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mercredi 27 février 2019

Rires déplacés et concert canin

Vivre dans un bourg a ses avantages : on peut y aller acheter sa baguette à pied, saufquand il pleut. Mais toute médaille a son revers (et vice-versa) : on y a de proches voisins et, comme chacun sait, la nocivité de cet ennemi de l'homme est directement proportionnelle à sa proximité.

Ces derniers jours, ayant quasiment terminé la rénovation du rez-de-chaussée, je me suis accordé des vacances, et comme le temps s'y prêtait, j'ai profité de ces moments de loisir pour labourer le petit lopin où je compte faire pousser quelques légumes. La surface en est extrêmement réduite car, je dois l'avouer, je préfère cultiver ces dernier à les manger. J'ai donc passé mes après-midis au soleil. Curieusement, je ne fus pas seul à profiter des beaux jours pour m'adonner au jardinage ou à d'autres activités extérieures.

Sur l'avenue, à deux pas de chez moi, un de ces téméraires que rien n'arrête a décidé d'ouvrir une brasserie. Pour ce faire il a racheté un ancien bistrot qui, comme beaucoup dans le bourg, avait dû fermer pour cause de clientèle insuffisante et y a entrepris des travaux qui, sans être pharaoniques, n'en sont pas moins conséquents. Parmi ceux-ci, l'installation d'une vaste terrasse à l'arrière de l'établissement, vu qu'au devant c'eût été malaisé car elle eût empiété sur la voie publique et partant grandement gêné la circulation.

Évidemment, le terrassement, la mise en place des réseaux électriques ou d'évacuation des eaux pluviales, l'épandage puis le damage du gravier sur lequel sera coulée la dalle sont des tâches qu'il vaut mieux effectuer par beau temps que sous la pluie battante. Une équipe d'ouvriers vint donc les réaliser. Mais le bruit des machines utilisées à cet effet, s'il nuisait à ma tranquillité, ne fut pas la seule source de mon agacement. Car figurez-vous que, contre toute logique, les ouvriers travaillèrent dans un climat surprenant : les plaisanteries fusaient de toute part, engendrant des rires gras ! La présence d'une jeune femme (ou grognasse) venue contempler le travail des hommes n'était pas pour rien dans ces accès d'alacrité. Lorsqu'elle demanda aux damnés de la Terre de s'essayer au maniement de la dameuse, c'est avec plaisir qu'ils accédèrent à sa requête et ceci au mépris des recommandations de sécurité les plus élémentaires de l'Inspection du Travail !

J'avoue avoir été choqué par tout cela. En effet, si l'on en croit nos chers media, les Gilets Jaunes qu'ils invitent et les politiciens de tout bord, la France de l'odieux M. Macron vit dans une misère atroce et le travailleur n'y peut plus vivre de son labeur. A compter du dix du mois, sa famélique famille contemple, les larmes aux yeux et la faim au ventre, la vacuité d'un réfrigérateur dont on se demande comment il a bien pu se l'offrir. Dans ces conditions, comment expliquer que ces modestes employés puissent avoir le cœur à rire ? N'est-ce pas là un signe du divorce entre peuple et élites, les premiers vivant généralement heureux tandis que les seconds ne peuvent prospérer que grâce à l'exploitation de supposés malheurs ?

L'autre nuisance sonore dont je pâtis fut celle du concert qu'offrit au quartier le chien de la voisine (ou vieille bobine). Celle-ci, quand elle ne s'engueule pas avec son compagnon , c'est à dire quand il est absent, converse avec son chien et souvent sur un ton peu amène. La pauvre bête ne lui répond pas plus que ne le feraient mes lombrics si d'aventure il m'arrivait de tenter de taper la discute avec eux. On serait donc en droit de parler de monologue plus que de conversation. Hier donc, ledit chien se rendit coupable d'une faute que, sans en connaître la nature, je suppose grave car elle lui valut une impitoyable sanction que la brave dame (ou vieux tableau) lui annonça : il serait mis au piquet (comme jadis le mauvais enfant) le reste de l'après-midi durant. La sentence fut appliquée séance tenante et aux rires déplacés des inconscients prolétaires vint se mêler le long lamento du canin condamné.

C'est ainsi que le voisinage peut gravement perturber ce calme de l'âme qu'engendre un après-midi radieux voué au labour.

9 commentaires:

  1. Il ne reste guère que de demander aux ouvriers rigolards (ou têtes de lard) de couler la voisine (ou vieille bobine) dans le béton de la terrasse.
    Sinon, acheter un grand congélateur et s'approvisionner en légumes chez Picard...

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  2. Et pour vous, Oncle Jacques, cette sentence de Marcel Proust : "Soyons reconnaissants envers les gens qui nous rendent heureux, ils sont les jardiniers qui font fleurir notre âme."

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    1. Certes, mais ils sont, hélas, bien plus rares que les fâcheux.

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  3. « on peut y aller acheter sa baguette à pied, sauf quand il pleut »

    Je suis désolé, mais en temps pluvieux n'implique aucune impossibilité de se rendre à pied à la boulangerie voisine : essayez, vous verrez que vous y arriverez fort bien.

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    1. Le problème est que généralement,ici, quand il pleut il vente à vous retourner le parapluie !

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  4. Question primordiale : ce nouveau troquet vend-il de la Fischer ?

    Par ailleurs si la Mairie de Sourdeval, le Conseil Général de la Manche et le Conseil Régional des deux Normandie réunies côtisent je suis prêt à me sacrifier pour éviter la fermeture d'estaminets (et le chômage en découlant ainsi que la baisse des recettes fiscales afférentes) faute de clientèle suffisante ...

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    1. Il est encore loin d'ouvrir je ne saurais donc vous renseigner. D'autant moins que je ne fréquente pas les bistrots. Votre abnégation est cependant admirable.

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  5. Question wisigothe :

    Alaric 1er pilla-t'il Athènes et Rome avec alacrité ?

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