..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

lundi 15 décembre 2014

La Grèce



S’il existe des pays sur lesquels il n’y a quasiment rien à dire ce n’est malheureusement pas le cas de la Grèce. Et ça rend malaisée la tâche du géographe et de l’historien, si talentueux soient-ils. Les pays, c’est comme les magasins de vêtements : du temps du  bon Père Mao, en Chine, on y trouvait un type de veste et de pantalon. Une description exhaustive de la marchandise y était rapidement réalisable. Il en allait tout autrement pour les temples de la fringue occidentale : en se voulant complet on serait vite devenu lassant. Voilà l’écueil qu’il faut éviter en parlant de la Grèce.

D’abord de quoi parle-t-on ? Du petit pays d’aujourd’hui ? De la Grande Grèce antique ? De l’Empire Byzantin ? Un choix s’impose ! Je ferai, dans un premier temps, celui de considérer la Grèce comme une civilisation à laquelle nous devons tout plus que comme un territoire. Il est indiscutable que notre dette vis-à-vis des Grecs est immense : ils ont pratiquement tout inventé. La démocratie, la tyrannie, la géométrie, la philosophie, le fil à couper le beurre, l’eau tiède, le bilboquet, la pédérastie, l’alphabet, la tragédie, la comédie, les métèques, la plupart des fables de La Fontaine,  c’est à ce peuple d’élite que nous les devons. Certains esprits chagrins m’objecteront qu’en matière de rustines, de monothéisme et d’informatique il ne s’est pas montré au top. Soit, mais à quoi sert la rustine pour qui n’a pas de vélo, une multiplicité de dieux tous plus farceurs les uns que les autres n’est-elle pas plus distrayante qu’un Dieu unique, quant aux ordinateurs et autres i-phones, en dehors de la lecture de ce blog, qu’apportent-ils d’essentiel ?

En quelques lignes résumons son histoire. A partir de Cités, les Grecs établirent des comptoirs (c’étaient de fins soiffards) et des colonies un peu partout dans le bassin méditerranéen. Suivit l’époque hellénistique, l’occupation romaine, l’empire Romain d’Orient, l’empire byzantin, la conquête par les turcs puis, avec le soutien de M. Victor Hugo (une sorte de BHL romantique), une guerre d’indépendance qui mènera à partir de 1830 et jusqu’à ce jour à une alternance de républiques, de monarchies et de dictatures. En dehors de l’Euro, la devise du pays est :
Ελευθερία ή θάνατος
Ce qui signifie dans le jargon local « La liberté ou la mort », le manque d’originalité de la formule n’a d’égal que le peu d’empressement que met une grande majorité à la mettre en pratique. Notez au passage qu’au lieu d’écrire  comme vous, moi et toutes les personnes raisonnables du monde, les grecs utilisent des caractères ridicules, dans l’espoir de passer pour plus malins qu’ils ne sont. Voilà. Vous savez tout. Pour plus de détails demandez à votre boulangère ou à tout autre érudit de votre connaissance.

Venons-en à la Grèce d’aujourd’hui vu que c’est elle que vous risquez de visiter en l’attente d’une machine à remonter le temps plus ou moins fiable. Le pays est relativement petit sa surface étant d’un peu moins du quart de celle de la  France. Un peu plus de 10 millions d’habitants la peuplent dont un bon tiers résident dans l’agglomération d’Athènes qui en est la capitale. Le pays est pour 70 à 80% de son territoire montagneux. Son point culminant, le mont Olympe, séjour des dieux, atteint 2917 m, ce qui n’est pas si mal. Les séismes y sont fréquents au point que la moitié de ceux qu’on constate en Europe y ont lieu. Le climat y est d’autant plus méditerranéen que l’on ne s’y trouve jamais à plus de 80 km de mer et souvent beaucoup plus près vu que le pays compterait pas loin de 10 000 îles de taille variable dont seulement 169 étaient habitées en 2001 (quel gâchis !). Il y fait trop chaud en été mais plus frais en hiver. On y cultive l’olivier, y élève le mouton et y fait pousser des trucs dans des terres souvent bien ingrates. Une des principales ressources du pays est le tourisme. Allemands et Anglais s’y pressent sous prétexte  d’y visiter les vestiges antiques mais en réalité pour s’y murger à l’ouzo, sorte d’anisette locale meilleur marché que le vin résiné avant de se battre entre eux.  Certains se contentent d’y attraper des coups de soleil. La Grèce possède la plus grande flotte commerciale du monde et ses riches armateurs, devenus vieux,  épousent les veuves de présidents des USA quand l’occasion se présente, ce qui n’est, hélas, pas fréquent. Ces dernières années, le pays a connu une crise économique grave qui a entraîné plus de misère chez les pauvres que chez les riches.

Arrivons-en à l’essentiel : ce pays dont vous connaissez maintenant tout ce qui est digne d’en savoir mérite-t-il qu’on y séjourne ? C’est une affaire de goûts. Si vous aimez les amas de ruines (autrement nommés « vestiges antiques »), les tremblements de terre, les Anglais, les Allemands, l’anisette, le fromage au lait de brebis, les serveurs de restaurants qui abandonnent leurs clients pour se lancer dans de frénétiques sirtakis au son du bouzouki, les blanches maisons chaulées, le steak d’espadon, le chômage de masse, les soldats en jupettes, les oliveraies, la chaleur étouffante des étés, les eaux de mer cristallines, les politiques d’austérité, ce pays est fait pour vous. Sinon, je vous conseillerais plutôt la Basse-Normandie où ces éléments sont rares.

dimanche 14 décembre 2014

Vendeurs



Des vendeurs de ci, de ça et du reste, en huit ans de commerce, j’en ai reçu des paquets. Rares sont ceux qui m’ont laissé le moindre souvenir. Étant de nature peu spontanée, il est difficile de m’influencer. Seul l’intérêt de leurs marchandises ou de leurs services déterminaient mes achats. Il en est pourtant deux dont les méthodes très différentes m’ont marqué. Ils avaient en commun de vendre rideaux et autres voilages.

Le premier était un jeune homme charmant, élégant et drôle. Il avait compris que, plutôt que de passer ses soirées en solitaire à lire un vague journal au restaurant de l’hôtel avant de regagner une chambre anonyme où s’endormir devant la télé, il était bien plus agréable (et profitable) de les passer en compagnie d’amis. Aussi s’était-il constitué dans son vaste secteur un réseau de clients sympathiques qui se faisaient une joie de l’héberger tant sa compagnie était agréable. Il prévenait de son passage quelques jours à l’avance, nous allions ensemble acheter victuailles et bons vins qu’il insistait pour régler en grande partie et nous passions ainsi un agréable moment dans l’attente d’une prochaine visite. En plus de chasser l’ennui, cette méthode lui permettait d’arrondir de manière conséquente ses revenus car son employeur lui versait un forfait hôtelier que ses dépenses alimentaires étaient loin d’atteindre. Il se créa entre nous une réelle amitié, au point que lorsque naquit notre fille je lui proposai d’en être le parrain, ce qu’il accepta.

Le second était bien différent. C’était le roi de l’arnaque. Résultat d’un tripatouillage génétique lors duquel on avait dû lui inoculer des gènes d’anguille, tout rêve de le coincer pour lui exprimer de manière ferme et claire ce qu’on pensait de ses dernières magouilles se trouvait réduit à néant. D’une physionomie avenante, jamais à court de blagues désopilantes, il engendrait la bonne humeur aussi surement qu’une tonne de mélasse versée sur le mécanisme d’une montre de précision en perturbe le fonctionnement. Il vous embobinait, évitait les sujets qui fâchent avec une maestria de matador et aurait vendu sans problème des tonnes de viagra au plus vertueux et abstinent des ermites.

Sa méthode était simple, il commençait par vous proposer de très beaux articles à un prix qui laissait envisager de gras bénéfices à un prix de revente défiant toute concurrence. Bien entendu, il fallait sauter sur une occasion qu’il réservait à des clients choisis dont nous étions… Ensuite venaient d’autres propositions qui n’avaient rien d’extraordinaire mais que, alléché par les gros profits qu’apporteraient les premiers, on lui commandait. Malheureusement, lors de la livraison, la plupart des articles-chocs se trouvaient être soit défectueux, soit épuisés. Quel dommage ! A sa visite suivante, il s’en montrait un temps désolé mais, recouvrant bien vite sa bonne humeur, afin de palier notre désillusion et d’obtenir notre pardon, il nous proposait de nouvelles affaires plus mirobolantes encore et dont la livraison aurait lieu au plus tôt, promis, juré. Elles n’arrivaient pas plus que les autres…

Ce que je ne suis jamais parvenu à cerner, c’est comment il s’y prenait pour me retourner comme une crêpe, alors que je n’avais aucune difficulté à dire son fait à tout fournisseur indélicat et à rompre tout commerce avec lui. L’homme avait du génie. Un jour que je le vis garer sa voiture sur le parking, je décidai de lui dire d’aller se faire voir une bonne fois pour toutes chez les Grecs (ou chez toute autre peuplade de son choix) et de ne plus remettre les pieds chez moi. Je n’y parvins pas. Au sec bonjour dont je le saluai, il répliqua, le visage ravagé de tristesse : « Tu es au courant pour Jacques ? » Bien sûr que j’étais au courant. Mon ex-associé venait de mourir d’une crise cardiaque. Vu que nous étions brouillés, je n’en avais conçu qu’une bien relative peine. Il me dit justement revenir de son magasin où femme et enfants dévastés de chagrin lui avaient appris la triste nouvelle. Il se trouvait profondément bouleversé par ce décès aussi soudain que prématuré : « Tu te rends compte ? La quarantaine, solide comme un roc, et paf, comme ça… ». Il est délicat d’envoyer se faire mettre un homme accablé de chagrin… De même qu’il est malséant de ne point le partager. En guise de consolation, sans vraiment croire à la profondeur de son affliction,  je lui passai une petite commande…

samedi 13 décembre 2014

L’affaire du siècle !



Jeudi matin, alors qu’encore en pyjama j’émergeais avec peine d’une première nuit reposante après six jours d’errances, j’aperçus Raymond pousser le portail puis venir frapper à mon huis. Que me valait cet honneur ? Vu que ce n’était pas la saison des ventes d’agneaux, venait-il me demander de lui rendre quelque menu service ?  J’ouvris. Le but de la visite me fut vite exposé : il avait pris la sage décision de faire rénover ses toits de maisons par une entreprise. 2000 € pour celle d’en face, 3000 € pour celle du bourg. Grâce à l’application d’une résine miracle, après décapage et démoussage, ses couvertures retrouveraient leur beauté d’antan. Soucieux de faire profiter l’humanité entière de ses précieux services, l’entrepreneur lui avait donné sa belle carte afin que je puisse au plus tôt le joindre par téléphone afin de convenir d’un rendez-vous qui nous permettrait d’établir un devis en vue de rendre à ma toiture grisonnante son noir-bleuté d’origine. Selon mon bon voisin, je pouvais joindre ce philanthrope le jour même, voire, à l’extrême rigueur, le lendemain. Je remerciai le messager de mon potentiel sauveur,  pris la carte, et lui souhaitai une bonne journée.



En fait, je me trouvais pantois devant le sentiment d’urgence que trahissait la démarche de Raymond, vu que la rénovation de ma toiture ne faisait pas plus partie de mes priorités du moment que de celles à venir. En conséquence les chances pour que je téléphone à l’artisan étaient inexistantes. Hélas, on n’échappe pas à son destin. Alors qu’hier je m’apprêtais à confectionner le sandwich qui me tient lieu de déjeuner, je vis une voiture se garer dans mon entrée, deux hommes en sortir et, affrontant une pluie battante, venir frapper à ma porte.



Vu la force des précipitations, que faire sinon les prier d’entrer ?  Mon hospitalité n’alla pas jusqu’à leur offrir un siège mais, résolus, c’est eux qui me demandèrent la permission de s’asseoir. Ils sortirent plaquette publicitaire, tablette et portfolio et se mirent en demeure de m’expliquer tous les avantages que je tirerais de leurs (provisoirement) inestimables services. Photos avant/après, contrat de garantie décennale, précisions sur les techniques mises en œuvre, ancienneté et sérieux de l’entreprise, modicité des tarifs pour lors mystérieux, rapidité d’exécution, urgence de l’intervention, rien ne me fut épargné. Distrait mais poli, je les écoutais comme je l’aurais fait si  deux zozos m’avaient vanté les avantages inouïs que je tirerais de l’achat de trois tonnes de scoubidous multicolores ou d’une machine à récolter l’ananas.  



On finit par en venir à l’essentiel, à savoir à quel montant s’élèverait le prix de ma félicité. Ce fut vite fait. Ayant préalablement évalué la surface de mon toit, le chiffre tomba : 5343 €. « Ah, tout de même, m’étonnai-je ! ». Bien entendu viendrait s’ajouter à cette modique somme 10% de TVA. On approchait les 6000 €. Toutefois, voyant que la modicité de la somme ne m’avait pas frappée, ils se montrèrent prêts à tous les sacrifices. Allez, tiens, c’est bien parce que c’était moi, ils me consentiraient l’ancien tarif : 3 € de moins au m2 ! Un coup à ne pas gagner l’eau de leur soupe mais quand on a bon cœur, on se voit contraint à obliger…



Hélas, tant de grandeur d’âme me laissa de marbre et je me vis contraint à leur avouer que leur proposition, malgré tous ses mérites, ne m’intéressait pas. Ils en conçurent une visible amertume du genre que ressentirait un ange vous ouvrant les portes du paradis à qui vous répondriez que vous préféreriez passer votre éternité à Argenteuil. Je leur demandai de me laisser leur devis au cas où, les années passant… J’essuyai un net refus. Une telle affaire ne se représenterait plus. C’était tout de suite ou maintenant… La politesse me souffla d’évoquer un éventuel appel téléphonique, le jour venu : inutile. Ils partirent dépités.



Je me demande quel est le pourcentage de gens qui, sans consulter la concurrence, s’empressent de dépenser près de 6000 € en vue de travaux qu’ils n’envisageaient pas d’effectuer. Je souhaite à mes visiteurs qu’il soit élevé et à ceux qu’ils visitent qu’il soit inexistant. Nouvelle preuve, s’il en était besoin, qu’il est difficile de contenter tout le monde et son père.

vendredi 12 décembre 2014

Mettons fin à un scandale !



Voyager instruit. Visiter des endroits populaires encore plus. Une promenade à Collioure même en morte saison inspire à l’esprit distingué une foule d’émotions esthétiques mais aussi d’amers constats et le désir de mettre fin à certains abus.



A ceux qui l’ignoreraient j’apprendrai que ma compagne, Nicole, possède un petit animal de compagnie appartenant à la sous-espèce Canis lupus familiaris de race Yorkshire terrier.  J’ai ailleurs dénoncé la nature sanguinaire de cette bête qui comme bien des criminels dangereux bénéficie d’une physionomie avenante apte à tromper les braves gens sur sa véritable personnalité. Et c’est là la source du problème que je voudrais évoquer. Sa taille réduite, sa frimousse sympathique ont pour effet que, dès lors qu’on se trouve en un lieu passager on est en butte à de multiples agressions. La plupart venant d’enfants ou de vieilles dames. On ne peut pas faire un pas sans, dans le meilleur des cas,  entendre des commentaires flatteurs sur les qualités esthétiques de l’animal, et, dans le pire, voir enfants ou mèmères à chien-chien s’accroupir afin de lui caresser la tête après s’être assuré qu’une telle manœuvre n’entraînerait aucun danger de morsure.



C’est tout simplement inadmissible.  Voilà une bestiole qui ne demande à la vie que de pouvoir aller renifler de ci-de là à la recherche de traces olfactives laissées par ses congénères et qui ce faisant se voit perpétuellement dérangée dans son innocente quête par ce qu’il faut bien appeler des harceleurs sans vergogne.



Mettez-vous à sa place.  Imaginez que chaque fois que vous sortez acheter votre baguette ou votre journal vous vous voyiez apostrophé tous les trois pas par des personnes saluant vos atouts physiques ou s’arrêtant pour vous caresser la tête ou le dos ? On me dira que certaines (plus ou moins) jolies femmes sont en partie victimes ce genre de harcèlement. Elles se voient adressé des sifflets ou de lourds "compliments" de la part de rustres. Toutefois, si l’ouvrier du bâtiment ou le teneur de murs s’aventuraient qui à descendre de son échafaudage, qui à quitter son point d’appui pour aller caresser les cheveux ou le dos de la femme en question, cette dernière serait en droit de faire appel à la force publique pour mettre un terme à ces excès. Pour le Yorkshire, rien de tel. Si son propriétaire s’aventurait, de la voix ou du geste, à remettre à leur place les importuns, c’est lui qui se verrait blâmé par une foule hostile.



Cela dit, que faire ? La solution serait-elle de renoncer au York et de se rabattre sur le Pitbull ou le Rottweiler qui, bien qu’appartenant à la même sous-espèce, semblent provoquer nettement moins de ces familiarités déplacées ?  Ne serait-il pas plus raisonnable que le gouvernement ou le parlement promeuvent une loi apte à mettre fin à ce scandale ?  Ou que, faute de légiférer, une campagne de sensibilisation du public vise à décourager ces inadmissibles pratiques et faire accepter par ceux qui s’y livreraient qu’une magistrale gifle ou un bon coup de pied dans les tibias vienne sanctionner leurs audaces ?

PS : Vu les nombreuses critique faites à l'air lugubre que révélait ma photo d'hier, je vous en propose une plus souriante : 

jeudi 11 décembre 2014

Retour !



Huit jours entiers sans le moindre petit bout de commencement d’un semblant de billet. C’est bien la première fois que ça arrive depuis plus de trois ans.  Comme quoi les pires addictions se dominent. Il faut dire que 4 journées passées à conduire, les soirées au restau, les emplettes en Espagne, le temps passé entre amis ne m’ont laissé aucun temps pour m’adonner à la passion du blogage. Des mornes plaines poitevines aux causses du Quercy où subsistent tant bien que mal d’étiques chênes, des pluies de l’ouest à la Tramontane balayant sans merci la plaine du Roussillon, des contreforts montagneux du Limousin aux massifs des Albères, des Corbières  ou des Pyrénées, on en a vu du pays.



Et puis les retrouvailles où se mêlent joie, tendresse, mélancolie. Revoir, après vingt ans de quasi absence, une amie qui fut si proche, qui accompagna vingt ans de jeunesse n’est pas rien. Tout et rien n’a changé. Certains ont disparu, tous ont vieilli. Tel jeune sportif n’est plus que l’ombre évanescente de lui-même, les parents sont morts ou ne valent guère mieux perdus qu’ils sont dans le labyrinthe de leur gâtisme. On évoque les anciens conjoints perdus de vue, les bambins qu’on a vus naître atteignent la trentaine. On évoque les bringues et coucheries de nos folles jeunesses, les amours disparues, on rit des petits drames qui nous avaient un temps démolis, en fait, on n’a pas changé vraiment : juste un peu muri, chacun suivant sa pente ou la redressant quand elle semblait mener au pire. On est heureux. Quelques rides de plus, quelques kilos perdus ou supplémentaires mais rires et sourires demeurent comme toujours. Qu’importent les cimetières et autres accidents de la vie, on est là comme en nous-mêmes l’éternité nous change : incorrigibles, intangibles et prompt à s’envoler dans des délires qu’on ne saurait partager avec d’autres.



Et puis on s’en va. Incapables de planifier la prochaine rencontre. Car chacun a trouvé son coin de paradis et répugne à s’en éloigner. On se dirait bien « à dans vingt ans », comme de plus voisins se disent « à la prochaine ». Mais où et dans quel état seront-nous dans vint ans ? Conduira-t-on encore ? Le hasard fera-t-il qu’un voyage permettra de nouvelles retrouvailles ? Qu’importe au fond ?



PS : M. Aristide s’étant plaint de ne pas me voir moustachu et le moindre désir d’un tel lecteur prenant à mes yeux des allures d’ordre voici une photo apte à apaiser ses attentes :

Notez l'air songeur et un rien mélancolique qui sied au profond penseur