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jeudi 4 novembre 2021

Truismes du jeudi

 

Ce texte m’a été inspiré par notre conversation d’hier avec ma fille avec laquelle on ne parle pas que de météo.

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard…

Voilà ce qu’écrivait M. Louis Aragon en 1943, alors qu’il était hébergé à Lyon par M. René Tavernier, père de Bertrand, dans un poème dont le titre et les vers témoignent du profond optimisme du Loulou à son Elsa : Il n’y a pas d’amour heureux. Repris par M. Brassens, bien qu’amputé de sa dernière strophe, j’avoue qu’en ma prime jeunesse, comme beaucoup d’autres de ses poèmes chantés par Ferrat ou Ferré, j’appréciais grandement ce texte. Je plaiderai l’excuse de jeunesse. Pour lui comme pour moi. Après tout, en 43, ce brave Louis n’avait que 46 ans, âge à mes yeux d’aujourd’hui prématuré pour tirer des enseignements définitifs sur le sens de la vie (si tant est qu’elle en ait un).

Ayant atteint depuis l’âge blet, je m’inscris en faux contre cette assertion. M. Sagesse des Nations qui, comme Aragon était loin d’être un con (j’en veux pour preuve le fait que ce dernier fut un fidèle et zélé laudateur du Grand Staline*) déclara, lui, qu’ « il n’est jamais trop tard pour bien faire ». Ce proverbe, je le fais mien.

Je suis persuadé qu’à l’école de la vie, les élèves sont souvent distraits, répugnent à assimiler leurs leçons, se complaisent dans l’inconfort de leur convictions originelles, en gros n’apprennent pas grand chose si ce n’est à accumuler les regrets stériles d’un âge d’or aussi révolu que fantasmé.

Ce n’est pas mon cas. Les quelques épreuves, somme toute bénignes, que j’ai pu traverser je ne les considère que comme des étapes utiles voire indispensables vers mon heureuse sérénité d’aujourd’hui. Je me souviens d’avoir, adolescent, griffonné sur un de ces bouts de papier qui recueillaient mes téméraires pensées et que j’ai depuis détruits « Quoi que je fasse, j’irai vers moi. ». J’ai l’impression, après un long cheminement, d’y être parvenu. A savoir que je mène avec équanimité la vie qui convient à ce que je suis, loin des indignations, des aigreurs, des ambitions, des frustrations, des passions qui pourrissent toute existence.

Cet indécrottable connard de Jacques Séguéla faisait un parallèle entre la possession (avant 50 ans) d’une Rolex et la réussite d’une vie. Je pense plutôt que c’est lorsqu’on atteint l’âge blet sans acquérir une claire conscience de ce que l’on est et vivre en fonction de cette connaissance que l’on a échoué, avec ou sans Rolex. C’est ce qu’avec une sage mollesse je m’efforce de faire. Je cuisine, je charcute, je lis, j’écris, je bricole, je jardine, je fais de la plomberie ou de l’électricité, je pédale comme un fou sur mon engin de torture, je croise les mots, etc., avec la profonde conviction que ce qui n’est pas fait aujourd’hui peut très bien ne pas se faire demain et que c’est sans importance. Solitaire, j’évite trop de contacts. Ce n’est pas moi qu’on verra, dans l’espoir jamais garanti de prolonger un peu mon existence, réduire ou supprimer mes consommations d’alcool, de tabac, de viande, de sucre ou de sel. Bref, je vis. Bien.

* Il faut vraiment une âme bien vile pour ne pas pleurer de tendresse à la lecture du texte « Il nous faut un Guépéou » que vous trouverez vers la fin de cet article.

16 commentaires:

  1. Bah, il faut bien reconnaître que, passés les soixante-dix ans, on est plus que mûr...

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  2. Vous lire m'a fait du bien, cher Oncle Jacques ! On rencontre tant de gens qui ne veulent surtout pas savoir qui ils sont et s'étourdissent en se racontant des histoires sur eux-mêmes et sur les autres.
    Lorsque vous écriviez : "Quoi que je fasse, j'irai vers moi.", vous ne saviez pas que, ce faisant, vous emmèneriez du monde avec vous.
    La sincérité et la simplicité avec lesquelles vous arrivez à nous expliquer celui que vous êtes est littéralement époustouflante.

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    1. Heureux de vous avoir fait du bien ! Je crains cependant que vous ne m'adressiez des compliments immérités.

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    2. Ne craignez rien, mais lorsque vous écrivez "compliments immérités", vous êtes à côté de la plaque. Car il se trouve que moi aussi j'aimerais pouvoir me dire : "Quoi que je fasse, j'irai vers moi." Je vous serai donc reconnaissante de ne pas compromettre l'image - certes dérangeante pour les autres - que je me fais de moi-même, et à laquelle je tiens comme vous tenez à la vôtre.

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    3. N'était-ce pas plutôt Socrate ?

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    4. @ Mildred :" La sincérité et la simplicité avec lesquelles vous arrivez à nous expliquer celui que vous êtes est littéralement époustouflante." c'est cette phrase que je considérais comme porteuse de compliments immérités.

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    5. J'avais bien compris, Oncle Jacques, eh bien vous avez tort : je suis incapable de faire le moindre compliment qui ne relève pas d'un constat ! Or ce n'est pas la première fois que j'apprécie chez vous - et bien d'autres avec moi - ce talent particulier que vous avez pour nous amener à la compréhension de ce que vous êtes.
      Mon "défaut" est de dire ce que je pense, alors acceptez-moi comme je suis, et à l'avenir épargnez-moi ces assauts de modestie qui, selon moi, n'ont pas lieu d'être.

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    6. Mais, chère Mildred, je n'ai aucun mal à vous accepter telle que vous êtes et j'apprécie
      beaucoup votre fidélité.

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  3. Aller vers soi, pour quoi faire ?
    J'aime tous vos billets, surtout les billets charcutiers, presque une "madeleine" pour moi. Savez-vous faire les rillettes ?

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    1. Pour se réaliser et donc se connaître. Pour ce qui est des rillettes, oui, j'en fabrique.Au cas où vers seriez intéressé, je vous communique ce lien : https://www.marieclaire.fr/cuisine/les-rillettes-de-jean-carmet,24126,1191980.asp. Elles sont délicieuses, pas trop grasses et leur fabrication ne demande qu'un peu de patience.

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  4. Je partage à au moins 90 %. J'adore votre goût du bricolage..

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  5. "Quoi que je fasse, j'irai vers moi."

    Eh bien, pour ce qui me concerne, s'il est un endroit où je n'ai pas envie d'aller, depuis que je me connais un peu, c'est bien vers moi !

    Je préfère continuer à me deviner dans les lointains : c'est plus prudent…

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    1. D'où votre goût immodéré pour la littérature-moyen-d'évasion ?

      Sérieusement, je pense qu'il est indispensable de cheminer vers ce que l'on est profondément lieu où nous mènent inévitablement toutes nos expériences. une fois qu'on y est parvenu, vient le temps de la réconciliation avec soi-même, de l'acceptation, voire de l'affection avec et pour soi-même.

      Woody Allen a écrit que son seul problème était de ne pas être quelqu'un d'autre. C'était peut-être simplement une boutade d'humoriste mais si on prend cette phrase au sérieux, ça me paraît un renoncement à une vie sereine. Un échec.

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    2. Mais s'accepter tel que l'on est – ce que je crois faire en effet – n'implique pas forcément d'être pris pour soi-même d'un amour inconditionnel…

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    3. Bien entendu, cher Didier. Seulement, cette acceptation peut n'être qu'une forme de résignation triste à n'être que ce que l'on est. Elle peut aussi être bienveillante : pourquoi continuer à se flageller alors que, tout bien pesé, on n'est ni meilleur ni pire qu'un autre et que l'indulgence que l'on accorde aux autres il est normal qu'on se l'accorde à soi ?

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