..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 21 décembre 2011

Vive l'histoire officielle !



Les turcs ne sont pas contents. Ce qui est curieux car le turc, en général, est plutôt de nature satisfaite. Pour qu'ils soient fâchés, il faut donc qu'ils aient une bonne raison. Il semblerait que ce qui les froisse serait une loi que notre bon parlement, dans sa grande sagesse, s'apprête à voter et qui interdirait sous peine d'amende d'obligation d'écouter en boucle les discours de François Hollande ou d'internement dans un camp de rééducation de nier le génocide arménien. Voilà ce qui défriserait le turc. Car une des choses qui vous met le turc de bonne humeur c'est justement la négation de ce génocide. C'est à qui le niera le avec le plus d'ardeur... 


D'un autre côté, nier un génocide, quel qu'il soit, n'est pas bien. Pas bien du tout même. Le tout est de faire la différence entre un de ces massacres de population bon enfant qui émaillent toute guerre civile digne de ce nom et lui donnent un relief de bon aloi et un VRAI génocide. Par exemple, y eut-il génocide ou pas en "Vendée" ? Difficile à dire tant les chiffres varient. 120 000 morts, c'est faible, de bonne guerre, pour tout dire. En revanche, 600 000 victimes, ça devient sérieux, inquiétant même. Ce qu'il faudrait,  avant tout, c'est établir une liste officielle des génocides. Objective et incontestable. Ensuite on interdirait de les nier. Et tout le monde serait content.


Il y a tout de même quelque chose qui cloche dans cette interdiction. Pourquoi s'arrêterait-elle aux génocides ? Pourquoi n'interdirait-on pas toute remise en question de ce qu'il est convenu de considérer comme des faits historiques ? 


Rien ne m'empêche (si ce n'est ma paresse et un reste de raison)  d'écrire de doctes thèses tendant à prouver que les guerre napoléoniennes n'ont fait en tout et pour tout qu'un blessé léger, que le débarquement allié n'a pas eu lieu le 6 juin 1944 mais le 3 décembre 1957, que Louis XIV n'a jamais existé, que le bon roi Henri promouvait le canard laqué plutôt que la poule au pot ou même que Jack Lang n'est plus ministre depuis belle lurette... Tout au plus me prendrait-on pour un crétin total, un sinistre hurluberlu, pour tout dire un piètre historien.


Au lieu de considérer ceux qui questionnent certains faits historiques comme d'irresponsables farfelus libres comme tout un chacun de dire n'importe quoi sur n'importe quel sujet, en faire des coupables tend à leur accorder une importance qu'ils ne méritent pas nécessairement. Comme si leur opposition à la version officielle était de nature à remettre en cause cette dernière, la fragiliserait.


L'interdiction de la remise en question des génocides m'apparaît donc comme un timide premier pas vers l'instauration d'une histoire officielle, incontestable sous peine de poursuites. Une fois l'histoire officielle établie, on pourrait envisager de dresser, dans tous les domaines, la liste des opinions qu'il serait bon de professer si l'on veut éviter des séjours prolongés en prison. 


Un certain George Orwell, dans son 1984 avait décrit une société de ce genre. Comme nous avons 27 ans de retard, il serait grand temps de mettre les bouchées doubles.

mardi 20 décembre 2011

Point trop n'en faut ?



Il a frappé, est entré dans la classe après que je l'y eus invité, m'a salué, puis a promené son regard sur les élèves. Du doigt, il en a désigné plusieurs, leur demandant de le rejoindre. Dans un premier temps, je pensais qu'il s'était passé quelque chose de pas vraiment bien et qu'il était là pour recenser les présumés innocents. Lesquels devaient phosphorer à vitesse grand V, se demandant laquelle de leurs turpitudes avait été éventée. Il n'en était rien. Il rassura rapidement les chers enfants en leur annonçant que c'était pour une photo. Après s'être excusé du trouble que ces prélèvements occasionnaient à mon cours et m'avoir assuré qu'il ne durerait que quelques minutes, le directeur adjoint de la Maison, car c'était lui, s'éclipsa en compagnie des chères têtes blondes. Car, figurez-vous, blondes, elles l'étaient, ces chères têtes. Bleus étaient leurs yeux.

J'appris plus tard la raison de cette sélection. 

La "Maison pour jeunes en grande difficulté" appartenait et appartient toujours, à une fondation bien connue dont les appels aux généreux donateurs font l'objet de campagnes publicitaires. Et c'est là que le bât blessait. Figurez-vous que certains généreux donateurs étaient irrités. Emportés par leur ire, certains avaient même, argument à l'appui, décidé de cesser de donater. Face à la gravité de la situation, réagir s'imposait.

La raison de leur ire était la suivante : ils trouvaient que, sur le calendrier qu'on leur envoyait pour accompagner l'appel au renouvellement de leur générosité, la France plurielle, diverse, solidaire et unie était, comment dire... sur-représentée et qu'ils n'étaient que moyennement, voire pas du tout, enclins à entretenir par leurs subsides les dits "divers".  J'édulcore. Bien sûr, il ne s'agissait pas d'une majorité, mais tout don, même le plus humble, étant bon à prendre y renoncer relèverait de la mauvaise gestion. 

C'est ainsi que, suite à une sélection ethnique rigoureuse, les groupes figurant sur le calendrier ne laissèrent plus qu'une place discrète à la diversité. Place indispensable cependant car l'ouverture à l'"autre", tant qu'elle reste l'imitée est un argument de marketing payant.

lundi 19 décembre 2011

France, pays de jouvence !




Encore un petit portrait. Je ne sais pas si ces textes intéressent. Bavard compulsif, les gens que je rencontre ont tendance, face au flot de ce qu’ils prennent pour des confidences,  à laisser échapper un mince filet de détails intimes contenant parfois des pépites. Je parle de ces petits riens, de ces accidents cocasses ou  dramatiques, de ces ironies du sort  qui rendent la vie de ceux qui les ont vécus originale.  C’est le cas d’Yvonne.

En 1989, j’ai touché le fond. Ruiné, seul, sans feu ni lieu, sans projets ni avenir visible, je traînais ma déprime entre un stage de commerce international et mon ex-foyer afin d’y voir ma fille. C’est alors que j’ai rencontré  Yvonne. Elle tenait un modeste stand de plats vietnamiens à emporter aux halles de Châteauroux. Allez savoir pourquoi, Yvonne se prit d’amitié pour moi. Elle me trouvait gai, souriant et enjoué. Il faut croire qu’alors que je contemplais, morose, les ruines de mon petit monde, je devais avoir l’air moins sinistre que le castelroussin de base au summum de sa félicité. La vie est faite de malentendus.

Yvonne était un personnage. Souvent absente de son stand, elle passait son temps à jouer au billard dans le troquet d’à côté. Pour être servi, il fallait aller la chercher. Autre détail original : elle fumait des cigarillos. Notre amitié n’était pas sans avantages. Quand j’allais faire mes courses chez elle, pour une somme dérisoire, je revenais chargé de tout un tas de mets savoureux copieusement servis. Quand mon ex-femme ou l’amie chez qui nous mangions souvent allaient  s’y fournir, les prix et les portions n’avaient rien de comparable. J’étais donc préposé aux achats de plats exotiques.

Nous allions parfois boire un coup au café et nous nous racontions nos vies.  Sa vie, à Yvonne, n’avait rien d’un long fleuve tranquille. Ni plus ni moins que celle de tous les sino-vietnamiens qui ont eu à traverser  les guerres qui ont déchiré son pays d’origine des décennies durant, je suppose. Je passerai sur les exploits des héros communistes coupant les doigts des chinois qu’ils exécutaient afin de récupérer leurs bagues, sur son refus de payer la rançon que le gouvernement démocratique réclamait pour libérer son mari, ex-officier dans l’armée du sud, et qu’elle trouvait disproportionnée à la valeur du bonhomme… Parmi tant d’anecdotes oscillant entre l’horrible et le sordide, il en est une plutôt cocasse qui concernait son âge.

Du temps de l’Indochine française et après l’indépendance du Viet-Nam, il était possible, sous certaine conditions,  d’opter pour la nationalité française, pourvu qu’on le fît avant ses 18 ans. Ignorant ce détail, Yvonne se présenta au bureau ad hoc afin d’y acquérir une nationalité qui pourrait s’avérer utile à l’avenir. Innocente, elle déclara son âge réel. Il lui fut signifié que pour elle, c’était trop tard. Yvonne ne se laissa pas décourager pour autant. Avec une patience toute asiatique, elle attendit que le fonctionnaire qui l’avait rebutée quittât son poste. Cela prit plusieurs années, après lesquelles elle fit de nouveau  acte de candidature. L’état civil étant probablement un rien erratique en ces contrées, elle se présenta au remplaçant comme ayant 17 ans et obtint satisfaction.

En devenant française, elle perdit au moins cinq ans. Comme quoi il est possible de rajeunir considérablement sans le moindre appel à de coûteuses crèmes de beauté…

Seulement, toute médaille a son revers : quand je l’ai rencontrée, il arrivait à Yvonne de regretter d’être contrainte de continuer de gagner sa vie alors qu’elle avait dépassé, depuis quelque temps déjà,  l’âge de la retraite. On ne peut pas tout avoir.

dimanche 18 décembre 2011

Pour le droit de vote aux étrangers !



Hier soir, l'excellent Appo Appas, dont le blog à l'humour un rien déjanté réjouit quotidiennement mes zygomatiques, me fit l'honneur de déposer une commentaire au pied d'un de mes texticules. Ayant remarqué que je relayais la pétition de la Droite Populaire appelant à dire non au vote des étrangers, le bon Appo me fit part de son inquiétude :"N'étant pas opposé au droit de vote des étrangers, puis-je néanmoins continuer de fréquenter, en immigré occasionnel, ce blog ? Merci pour votre aimable réponse." Mon aimable réponse ne se fit pas attendre. Étant d'humeur badine, je lui répliquai : " Votre position me paraît un peu timide. Ne pourrait-on pas envisager de réserver le droit de vote aux étrangers ?" Je croyais plaisanter.

Depuis, la nuit qui, comme l'on sait, porte conseil a passé. Et au réveil, ce que je considérais comme une ironique provocation m'apparut clairement pour ce qu'elle était : une mesure d'élémentaire justice. J'entends déjà les cris d'orfraie de ceux de mes lecteurs qui appartiennent au camp du MAL (si, si, il en est!). L'absence de réflexion, cette plaie d'une société du divertissement, étant à l'origine de leurs errances, j'aimerais leur montrer rapidement la logique de ma nouvelle  position.
Toute personne cultivée et objective le sait :

  • Les étrangers ont construit la France : Le pont du Gard, le Mont Saint-Michel, le gazomètre de Bezons,  les cathédrales, Vaux-le-Vicomte, Versailles, les cités de la Courneuve, etc.
  • Les étrangers ont sauvé la France en 39-45, en 14-18, en 1870, pendant la guerre de cent ans, etc.
  • Les étrangers paient leurs impôts.
  • Les étrangers sont doux, pacifiques et ne rêvent que de couler des jours heureux dans ce pays pour lequel ils ont tant fait.

Examinons maintenant le cas des français :
  • Pendant que les étrangers construisaient les merveilles qui attirent par millions les touristes du monde entier vers la France (des étrangers, encore, notons-le au passage!) ils jouaient à la belote au bistrot en buvant des canons de rouge.
  • Protégés par les valeureux étrangers, planqués à l'arrière, ils se gobergeaient, s'enrichissaient en spéculant honteusement.
  • Ils fraudent le fisc et planquent leurs sous en Suisse.
  • Ils n'ont tout au long de leur histoire fait que porter honte et désolation sur toute la planète : croisades, hôpitaux, esclavagisme, écoles, colonisation, chemins de fer et plein d'autres vilaines choses généralement tournées contre les étrangers.
Ces évidences devraient amener toute personne raisonnable à rejoindre mon point de vue : ayant au fil des siècles, par leur paresse, leur pleutrerie, leur avarice, leur cruauté (et j'en oublie forcément)  montré leur profonde indignité, les français ne méritent pas de participer à la démocratie, système qui ne peut se concevoir que pratiqué par des êtres vertueux. En revanche, les étrangers, eux, présentent depuis toujours les garanties morales et civiques susceptibles de rendre le système démocratique viable.

Serait-il nécessaire d'exiger des étrangers, afin qu'ils votent en France, un temps de séjour minimal dans notre pays ? La réponse est bien évidemment NON. Ce serait discriminatoire. Tout étranger, où qu'il vive, à condition qu'il soit en mesure de prouver qu'il n'est pas citoyen français a le droit de vote en France. Cela exclurait cependant les ressortissants de l'Union Européenne lesquels ne sont pas suffisamment étrangers.

Voilà. 

PS : Pauvre sens et pauvre mémoire m'ayant Dieu donné le roi de gloire, je suis infoutu de supprimer le honteux appel  de la Droite Populaire qui défigure le coin supérieur gauche de ce blog vertueux. Je ne suis donc pas, à ma courte honte, en mesure d'empêcher les inconscients qui voudraient aller la signer de le faire. Veuillez m'en excuser.

samedi 17 décembre 2011

Le temps, quand il ne le tue pas, peut renforcer l'amour...





C’est Samba N’Diaye qui m’a fait connaître la Mère Thibaud. C’était une solide métisse qui avait dû être belle un jour, mais ce jour datait. Elle tenait un petit bistrot-restaurant à Thiès où Samba m’avait emmené dîner ou déjeuner, je ne sais plus tant le jour de notre première visite nos libations furent abondantes. Nous y retournâmes plusieurs fois. L’ambiance était sympathique et, n’étant pas trop dérangée par les clients, la patronne nous accordait tous ses soins. La cuisine était acceptable, sans plus.

A notre deuxième visite, j’eus l’honneur d’être présenté au Père Thibaud. Car père Thibaud il y avait. C’était un français, retraité des chemins de fer. Vieux, très vieux, gâtissime même, il ne bougeait pas de son fauteuil et encore moins de la pièce fraîche où on le tenait. Il ne parlait plus.

Samba me raconta l’histoire du couple. La mère Thibaud, alors  que sa jeunesse agitée  commençait à se flétrir, décida de faire une fin. Et cette fin incluait le Père Thibaud, déjà  vieux. Il avait une trentaine d’années, bien tassée, de plus qu’elle. Elle l’épousa donc se disant que le bon vieux, pas très solide, ne tarderait pas à passer l’arme à gauche lui laissant une pension de réversion très substantielle pour le pays.

Miracle de l’amour, au lieu de prendre le chemin du paradis, le brave homme retrouva sa jeunesse et lui fit un enfant.  Le temps passa, l’enfant grandit, sa mère vieillit, Thibaud dépérit. Lorsque je les rencontrai le bambin était bien engagé dans la vingtaine. Et il ne faisait pas grand-chose. Rien, pour être précis. Du coup, de pressée qu’elle avait été de se vautrer dans les délectations moroses du veuvage, la Mère Thibaud était progressivement revenue à de meilleurs sentiments : cloué dans son fauteuil, le pauvre vieux ne risquait pas de dépenser la moitié de la pension qui partirait avec lui. Il devint donc l’objet des soins attentifs et empressés de sa petite famille : plus il durerait, moins le besoin la menacerait.

On peut gager que le jour où, malgré les attentions dont on l’entourait, le Père Thibaud rendit l’âme, il fut amèrement regretté.