Me voici de retour en mes collines et profondément troublé.
Quitter un endroit froid où il pleut pour retrouver
un temps glacial et pluvieux n’est pas une source de joie incommensurable. S’apercevoir qu’en dehors de l’herbe et de la haie rien ne
semble avoir beaucoup poussé limite les réjouissances. Mais foin de ces petites déceptions. Hier s’est
passé un événement considérable, un de ceux dont l’humanité risque de ne jamais
se remettre : Georges Moustaki est mort !
Depuis la disparition d’Alain Bashung il y a quatre ans déjà
(comme le temps passe !), rien de vraiment important ne s’était produit
dans notre recoin du système solaire. A ce propos, je me demande comment il se
fait que cet homme si merveilleux grâce auquel le monde état devenu si beau n’ait toujours
pas été canonisé. Mais ne digressons pas.
Revenons à notre Georges. Or donc, il n’est plus. Je l’ai
appris en écoutant les informations sur la RSC™. N’étant pas particulièrement
fan, j’avoue à ma courte honte n’avoir pas perdu le contrôle de mon véhicule à
cette annonce (je conduisais alors). Ce n’est que plus tard, quand la RSC™ consacra une édition spéciale de son journal
de 13 heures au Grand Homme que je réalisai mon erreur : celui que je
considérais comme un vieux dort-en-chiant dont le principal mérite était de ne
pas tout à fait s’endormir en chantant (peut-être était-il sourd ?) m’apparut
enfin pour ce qu’il était : un de ces géants de la pensée sans lesquels l’humanité
serait malvenue de revendiquer une quelconque supériorité sur l’amibe. Il allait
laisser un vide tel que les espaces intersidéraux ne seraient que gnognotte.
Bref, la perte était irréparable. Mme
Gréco, M. Aufray, M. Le Forestier (pas le garde, Maxime) et quelques autres
jeunes gens étaient formels : des comme lui, on n’en faisait et n’en
verrai plus.
Étant de cœur sec, je continuai ma progression routière sans
en être plus affecté que ça. Toutefois, comme je manquais de pain et de lait
pour le petit déjeuner du lendemain, je décidai de m’arrêter à Nozay, un peu
après Rennes afin d’en faire l’emplette au Super U local. Et là une surprise m’attendait :
alors que je m’attendais à trouver les rayons parcourus de femmes en larmes s’arrachant
les cheveux et d’hommes au visage dévasté et à la démarche titubante suite à la
recherche d’une consolation illusoire dans l’alcool et… Rien de tout ça !
Les gens avaient l’air aussi normal qu’à l’accoutumée. Du moins autant que
puisse en juger quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds à Nozay auparavant.
Ignoraient-ils la nouvelle ? Peu probable !
C’est alors qu’une idée me traversa l’esprit : et si
dans le fond ils n’en avaient rien à cirer ? Si un tel homme pouvait
disparaître sans que ça les bouleverse ?
Et si mes amis de la RSC™ avaient transformé en événement capital un
fait somme toute sans grande importance ? A moins qu’une société matérialiste ait
transformé en égoïstes zombies un peuple jusqu’ici si généreux et sensible ?
Tout ça me plongea dans un abîme de perplexité dont je crains de ne pas sortir
de sitôt.