L’autre jour, tandis que je travaillais à donner meilleure allure à mon jardin afin qu’il soit pimpant l’hiver durant, je me pris à penser à ces extraits du poème « Guitare »de M. Hugo que M. Brassens mit en musique sous le titre « Gastibelza ».
J’aime beaucoup cette chanson. Il n’empêche que pour ce qui est des licences poétiques, le père Victor n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Qualifier César d’empereur d’Allemagne en est une. Bien sûr, il lui fallait fourguer une rime en « -agne » mais de là à faire de Caius Iulius l’empereur qu’il ne fut jamais d’un pays qu’il ne conquit pas , il faut un sacré culot. D’un autre côté, s’il avait choisi d’en faire « l’inventeur des lasagnes », c’eût été tout aussi faux mais un peu moins prestigieux. Passons donc.
La mère de la belle Sabine est décrite comme « la vieille maugrabine d’Antequra qui chaque nuit criait dans la Tour Magne comme un hibou ». Mis à part le comportement curieux d’une vieille Andalouse se rendant chaque soir à Nîmes pour se livrer à l’innocent passe-temps d’y hululer dans la Tour Magne, on ne saisit pas forcément que l’adjectif vieilli maugrabine désigne une personne originaire du Maghreb mais qu’importe au fond ?
Ce qui m’intrigue le plus, c’est cette strophe où le roi d’Espagne fait une étrange confidence :
« Le roi dsait en la voyant si belle
A son neveu : - Pour un baiser, pour un sourire d’elle,
Pour un cheveu,
Infant don Ruy, je donnerais l’Espagne
Et le Pérou !- »
Avouez qu’il y a là de quoi s’inquiéter ! Au lieu de couvrir d’or, de terres, de titres et de bijoux une favorite comme il sied à tout bon roi qui se respecte, voilà-t-il pas que celui-là se dit prêt à offrir son royaume et sa riche colonie en échange de faveurs minimes !
Ruy dut en rester comme deux ronds de flan ! Que faire en pareil cas ? Prévenir son cousin, héritier du trône, qu’il perdait la boule et lui conseiller de le faire mettre sous tutelle avant qu’il n’offre royaume et fortune à une gourgandine réduisant la dynastie à une misère abjecte ? Contacter la Sabine dont la vénalité est signalée plus loin vu qu’elle « a tout vendu, sa beauté de colombe, et son amour pour l’anneau d’or du comte de Saldagne, pour un bijou » et lui mettre le marché entre les mains : « Tu vas le voir, tu t’assure que sa proposition est sérieuse, et si oui, tu lui claque la bise, tu lui souris, tu lui donne un cheveu (à toi de préférence) vous faites les papiers et ensuite, conformément à l’acte que je te prie de signer préalablement devant notaire, tu me restitues la couronne d’Espagne et le Pérou moyennant 25 % de l’or ramené de la colonie pendant 10 ans. Ça te va ? »
On peut également penser que le roi galéjait, que son neveu, lassé de ses incohérents bavardages, ne l’écoutait pas ou que Victor relate une anecdote qu’il a forgée de toute pièce, faisant ainsi son boulot de poète.
Non, non, et non, Oncle Jacques, toutes vos enculettes à la flan, n'ont pas réussi à susciter en moi le moindre doute sur cette chanson de Brassens que j'ai toujours aimé écouter et chanter, ne vous en déplaise !
RépondreSupprimer@ Fredi : Oui !
Supprimer@ Mildred : Vous êtes bien dure avec moi ! J'ai pourtant signalé que j'aimais cette chanson. En fait, avec ce texte et "La légende de la nonne" Brassens nous a permis de découvrir un Hugo moins grandiloquent qu'à son ordinaire.
Je me suis simplement amusé à relever certains traits inquiétants d'un roi irresponsable.
Rien de bizarre à ce qu'une vieille Maugrabine habite Nîmes, cette ville (et quelques autres voisines) ayant fait partie du califat, dans les années 750.
RépondreSupprimerLes Languedociens ont pratiqué avec bonheur le vivrensemble bien avant que ce ne fût la mode !
Elle devait alors être vraiment vieille la maugrabine de l'homme à la carabine car l'or du Pérou arriva dans cette countrée 800 ans après que Nîmes échappa au califat. Mais peut-être s'agit-il là d'une autre licence poétique dont nous parle oncle Jacques...
Supprimer@ Didier : La Maugrabine en question est d'Antequera, en Andalousie et semble ne se rendre à Nîmes que pour y hululer dans la Tour Magne.
Supprimer@ La Dive : Vu que Hugo est très imprécis dans la datation de son récit, on se perd en conjectures.
En plus d'être un obsédé de la galipette, Hugo avait quelques talents...
RépondreSupprimerGaztibelza et la légende de la nonne, figurent en tête de liste des chansons de Brassens que j'ai appris par cœur un jour, à la radio du temps de ma jeunesse...
RépondreSupprimerIl ne m'est jamais venu à l'idée de décortiquer ses invraisemblances qui ont toujours été pour moi des marques du vrai talent du poète...
Totalement d'accord avec vous.
SupprimerJe me suis un peu amusé, c'est tout. Je connais également ces deux chansons par cœur.
Et moi, j'ai sûrement connu Brassens avant vous deux, na ! Puisque c'est en 1953 que mon cousin a amené le premier disque de Brassens à la maison, au grand dam de la famille !
SupprimerIl se trouve que j'ai connu Brassens très tôt. J'avais deux cousins plus âgés (les deux sont morts aujourd'hui) dont l'un habitait rue de l'Ouest dans le XIVe non loin de l'impasse Florimond et l'autre à Lanvollon (Côtes d'Armor) où Brassens faisait ses courses. Ce dernier, venu faire un stage de formation à Paris, résida chez nous et écoutait du Brassens en boucle. Pour les deux cousins, M. Brassens était une vedette locale ! Je ne saurais dire exactement quand je l'ai entendu pour la première fois mais probablement vers 1954-1955
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RépondreSupprimer« Brassens nous a permis de découvrir un Hugo moins grandiloquent qu'à son ordinaire. »
RépondreSupprimerMais Hugo est plus souvent badin qu'on ne le pense généralement ! Comme le prouve ce poème que j'ai toujours beaucoup aimé et que je vous livre séance tenante (comme je le donne de mémoire, la ponctuation est probablement fautive) :
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Était fort amoureux d'une fée. L'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut,
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut.
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond, nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps, quand il neige en décembre,
Et que l'on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe.
La fée avise l'ogre, avec sa bouche énorme :
« As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ? »
Le bon ogre, naïf, lui dit : « Je l'ai mangé. »
Oh, c'était maladroit ! Vous qui cherchez à plaire,
Ne mangez pas l'enfant dont vous aimez la mère !
Et voilà que, dans ma hâte et mon enthousiasme, j'ai sauté un quatrain ! Il s'insère juste après "L'ogre se mit alors à croquer le marmot" :
SupprimerC'est très simple, pourtant c'est aller un peu vite,
Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim.
C'est moins barbant que la Légende des siècles. Je pense qu'on devrait enseigner la morale de ce poème aux enfants des écoles. "Vous qui cherchez à plaire, ne mangez pas l'enfant dont vous aimez la mère" est une maxime propre à leur éviter certaines bévues, l'âge d'homme venu !
SupprimerLe problème avec Totor c'est qu'il bâclait parfois, un peu comme tout le monde mais chez lui ça surprend. San Antonio l'avait qualifié de "con génial", je crois que c'est assez bien vu.
RépondreSupprimerAmitiés.
J'ai du mal à dissocier l'homme de l'artiste. Je trouve le premier si peu estimable que ça rejaillit sur l'œuvre.
SupprimerPour parler comme vous le faites de Victor Hugo, je mettrais ma tête à couper que vous n'avez jamais eu l'occasion de lire : "Olympio ou la vie de Victor Hugo" d'André Maurois !
SupprimerTout comme vous j'avais une idée très négative de notre génie national, mais la lecture de ce livre a complètement changé ma vision et de l'homme et de son génie.
Je vous en conseille donc la lecture et je suis sûre que vous ne le regretterez pas !
Victor Hugo est un exemple parmi une foule d'autres de la puissante constatation de Casanova dans Histoire de ma vie :
SupprimerLes gens heureux n'ont pas d'histoires intéressantes à raconter.
Cette maxime s'applique aussi pour Jean d'Ormesson et Mégane Markle.
@ Mildred : Votre tête ne risque rien :je ne l'ai pas lu ! Peut-être qu'à l'occasion...
Supprimer@ Le Rabouilleur : que voulez-vous dire par là ? Qu'Hugo n'était pas heureux ou que ses histoires manquent d'intérêt ?
L'Odyssée d'Homère est la longue suite des malheurs d'Ulysse.
RépondreSupprimerL'Ancien Testament est la longue suite des malheurs d’Israël.