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vendredi 13 décembre 2019

Histoire locale

La fontaine dont il sera question. Ses blessures ne sont pas dues à l'indignation citoyenne mais à la contre-attaque allemande d'août 1944 qui détruisit en grande partie la ville.


J’habite avenue Bernardin Le Neuf. En fait tout le monde ici l’appelle avenue Bernardin. L’adjonction de Le Neuf présenta pour moi une énigme jusqu’à ce qu’hier, ma chère Nicole attirât mon attention sur un article de presse parlant de Sourdeval. Le fils d’un gendarme qui avait, dans les années 50 exercé dans cette bonne ville, curieux d’histoire et peut-être nostalgique, avait retrouvé l’ancienne gendarmerie et y avait remarqué sur une pierre une inscription dont l’usure et les lichens ne laissaient plus lire que le dernier mot : Sourdeval. Désireux d’en connaître plus, il fit des recherches sur le Net et trouva, dans Gallica, l’ouvrage d’un historien local où apparaissait in-extenso les mots de l’inscription en question : « 1733, j’ai été posée par Mr Gabriel de Monteney le Neuf, Sr de Sourdeval ».

la pierre en question


 Ma curiosité en fut piquée et je parvins à retrouver l’ouvrage en question. C’est là que j’en appris davantage sur la famille Le Neuf. De vieille noblesse, les Le Neuf étaient seigneurs de divers endroits et couramment appelés de Montenay Le Neuf. Gabriel eut cinq enfants dont quatre fils. L’aîné mourut jeune, le second,Pierre-Gabriel-Louis, lui succéda, le troisième fut prêtre et entre autres titres chanoine de Bayeux et abbé-commanditaire de l’Abbaye Royale de la Prée. Le quatrième, Louis-Bernardin Le Neuf de Sourdeval embrassa la carrière militaire et s’illustra dans la Marine Royale au point qu’en 1764, après qu’il eut épousé sa nièce, fille de Pierre-Gabriel-Louis de vingt-cinq ans sa cadette, le roi Louis XV le fit comte de Sourdeval-Le Neuf. Je tenais mon Bernardin Le Neuf !



Le pauvre Bernardin connut une bien triste fin. Accusé de complicité avec la complotiste Elisabeth, sœur du ci-devant roi Louis XVI, il fut jugé par le tribunal révolutionnaire en compagnie de 24 autres criminels le 10 mai 1794 qui, après une interminable délibération de 25 minutes, les condamna tous à mort, exécution qui eut lieu le jour même. Madame Elisabeth se vit offrir le privilège d’assister à l’exécution de ses coaccusés avant qu’on lui tranchât la tête. L’aimable Fouquier-Tinville, accusateur public de son état, s’étonna auprès du président René-François Dumas de ce que cette dernière n’ait formulé aucune plainte à l’énoncé du verdict. Le brave juge lui fit cette réponse toute empreinte de bonhomie républicaine : « De quoi se plaindrait-elle, Elisabeth de France ? Ne lui avons-nous pas formé aujourd'hui une cour d'aristocrates dignes d'elle ? Et rien ne l'empêchera de se croire encore dans les salons de Versailles, quand elle va se voir, au pied de la sainte guillotine, entourée de toute cette fidèle noblesse* » .

L’acte d’accusation ne consacrait que quelques lignes au comte de Sourdeval Le Neuf. Je vous les retranscris. «  Sourdeval, ex-comte, lié avec la femme Sennozant partageait sa haine pour la révolution. Il s'était établi à Caen en 1791, au moment où se préparait la contre-révolution, dont il a été l'un des agents, et il ne s'est retiré de cette ville que pour se soustraire aux poursuites faites contre les conspirateurs. Il avait excité contre lui, par sa tyrannie et son oppression, l'indignation des habitants de Sourdeval. Enfin, tout donne lieu de croire qu'il avait des relations intimes avec d'Aligre, et qu'il entretenait des correspondances avec ce conspirateur, et avec Vibraye et La Luzerne, émigrés, gendres d'Angran d'Alleray, aussi frappé du glaive de la loi, chez lequel il s'est réfugié longtemps, de son propre aveu » . Tout donne lieu de croire ! Si ce n’est pas une preuve accablante, ça !

Au jury, on posa la question suivante : « II a existé des complots et conspirations formés par Capet, sa femme, sa famille, ses agents et complices, par suite desquels des provocations à la guerre extérieure de la part des tyrans coalisés, et à la guerre civile dans l'intérieur, ont été formés; des secours en hommes et argent fournis aux ennemis, des intelligences criminelles entretenues par eux, des troupes rassemblées, des chefs nommés, des dispositions préparées pour assassiner le peuple, anéantir la liberté et rétablir le despotisme.Chacun des accusés est-il coupable de ces complots? » 

Il va sans dire qu’au cours des vingt-cinq minutes de délibération , le cas de chacun des vingt-cinq accusés fut examiné avec attention et que, comme tout donnait lieu de croire qu’ils avaient tous participé aux complots visant à rien moins qu’assassiner le peuple, on ne pouvait que les condamner. Heureux temps où la justice ne gaspillait pas son temps en vaines palabres et où le combat contre la tyrannie exigeait qu’on exécutât par pleines charretées les ennemis de la liberté !

L’indignation que l’érection d’une fontaine publique surmontée d’un obélisque (encore existante) aux frais du comte et le don des cloches qu’il fit à l’église dut à un moment se calmer et les Sourdevalais, mauvaises têtes mais bons cœur, oublièrent sa tyrannie et son oppression au point qu’on donnât à l’une des artères principale de la petite ville le nom du malheureux comte !

*Il était indéniable que M. De Sourdeval Le Neuf était en excellente compagnie !




8 commentaires:

  1. Je pense que vous avez voulu dire Abbé Commendataire et non pas "commanditaire".
    En bref, c'est un abbé qui se goinfre les revenus de l'abbaye sans vraiment participer à son fonctionnement.

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  2. Bien sûr ! J'ai corrigé ! Le système de la commende a beaucoup nui au monachisme qui, n'importe comment, était en complète perte de vitesse au XVIIIe siècle.

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  3. Je prie mes lecteurs d'excuser la taille des caractères du texte (mis à part au début). Il s'agit d'une facétie de M. Blogger et malgré diverses tentatives, je n'ai pu y remédier.

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    1. Seules les citations ont été copiées-collées sur mon original que je rédige sur Open office puis copie-colle sur Blogger. Mais vu que je ne sais pas comment on colle en texte brut...

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  4. Ah, les braves gens !

    Avec les tourniquets révolutionnaires, vous connaissiez déjà votre peine...

    Seule l'incertitude du verdict tue.

    Vendémiaire.

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    1. Vous avez raison :avec MM. Dumas et Fouquier-Tinville adieu l'angoisse qui ronge !

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  5. Nicole serait donc revenue et vous ne nous le disiez pas ?

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    1. Nous ne nous sommes jamais vraiment fâchés mais de là à revenir à la relation d'antan, il y a un pas qu'aucun de nous ne semble prêt à faire. Ce qui n'empêche ni l'amitié, ni les rencontres.

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