Le cas du Captain Iglo (en dehors de ce qu’il souffrait d’un
grave problème de dysorthographie qui l’amenait à écrire jusqu’à son nom (Capitaine
Igloo) de manière fantaisiste) est plus complexe. Car sa disparition, au début des années 2000,
fut l’objet d’une pathétique tentative de dissimulation : on le remplaça
de 2008 à 2011 par un acteur, Gerd Deutschmann, mais cela ne trompa personne.
Le Capitaine adorait les enfants. En tout bien tout honneur,
précisons le. Aussi, afin que ceux-ci grandissent en se fortifiant, consacra-t-il sa
vie à pêcher pour eux de savoureux colins qu’il transformait sur son navire-usine
en bâtonnets pannés dont il surveillait la surgélation avec un soin
sourcilleux. Hélas, le capitaine était d’une
distraction que n’arrangeait aucunement ce goût pour les boissons fortes qui
est trop souvent le lot des vieux loups
de mer. Une nuit qu’inquiet de la qualité d’un lot de colins il se releva, bien
imbibé, pour aller vérifier que leur surgélation se passait bien, il confondit
la porte de l’atelier de préparation avec celle d’une chambre froide. Ayant
oublié d’allumer la lumière et distraitement
fermé la porte derrière lui, il ne parvint pas à retrouver à tâtons le système d’ouverture de cette p****** de porte de m****
avant que le froid ne l’engourdisse. Ce n’est qu’au matin qu’un magasinier
découvrit sa dépouille, raide comme un bâtonnet. On raconte que, reconnaissants, les
fabricants de congélateurs lui offrirent un linceul panné et érigèrent sur sa tombe un monument en forme d’Iglo
(igloo dont le dôme est amputé de 20 %). Afin de ne pas trop attrister les
enfants pour le bonheur desquels il avait tant fait, on prétendit qu’il avait
fait valoir ses droits à une retraite bien méritée, avant de le faire rempiler
sous les traits d’un acteur hélas bien trop jeune pour être convaincant.
Et l’ami Ricoré, me direz-vous ? Le drame qui mit fin à une saga publicitaire
qui dura plus de vingt ans fut soigneusement étouffé.
Avec pour fond sonore une chanson niaise, on voyait arriver, à l’heure du petit déjeuner, le
facteur ou le boulanger (les clips avec le plombier, le gars de chez
EDF, le marchand de tapis, le représentant en aspirateurs, etc. ne furent
jamais diffusés) arrivaient au sein d’une famille apparemment unie occupée à
boire du Ricoré. Examinons celui du facteur : La mère de famille, toute
pimpante et, malgré l’heure matinale, déjà pomponnée et chapeautée, s’écrie
feignant la surprise : « Ah, le facteur ! Bonjour facteur ! »(
comme si le passage du facteur, en dehors du dimanche avait quoi que ce soit de
surprenant). Le facteur se met à table sans que personne ne l’en ait prié et se
met à boire d’un bol tandis que la
maîtresse de maison lui dit qu’il arrive « toujours à la bonne heure ».
Le facteur (notons qu’il s’exprime avec
un accent ridicule visiblement bidonné) constate
que le bol contient de la Ricoré avant
que la dame ne lui dise l’avoir surnommé « Ricoré » (ces gens
cultivent un humour particulièrement imaginatif. Il aurait eu du mal à ne pas se
voir nommé « Pastaga » s’il s’était pointé à l’heure de l’apéro). Le facteur s’en va sur son vélo en lançant un « Au
revoir, à demain ! » auquel la femme répond par un « A demain » que vient vite
compléter un « Pour la Ricoré » lancé sur un ton gourmand… Si vous ne me croyez pas, c’est ici
Ne faut-il pas avoir l’aveuglement de son pauvre mari pour
ne pas voir que le facteur se conduit comme s’il était chez lui et que les
propos échangés le sont dans un langage codé ? « A demain, pour la Ricoré »
signifie, bien évidemment : « mon couillon de mari ne va pas tarder à
aller bosser, planque toi avec ton vélo
derrière la grange à Raymond et dès qu’il sera passé reviens me prendre à la
barbare comme tu le fais si bien, grand fou! »(Le ton gourmand de la dame
ne pouvant évidemment pas être motivé par l’absorption de ce triste breuvage).
Tout alla pour le mieux de la dame jusqu’à ce qu’un beau
matin le pauvre mari, après avoir conduit les enfants à l’école et pris le chemin
du travail se rendit compte qu’il avait oublié un dossier à la maison,
rebroussa chemin et trouva la camionnette du boulanger garée devant sa porte. Les
gémissements qui s’échappaient de la chambre conjugale lui laissèrent peu de
doute quant au peu de place que tenait la Ricoré dans leur origine. Ravagé de
douleur, le mari trompé voulut connaître l’ampleur de sa déconvenue et revint
plusieurs jours de suite après avoir feint un départ et vit successivement
garés devant chez lui, un vélo, une camionnette bleue siglée EDF, un camion de
pompiers, les véhicules de nombreux artisans. Sa rage alla grandissante, jusqu’au
jour où excédé par l’inconduite de son épouse, il revint armé d’un fusil.
Voyant arriver un véhicule, il ouvrit le feu sur son occupant qui s’avéra être Steve,
dit Stevounet, coiffeur pour dame à
domicile, qui venait en ami prendre un bol de Ricoré. Réalisant sa bévue, le
mari retourna son arme contre lui. Nestlé étouffa l’affaire et il ne fut plus
jamais question de l’ami Ricoré.