La vie est une aventure dangereuse qui
se termine forcément mal. Ah que voilà un beau truisme ! Tout
le monde le sait et évite souvent d'y penser. Seulement, en dehors
de l'inéluctable drame final, existent des milliers de malheurs
relatifs. Certains, comme les maladies incurables ou gravement
incapacitantes sont sans appel. Il en existe par ailleurs toute une
gradation allant du ruineux au négligeable. Contre ces derniers
existe un remède : l'assurance. Loin de moi l'idée de penser
que toute assurance est inutile. J'ai pu constater qu'en cas
d'incendie, avoir assuré sa maison est utile. En effet, les dégâts
que j'ai subis en cette occasion représentaient une somme plus que
rondelette et égale à quelques siècles de cotisations. De même,
vues les conséquences possibles d'un accident de la circulation,
s'assurer n'est pas un luxe.
Seulement, il est de nombreux cas où
l'utilité de s'assurer est plus problématique. Les assureurs ainsi
que d'autres professions ont donc intérêt à créer de l'angoisse
afin de pouvoir la calmer moyennant espèces sonnantes et
trébuchantes.
Prenons quelques exemples. Vous achetez
un lave-linge et, pour une somme dérisoire ou vous propose une
extension de garantie. Le fait que la prime soit très faible est en
soi un avertissement. On peut penser ce qu'on veut des statistiques
mais celles des sociétés d'assurance sont fiables car analysant et
tenant à jour une multitude de données. Plus le montant demandé
est faible plus la probabilité de la survenue d'un incident est
quasi-inexistante. Surtout que l'usure d'un lave-linge est fonction
de l'utilisation qu'on en fait. Une famille nombreuse avec des
enfants en bas âge fait bien plus de lessives qu'un célibataire. Si
la machine est garantie 2 ans, c'est que logiquement l'appareil doit
les tenir même en cas d'utilisation intense, si on prolonge la
garantie d'autant pour trois fois rien, c'est que les chances de
pannes sont bien faibles...
Une célèbre marque s'occupe des
pare-brises. Ils réparent ou remplacent. Au moindre petit impact,
ils vous conseillent de courir chez eux afin qu'on y injecte la
résine miracle qui le rendra comme neuf et vous évitera bien des
malheurs. Car qu'il fasse chaud, froid ou doux, que ce soit à cause
d'un choc thermique ou d'un cahot, l'irréparable va se produire :
le pare-brise va se fendre vous jetant, vous et votre famille, dans
des abîmes de désespoir et de misère. Je n'en ai jamais tenu un
compte exact, mais des impacts, j'en ai eu et JAMAIS ils n'ont donné
naissance à une catastrophique fêlure. D'autre part, cet apparent
désastre, s'il se produisait, pourrait être l'occasion de vous
retrouver avec un beau pare-brise tout neuf au lieu d'un vieux moins
transparent...
La mort est une chose triste en soi.
Enfin, je suppose, vu que jusqu'ici je ne l'ai pas personnellement
expérimentée. Mais ce qui rendrait cette expérience encore plus
douloureuse, ce serait de se retrouver avec des obsèques manquant de
fioritures ! On a donc inventé une convention qui vous permet
de tout préparer. Grâce à elle, vos héritiers ne se retrouveront
pas dans l'ornière, vous aurez une sépulture digne de vous, une
cérémonie au petit poil et tout le monde exultera ! Surtout
l'assureur qui vous aura fourgué le contrat. Parce qu'avant des
héritiers mesquins vous envoyaient ad patres en fosse commune et
dans du vulgaire sapin. Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui, on
peut mourir sans crainte : tout se passera bien.
De manière générale et en tout
domaine tout est fait pour que se répande une peur salutaire du
moins pour qui y trouve son intérêt : on craint entre autres
d'être empoisonné par ses aliments ou l'air que l'on respire. Du
coup on est prêt à payer cher pour se mettre à l'abri des
innombrables dangers qui nous cernent. C'est bon pour le commerce et
ça permet aux gouvernement d' étendre leur emprise sur notre
vie quotidienne au nom de notre sécurité et du principe de
précaution. Sans compter que pendant qu'on s'occupe de ces menaces
on se détourne de problèmes bien plus réels et redoutables.