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mercredi 3 mars 2021

De l’enracinement et de l’identité

J’ai, dans mon précédent article, exprimé mon scepticisme sur la valeur des notion de racines et celle de fleuve chère au bon Maurizio Bettini. En filant la métaphore des racines ne pouvant se concevoir que comme la partie de l’arbre qu’elles nourrissent. Cependant, l’enracinement est ou plutôt a été une réalité. J’en veux pour preuve les recherches généalogique faites par un membre de la famille de mon ex et défunte épouse qui montraient que du XVIIe siècle au début du XXe tous leurs ancêtres avaient vécu près de Luçon, en Vendée. Dans la première moitié du siècle dernier, pour une raison que j’ignore le grand-père de mon ex-femme vint s’installer comme métayer dans le département voisin de la Vienne où trois de ses cinq enfants demeurèrent également. Jusque relativement récemment donc, on pouvait considérer que cette famille de petits paysans était enracinée dans son terroir vendéen, parlant le patois local et vivant ou survivant grosso-modo de la même manière, en dehors des périodes de troubles civils, dans une société stable . Seulement, le grand-père, probablement doté d’un esprit aventureux, rompit cette chaîne et devint un déraciné en s'installant comme métayer dans le département voisin de la Vienne, certains de ses enfants n'y retèrent pas et ses petits enfants s’éparpillèrent encore davantage…

De mon côté, bien que n’ayant fait aucune recherche généalogique, je suppose qu’il en alla de même pour mes ancêtres maternels et paternels vivant dans le Trégor. Si je croyais aux racines, je devrais donc me considérer comme Breton. Mes parents, parlant la langue, considérant leur exil francilien de trente et quelques années comme une parenthèse, retournèrent dès que mon père prit sa retraite au pays. Ce fut pour ma mère une source de désillusion, la Bretagne réelle ne ressemblant plus vraiment à la Bretagne idéalisée de sa jeunesse. Quant à moi, mis à part une mise en nourrice dans le pays de ma mère jusqu’à deux ans et demi et bien qu’ayant vécu jusqu’à 18 ans en Île-de-France, je ne me sens pas pas plus Breton que Francilien. Plutôt qu’à des « petites patries » je me sens appartenir à une plus grande : la France. Si j’ai une identité, celle-ci est Française et rien d’autre.

Le Larousse donne entre autres définitions du mot "identité" la suivante : « Caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe, qui fait son individualité, sa singularité : Personne qui cherche son identité. Identité nationale. ». Pourtant, le terme « permanent » mérite d’être précisé. Rien n’est immuable, tout évolue. Bien qu’indéniablement et fondamentalement Français, les paysans du XVIIe siècle que j’évoquais plus haut, étaient bien différents de moi. Ils s’en distinguaient par la langue ou le patois, le mode de vie, un rapport différent à la religion, un manque de mobilité, de moyens de communication, des accoutrements différents, etc. De même, à soixante-dix ans, je ne suis plus ce que j’étais à vingt ni même à quarante ans. Des influences, des expériences sont venus me modifier cependant je n’ai pas pour autant perdu mon identité personnelle. Pour ce qui est de mon identité nationale, il en va de même. La France de 2020 n’est pas celle de 1970 ou de 1990 je ne lui demeure cependant pas moins viscéralement attaché. C’est, je crois, la durabilité de cet attachement qui fait la permanence de mon identité française. Je me sens Français, en ce que j’appartiens à la communauté française et que je ne saurais appartenir à aucune autre.

J’ai pris conscience de cette appartenance au cours de plusieurs séjours prolongés à l’étranger, d’abord au Sénégal puis par deux fois en Angleterre. Il est évident qu’il était plus facile de me sentir davantage d’affinités avec les Anglais que les Sénégalais. Cependant je n’aurais à aucun prix pu devenir Anglais malgré toute l’affection que je peux porter à cette nation et les liens forts que j’ai pu, un temps, y nouer. Je n’ai, malgré les années que j’y ai passé, pu sentir la moindre appartenance à ce pays. Sentiment d’ailleurs réciproque vu que, sans que mon accent puisse me faire identifier comme Français, j’y étais considéré comme étranger. C’est à dire qu’à la différence de certains Cockneys, Jordies ou Glaswegians, que leurs accents respectifs rendent difficilement compréhensibles mais dont personne ne remettrait en cause l’appartenance à la communauté anglaise ou britannique, je n’y étais qu’un élément allogène.

Cela dit, tenter de donner une liste des éléments constitutifs de l’identité française ou de toute autre identité nationale me paraît illusoire. Pour une simple et bonne raison qui est la diversité de toute population. On pourrait commencer par éliminer des critères non pertinents comme par exemple, la couleur de peau, la religion, l’adhésion à un système politique, des traits de caractère et de manière générale tout critère que seraient censés partager l’unanimité des Français. Même la connaissance de la langue si elle est devenue une condition nécessaire de l’appartenance à la communauté nationale n’est pas une condition suffisante vu qu’on peut très bien en avoir une maîtrise supérieure à celle de bien des Français sans pour autant être Français. Considérer que posséder une culture commune serait nécessaire me paraît également erroné, tout individu n’en possédant qu’une partie voire de simples bribes.

Plus qu’un ensemble de caractéristiques généralement partagées qui seraient censés constituer l’identité française, il me semble qu’il serait plus sage de se borner à une sorte de plus petit dénominateur commun qui fait qu’en dehors de la classe sociale, du niveau d’éducation, de la race, de l’origine, de la région etc., on se sent chez soi en France et qu’on est certain d’appartenir à la communauté française. Je serais bien en mal d’en décrire avec exactitude les composantes. Toutefois, il est certain que ce PPCD existe et qu’il est ressenti par une majorité de Français.

Une autre évidence est que des forces sont en œuvre pour détruire ce fond commun et faire primer l’individuel sur le collectif afin d’atomiser les nations et de mieux les amener à se dissoudre dans une sorte de gloubi-boulga humain (ou Matière Humaine Indifférenciée pour reprendre l’expression de Renaud Camus), la « citoyenneté du monde » notion aussi vague qu’inexistante devenant, du moins pour certains membres des sociétés occidentales, l’idéal à atteindre. Malheureusement, il ne semble pas que cet idéal enthousiasme le reste de la planète… J’y reviendrai.




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