgaires lapereaux !
Les
Parisiens au lieu de s’en plaindre devraient donc, pour des raisons
morales autant qu’économiques, se réjouir du
trésor que leur apporte
l’invasion et prier pour qu’il ne s’agisse pas là d’un
simple sentiment.
Pour
finir sur une note plaisante, je vous donne ci-dessous la traduction
d’une des recettes de rat parue en
1973 dansThe Brand new Monty
Python bok, ouvrage
dont je suis l’heureux propriétaire et qui devrait avoir une
place d’honneur dans
la bibliothèque
de tout
honnête
homme du vingt-et-unième siècle :
«Soufflé
au rat
Assurez
vous que les couinements du rats ne sont pas audibles de la rue, en
particulier dans les endroits où la Ligue Anti-soufflé et des
« bonnes âmes » du même acabit se mêlent de persécuter
les amateurs des innocents plaisirs de la table. Quoi qu’il en
soit,
placez le rat sur votre planche à découper. Levez bien haut votre
couperet afin
que son acier scintille aux
lueurs du soleil couchant et ensuite abattez-le
d’un coup - tchak ! - provoquant ainsi un craquement –
sur le cou gras du rongeur terrifié et préparez-le en soufflé .»
Gourmets,
à vos fourneaux !