J'ai un temps lu le Canard enchaîné. A l'âge
de vingt ans, je m'en suis lassé, trouvant chiants les
mini-scandales qu'il dénonçait et lourd ce qui lui tenait lieu
d'humour. Le seul avantage que cette lecture m'apporta fut de pouvoir
prévenir ma mère sur les soupçons qui planaient sur la Garantie
Foncière ce qui lui permit de récupérer les fonds qu'elle y
avait investi avant que l'affaire n'éclate au grand jour. Mais
n'est-il pas normal qu'en dénonçant plusieurs « scandales »
par semaine, on finisse par hasard par en signaler un vrai ?
Le dernier lièvre soulevé par cette
estimable feuille de chou tend à éclabousser M. Fillon, candidat
« de la droite et du centre » à la présidence. Ce petit
canaillou (excusez la force du terme!) aurait offert à son épouse
un poste d'assistante parlementaire et le salaire y afférant sans
que celle-ci ne fournisse en contrepartie le moindre travail. Un
emploi fictif, en quelque sorte. Le montant total du butin (il n'y a
pas d'autre mot!) se monterait à la somme farineuse (il ne s'agit
pas d'une faute de frappe) de 500 000 € (bruts, quand même) sur
plusieurs années, y compris après que son mari eut été remplacé
par son suppléant pour cause d'entrée au gouvernement !
Et media de faire le buzz. Et
politiciens de gauche de simuler l'indignation. Et élus de droite de
justifier. Et peuple de gauche et du FN de pousser les hauts cris. Et
surtout populisme de se renforcer.
Ne connaissant pas les détails de
l'affaire, je me garderai bien de porter le moindre jugement. Je note
simplement que ce vénérable torche-cul se serait procuré les
bulletins de paye de la dame et aurait recueilli deux témoignages
mettant en cause la réalité des services rendus par cette dernière
tant à son mari (et à la France!) qu'à la Revue des Deux Mondes
(où, prenant goût aux emplois fictifs, elle n'aurait également pas
travaillé, moyennant salaire). Avec ça en tirer quelque conclusion
que ce soit me paraîtrait léger.
Ce qui est bien moins léger, c'est le
populisme stupide qu'exploite et suscite ce genre de « scandales ».
Tous pourris, s'écrie le « bon » peuple ! Ces
dérisoires affaires de « corruption » ont pour effet de
concentrer l'attention sur des questions sans intérêt et de
détourner des véritables problèmes que connaît le pays et qui
sont bien plus graves. De plus, ils font naître dans l'esprit des
foules sentimentales assoiffées d'idéal (plagiat honteux!)
l'illusion qu'un changement radical pourrait amener au pouvoir des
gens vertueux. On a pourtant vu ce qu'à donné un surnommé
« L'incorruptible » du temps de son pouvoir.
Il n'est pas certains qu'un
gouvernement des saints serait meilleur qu'un autre. Pour moi, à
gauche comme à droite, ces peccadilles me laissent de marbre. On
fait profiter ses proches de menus avantages, on prend un peu de
beurre dans l'assiette, et alors ? Qui, étant en mesure de le
faire ne le ferait pas ? Et même qui, à son petit niveau ne le
fait pas déjà ? Tant qu'il ne s'agit que de montants
dérisoires, peut-on parler de corruption ou de pourriture ? Il
est bien des pays où le problème existe, où les dirigeants se
garnissent les poches en détournant à leur profit une part non
négligeable du PNB. Est-ce le cas en France ? Dans un pays
démocratique comme le nôtre, où existent moult organismes de
contrôle, il n'en est rien.
Alors, de papier ou pure players,
Canard ou Mediapart, ces officine à scandales n'ont aucun intérêt
et sont même nocives et stupides en ce qu'elles affaiblissent une
démocratie qu'elles disent défendre et que, ce faisant, elles se
tirent une balle dans le pied.