Nelly est morte. Le lundi 3 juin de
l'an de disgrâce 2019. J'évoquais ici
son calvaire. Il aura fallu près de cinq mois d'atroces
souffrances supplémentaires pour que le crabe et les dommages
collatéraux de son traitement gagnent la bataille. J'emploie le mot
calvaire mais il est inapproprié : le christ n'a souffert
qu'une courte agonie à laquelle un romain charitable mit fin d'un
coup de lance. Euthanasié il fut. Mon ex-épouse n'eut pas cette
chance. Des soins palliatifs furent prodigués, certes, mais ils ne
firent que suivre la progression du mal sans oblitérer le martyre.
Des mois et des mois d'intolérables souffrances. Rien de bien
original, hélas ! Lorsque ma fille m'annonça sa fin,
j'accueillis la nouvelle comme une délivrance. La pauvre petite ( Je
l'avais connue si jeune!) avait trouvé la paix en rejoignant le
néant d'où nous sortons pour y retourner plus ou moins tôt. Athée
je suis comme elle demeura jusqu'à la fin.
Des problèmes de santé m'interdirent
de me rendre à l'incinération. Je ne ressentis pas de peine
particulière. Je l'avais perdue il y a plus de trente ans. J'avais
eu le temps de la pleurer. Ma grande tristesse est l'immense vide et
la douleur qu'en ressent notre fille. Elles étaient si proches !
Tout l'amour que je lui porte et le soutien que je tente de lui
prodiguer ne sauraient combler cette absence. Seul le temps et les
petits bonheurs qu'apporte la vie en viendront à bout, du moins je
l'espère.
Cette interminable agonie que je n'ai
suivie que par ce que notre fille a pu m'en dire n'a fait que
confirmer le regard favorable que je porte sur l'euthanasie. A quoi
bon prolonger les souffrances et le cortège d'humiliations qu'elles
impliquent quand l'issue est inéluctable ? Je suis pour une
mort digne. Je souhaite, le temps venu, être en mesure de la voir
venir et de pouvoir précipiter l'issue fatale. La mort ne me fait
pas peur. C'est notre sort commun. La vie n'a rien de sacré à mes
yeux. Elle nous est donnée par nos parents, on la mène comme on
peut et elle se termine forcément. Un peu plus tôt, un peu plus
tard, qu'importe ? Elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle se
contente d'être. A nous d'en faire ce que l'on veut en fonction de
nos capacités et de nos envies.
Eh oui, je sais, je fais de la
philosophie à deux balles. C'est la seule qui soit dans mes moyens.
La grande, la belle, la bonne, je la laisse aux beaux esprits.
Eu égard au sujet, je me garderais bien de tout calembour à deux balles ...
RépondreSupprimerMeilleures pensées voltaïques à vous Jacques !
Et comme disent les québecois, puisse votre fille "ne pas lâcher la patate" ...
Dominique
Merci Dominique ! Je fais confiance à l'instinct de vie pour qu'elle lâche pas la patate mais le moment n'en reste pas moins difficile à vivre.
SupprimerJe pense à votre fille et aux mois très difficiles qu'elle va traverser.
RépondreSupprimerL'absence.
C'est malheureusement un des passages obligés pour se construire, plus tard sa maman reprendra une place inattendue : celle des souvenirs qui nous soutiennent tous.
Concernant l'euthanasie, n'oubliez pas de donner vos "directives anticipées" par écrit, cela évitera bien des discussions inutiles et ubuesques.
Hélène dici
Vous parlez d'or. On ne peut que laisser faire le temps qui guérit tout. Pour le fameuses directives, je vais m'en occuper.
SupprimerOn s'en fout pas toujours, Fredi. Et c'est triste de ne plus être triste.
SupprimerMon précédent commentaire répondait à celui de Fredi que j'ai supprimé par erreur et qui disait : "celle des souvenirs qui nous soutiennent tous.
SupprimerEt puis un jour on chante "Le 22 septembre"..."
C'est dur et froid comme les années qui s'amoncellent après la mort,
Supprimer.... et Brassens et Fredi n'ont pas tort.
Pour l'heure le temps s'arrête. Il est dédié à la fille de J.E.
Hélène dici
Merci Hélène !
SupprimerJ'imagine que la profondeur des sentiments que vous avez gardés pour sa mère vont faire un bien immense à votre fille !
RépondreSupprimerEt pour le reste, ne vous faites pas trop de souci, ni vous ni moi, nous n'encombrerons longtemps les lits d'hôpitaux, que cela nous plaise ou non.
Il n'est pas facile d'enterrer un bonheur, fût-il passé. Même mort, l'amour laisse des souvenirs profonds. J'espère pouvoir transmettre à ma fille cette façon de voir les choses.
SupprimerPar ailleurs, j'aurais du mal à considérer que la fin de l'acharnement thérapeutique soit une mauvaise chose. La médecine et l'idéologie nous éloignent trop souvent de la nature.
Vous savez, Fredi, la légèreté n'est souvent qu'un masque...
RépondreSupprimerJe viens de recevoir ce texte d'un de mes cousins. J'espère que je pourrai vous l'adresser :
RépondreSupprimerLE TRAIN DE MA VIE
A la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos Parents.
On croit qu'ils voyageront toujours avec nous.
Pourtant, à une station, nos Parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage.
Au fur et à mesure que le temps passe, d'autres personnes montent dans le train.
Et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos enfants, même l'amour de notre vie.
Beaucoup démissionneront (même éventuellement l'amour de notre vie), et laisseront un vide plus ou moins grand.
D'autres seront si discrets qu'on ne réalisera pas qu'ils ont quitté leurs sièges.
Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d'attentes, de bonjours, d'au-revoirs et d’adieux.
Le succès est d'avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu'on donne le meilleur de nous-mêmes
On ne sait pas à quelle station nous descendrons, donc vivons heureux, aimons et pardonnons.
Il est important de le faire car lorsque nous descendrons du train, nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs à ceux qui continueront leur voyage.
Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique.
Aussi, merci d'être un des passagers de mon train.
Et si je dois descendre à la prochaine station, je suis content d'avoir fait un bout de chemin avec vous.
Je veux dire à chaque personne qui lira ce texte que je vous remercie d’être dans ma vie et de voyager dans mon train.
JEAN D'ORMESSON
Beau texte !
SupprimerLe coup de lance est post-mortem...
RépondreSupprimerSoyez plus explicite. Il y a tant d'interprétations possibles à votre phrase...
SupprimerÉvangile de Jésus-Christ selon saint Jean 19, 31-37.
RépondreSupprimerJésus venait de mourir. Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes.
Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus.
Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes,
mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.
Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez.
Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : ‘Aucun de ses os ne sera brisé.’
Un autre passage de l’Écriture dit encore : ‘Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.’
Merci pour la précision qui rétablit les faits. Je ne saisis pas bien l'utilité du coup de lance de même que je ne comprends pas que le Christ soit mort avant les autres. Petite nature ?
SupprimerCe en quoi les tortillards sont préférables aux TGV !...
RépondreSupprimerOn peut préférer l'intensité à la longévité...
Supprimer"En rigolant pour faire semblant de ne pas pleurer ..."
RépondreSupprimerCertaines réponses ne se publient pas où elles le devraient, mais bon peut être est-ce moi qui ne sait pas faire ...
RépondreSupprimerComme vous l'aurez compris ce commentaire était une réponse au "Train de la vie".
Pour en revenir à l'expression québecoise "Ne pas lâcher la patate", dans mes contrées voltaïques il s'agirait plutôt d'igname ou éventuellement de patate douce ...
Ben, ça dépend de combien on a descendu de verres !...
RépondreSupprimerPlus sérieusement je pense sincèrement bien cliquer au bon endroit, mais c'est souvent que cela m'arrive.
L'absence de législation claire sur l'euthanasie et de droit de choisir sa mort me font parfois penser que nous ne sommes pas(encore ?) dans un pays vraiment civilisé. A quoi bon les inutiles souffrances ? Pour payer quelle faute ?
RépondreSupprimerDonner un sens à la souffrance me paraît absurde.
SupprimerPermettez-moi de revenir au bifton précédent et au débat on ne peut plus fondamental afférent au rouge, comme l'écrivait Montesquieu :
RépondreSupprimer"Ne faisant parti ni des dix personnes qui à Paris connaissent ces questions, ni des cent-mille qui prétendent les connaître, on se gardera bien d"arbitrer cette querelle d'érudit, on laissera aux lecteurs le soin de se faire une idée"
Soit-écrit en passant le rouge maoiste est-il le même que le stalinien ?
Pour ma part je séjourne actuellement dans une turne fraîchement repeinte dont deux murs sont couleur vanille (glace, pas gousse ...), les deux autres orangé melon, plafond blanc, salle d'eau fraise (glace) et carrelage gris, sans oublier portes et bordures de fenêtres en vert olive "soutenu" ...
Ça doit être super beau !
SupprimerJe compatis et vous comprends en tous points. Pour ce qui me concerne je partirai quand je l'aurai décidé, en espérant seulement que ce soit assez tôt pour que la lucidité nécessaire me reste. En revanche, il n'y a rien de pire que de faire de cette question un débat politique, ça ne peut aboutir qu'à du déconnage intégral!
RépondreSupprimerAmitiés.
Bien d'accord avec vous cher Nouratin ! Il s'agit de décisions individuelles. Pourquoi pas une loi définissant les conditions rendant le suicide autorisé ?
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