Voici près de cinq ans, ici même, je
louai les nombreux mérites d'un NAC
irréprochable : le lombric (ou ver de terre). Le temps
exceptionnellement ensoleillé que nous offre cette fin février et
la perspective d'un départ prochain pour la Corrèze m'ont amené à
labourer un petit lopin de terre en vue d'y semer et cultiver
ultérieurement quelques légumes. Cette activité m'a permis de
constater que mon terrain abritait quantité de ces précieux
auxiliaires du jardinier comme du cultivateur. Hélas, j'appris que,
depuis les années cinquante l'espèce avait été quasiment
éradiquée de notre territoire. Selon une
source dont je ne saurais mettre en doute le sérieux, nous
serions passés de 2 tonnes de lombric à l'hectare à seulement 200
kilogrammes pour la même superficie ! Toutefois, ce chiffre
m'étonne car il est des des types de sol où le lombric survit
difficilement : je veux parler des zones rocailleuses ou
marécageuses. Mais il doit s'agir d'une moyenne...
Il faut donc penser que munis de
balances de précision, des peseurs ont avec conscience fouillé
l'ensemble du territoire afin d'en évaluer la masse de lombrics à
l'hectare avant que ne soient regroupés leurs résultats afin d'en
établir une moyenne nationale. Il se trouve que depuis une
quarantaine d'années je me suis, par intermittence, livré aux joies
du jardinage et que jamais aucun de mes terrains n'a fait l'objet
d'une quelconque pesée de lombrics. Je ne sais pas si mes lecteurs
possesseurs d'un bout de jardin auront bénéficié de la visite d'un
peseur mais cela ne change rien à mon problème qui est de savoir si
mon terrain actuel en possède une masse suffisante ou non (voire
excédentaire). Par paresse, je n'ai pas pris le soin d'une pesée.
Je pense même que rares sont ceux qui s'en sont donné la peine.
Il serait donc souhaitable que le
métier de peseur de lombric connaisse une importante expansion car
la présence, en nombre, de lombrics est cruciale pour les potagers
de France et d'ailleurs : songez que « les déjections
des vers de terre sont de véritables engrais naturels avec 5 fois
plus d'azote qu'un sol fertile normal, 7 fois plus de phosphore et 11
fois plus de potassium » On peut se demander d'où ils
tirent ces précieux éléments mais les économies d'engrais qu'ils
permettent sont considérables et amortiraient rapidement les frais
de pesée.
Avec le taux de chômage que nous
connaissons, nul doute que de nombreux jeunes (et de moins jeunes
dans le cadre d'une reconversion) embrasseraient volontiers cette
carrière. Le métier, s'il demande une certaine vigueur physique (il
faut retourner la terre) peut être pratiqué en auto-entreprise sans
trop d'investissements : une fourche-bêche et une balance de
précision suffisent. Il exige certes de la minutie et une bonne
acuité visuelle mais les risques du métiers sont infimes par
rapports à ceux que prennent les chasseurs de serpents et les
facteurs : en effet, à la différence du cobra ou du
rottweiler, le lombric ne mord pas.
En admettant que vous ayez fait appel à
un peseur de lombric et que son analyse fasse ressortir un grave
déficit en lombric de votre terrain, que faire ? On peut
acheter à des lombriculteurs de quoi compenser ce manque mais une
solution moins coûteuse existe : proposer à votre voisine âgée
et arthritique de lui retourner son lopin et, ce faisant, lui dérober
ses lombrics. La vieille n'y verra que du feu et, de plus, vous serez
considéré comme une personne serviable. Ce qui n'est pas rien !
* Pour ceux de mes lecteurs qui
l'ignoreraient, en argot, une bonne gâche est un emploi bien
rémunéré (et probablement pas trop fatiguant). J'aime bien
parsemer mes écrits d'expressions populaires et d'argot vieillot
(j'en ai fait ample provision lors de ma lointaine enfance
banlieusarde) , car, apparaissant dans un contexte de langage soutenu
ils créent un effet de surprise qui peut, dans le meilleur des cas,
faire sourire. Exemple : «Plusieurs mois après qu'ils se
furent rencontrés au bal de la duchesse de Sourdeval, et qu'il
l'eut poursuivie d'une cour fervente, la marquise de Chaulieu céda
aux ardentes prières du chevalier de Vengeons et, tandis qu'il lui
rendait une visite vespérale, le pria, après qu'il eut promis de ne
point ébruiter l'affaire, de lui péter la rondelle. »
"Sans bon singe, il n'est point de bonne gâche." Lao Tseu
RépondreSupprimerUne fois de plus, je crains de n'avoir pas tout saisi car un instant j'ai cru que vous vouliez nous parler de ceci :
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?time_continue=28&v=oT9NTpUKAp4
Mais c'est horrible ce que vous nous proposez là ! Nous ne serions donc pas les seuls animaux à en manger d'autres ? Que font les vegans ?
SupprimerNe m'en parlez pas, j'ai beau bêcher,passer le motoculteur,retourner mon jardin dans tous les sens, creuser même jusqu'à la nappe phréatique, toujours aucun de ces précieux auxiliaires à se mettre sous la dent!
RépondreSupprimerDe guerre lasse, j'ai donc mis du terreau pour la première fois avant de le bêcher.
Vendémiaire.
Verser une pincée de langue verte au milieu d'imparfaits du subjonctif est un plaisir de fin gourmet et le devoir de tout honnête homme ! ;-)
RépondreSupprimerVendémiaire.
Oui, enfin...je vous ai encore lu dans la précipitation car il me semble y avoir plus d'indicatifs que de subjonctifs dans cette affaire...
RépondreSupprimerVendémiaire.
Suite à la remarque de Michel Desgranges que vous trouverez ci-dessous, il n'y a plus maintenant que de l'indicatif.
SupprimerTexte admirable de drôlerie et de fine satire, mais, pour le petit texte subtilement argotique, "après que" commande l'indicatif, et non le subjonctif.
RépondreSupprimerLa chasse au lombric rendrait-elle barbare ?
Merci, cher Michel pour le compliment comme pour la remarque syntaxique. je vais de ce pas réparer mes fautes d'autant plus inexcusables qu'ayant commencé dans l'erreur, j'avais pris soin que le deuxième "après que" fût suivi d'un passé antérieur comme il convient.
Supprimer"péter la rondelle" ? Restons sérieux, je vous prie !
RépondreSupprimerJe vous prie de pardonner un dérapage qui fait de moi un arroseur arrosé.
SupprimerLe blaireau, comme son nom l'indique, est un blaireau ! Les seuls que j'aie rencontrés, en Eure-et-Loir, étaient occupés à gonfler sur le bas-côté de la route, suite à une rencontre inopinée avec un véhicule automobile et dont je crains qu'ils ne se soient pas tirés à leur avantage.
RépondreSupprimerSieur Fredi M. !
RépondreSupprimerPuisse notre cher et si prude hôte me pardonner cette maxime voltaïque :
ne pas confondre "vive la raie" et le Vivarais ...
Comme le disait Guy Roux : "Faut pas gâcher ..."
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