Un clou chasse l’autre, c’est la règle des media. L’affaire du
gang des voleurs de Carambars quitte les unes dès qu’un tueur fou se met à
dézinguer les marchands de chichis par dizaines. Ainsi les malheurs des
chrétiens et autres yezidis irakiens volent-ils aujourd’hui la vedette au
conflit Israélo-palestinien. Quelques voix s’élèvent pour stigmatiser le deux
poids deux mesures qui fait que l’émotion suscitée par les persécutions des
non-musulmans d’Irak font davantage réagir les gouvernants occidentaux que ne le
font les morts de Gaza. Il faut dire que l’EIIL réunit moins de support qu’aucun
des camps de l’autre conflit. Parce qu’en notre époque de grande tolérance, se
mettre à massacrer ou à expulser les minorités est généralement très mal vu. D’autant
plus que les massacreurs-expulseurs appartiennent à la mouvance honnie des
islamistes. Dans ce cas, agresseur et victime sont clairement identifiés. Il
est donc aisé que se crée pour blâmer le premier et vouloir secourir le second une
quasi-unanimité.
Dans le conflit que les troubles Irakiens ont supplanté, les
choses sont moins simples. Du coup se cristallisent deux camps soutenant sans
états d’âme l’un ou l’autre des protagonistes. Ce simple constat témoigne de la
complexité du problème. Je n’avais jusqu’ici pas écrit le moindre mot sur la
question. L’enthousiasme avec lequel tout un chacun prenait parti pour ses
champions faisait que je me sentais, moi qui n’aime de fine amour aucune des parties
prenantes, très mal à mon aise pour exprimer dans ce concert aussi véhément que
dissonant une opinion mitigée.
Il me semble que tout dépend du point de vue temporel à
partir duquel on considère les choses. En 2014, comme de tout temps, un état
dont l’existence est reconnue peut-il sans y répondre accepter que ses voisins
envoient des milliers de missiles sur son territoire sans y répondre (même si
les dégâts occasionnés sont peu importants du fait de la supériorité
technologique de l’assailli) ? Bien évidemment, non. Que cette réaction soit
faite avec les moyens incomparablement supérieurs dont dispose l’un des
belligérants entraîne forcément un nombre de victimes et de dégâts collatéraux
importants. Car il est rare que David
terrasse Goliath (notons au passage l’ironie d’une telle métaphore : le
géant est un philistin (terme dont dérive « palestinien » quand David
est Juif). D’un autre côté on peut comprendre que le Hamas qui domine Gaza
utilise, faute de mieux (car s’il était en possession de moyens militaires
comparables à son ennemi, il mènerait une « guerre classique »),
cette arme des faibles qu’est le terrorisme et qui tire bénéfice de la
répression qu’il engendre. Plus cette dernière est disproportionnée, plus on y gagne. Des attaques menées à partir d’endroits
densément peuplés entraîneront fatalement un nombre de victimes important qui a
son tour suscitera de nouvelles vocations de terroristes. Tout ça est de « bonne
guerre ». Libre à chacun de choisir le droit de l’État d’Israël à défendre
sa peau à tout prix ou de ne vouloir prendre en considération que le nombre de
victimes palestiniennes.
Si on choisit un point de vue plus historique, qu’on remonte
à l’origine du sionisme, dans les années 80 du pénultième siècle, il est
compréhensible que les Juifs, suite à la vague de pogroms qui parcourut l’Europe orientale aient pu rêver d’obtenir un foyer national qui les placerait à l’abri
des massacres et autres persécutions. La déclaration Balfour commença à donner
un début de consistance à ce rêve, la montée du nazisme et plus généralement de
l’antisémitisme, son arrivée au pouvoir et les conséquences que l’on sait
favorisèrent l’immigration des Juifs en Palestine sous mandat anglais, la
guerre que provoqua en 1948 la proclamation de l’État d’Israël et qui eut pour
double conséquence la fuite d’arabes et l’afflux de Juifs expulsés des pays
arabes finirent par faire de l’ancienne Palestine un territoire majoritairement
juif (sur l’évolution du peuplement juif en Palestine, voir
ce tableau). Suivirent 3 guerres Israélo-arabes et bien des vicissitudes
pour les Palestiniens avec toutes les rancœurs et les haines qu'elles ne pouvaient manquer de faire naître . Reste à savoir si le sionisme était la solution… Reste à
savoir si la multiplication par 100 en un siècle des membres d’une religion différente
de celle des précédents habitants du pays et la mise en minorité de ceux-ci
aurait, où que ce soit et de quelque manière que ça se soit produit, pu se
faire dans la joie et la bonne humeur…
N’étant ni pro-sioniste ni pro-palestinien, je me contente égoïstement
de me féliciter de ce que Yahweh en sa grande sagesse n’ait pas promis la
Normandie à Abraham.