..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 23 novembre 2011

Repentance




Comme vous tous, j’ai une forte envie de me repentir un petit peu tous les jours. Je crains, si je faisais pas mon devoir de mémoire de mériter un zéro pointé et de ne pas passer dans la classe supérieure.

De quoi serais-je censé me repentir ?  A peu près de tout ce qui, dans notre histoire nationale, est criminel. Et ce ne sont pas les mauvaises actions qui  manquent : Croisades, esclavagisme, colonisation, participation à la « solution finale », génocide vendéen, massacres de la terreur, guerre d’Algérie, etc.

Certains esprits forts viendront m’objecter qu’ils ne voient pas de raisons pour que l’on se repente de crimes auxquels on n’a pris aucune part vu que qu’ils  furent  perpétrés avant notre naissance et que, même pour ceux commis de notre vivant, il n’y aucune raison de le faire, vu qu’en général on n’a joué aucun rôle dans la prise de décision qui les a entraînés. Que ce n’est pas à nous, mais à l’État de faire acte de repentance. Ah oui, à l’État ? C’est qui l’État ? Si j’en crois le petit Robert, ce serait l’«autorité souveraine s’exerçant sur l’ensemble d’un peuple et d’un territoire déterminés ». l’État à un chef. Il serait donc logique que ce soit lui qui se repente, au nom du peuple.

Vous croyez vraiment qu’il n’a que ça à faire ? Avec la crise de l’Euro, les élections qui viennent et tout ça ?  On critique déjà assez  le peu d’efficacité de son action. Qu’en serait-il s’il passait le plus clair de son temps à se repentir ? Ce ne serait que justice que nous  l’aidions : par générosité d’abord et aussi parce que nous sommes en démocratie. Louis XIV pouvait dire : « l’État, c’est moi ». Les choses ont évolué : maintenant, l’État, c’est nous. Si, si ! Repentons-nous donc et à donf !

Une question se pose cependant : est-il bien raisonnable d’imposer le devoir de repentance à l’ensemble du peuple français ? Je vois mal un français de fraîche date, venu d’une tribu ayant été victime de ce crime inexpiable que fut la traite des Noirs, se voir contraint, en tant que français, à se couvrir la tête de cendres en souvenir de l’esclavagisme. De même, un juif français  devrait-il se repentir de la participation de son pays à la shoah ?  Un algérien, ex-combattant du FLN, venu depuis, par amour de la France, s’établir chez nous et rejoindre par naturalisation le peuple français devrait-il s’excuser de la barbarie française en son ex-pays ? Ainsi, accessoirement, que des crimes du FLN ?

Il est des cas plus complexes : Prenons celui d’un bon français dont la mère était autochtone et le père espagnol. Sa repentance doit-elle porter par moitié sur les crimes de L’Espagne et ceux de la France ? Doit-il endosser en totalité la culpabilité de ses deux peuples d’origine ? Que devrait-il faire le 3 mai ?  Quid de ceux dont les ancêtres viennent de multiples origines ? Ne risqueraient-ils pas de se voir submergés de repentir ? Menacés de schizophrénie carabinée ?

On en a arrive à la conclusion que la repentance ne peut concerner, en admettant que nous soyons responsables des erreurs de nos aînés, qu’une partie d’entre nous. Partie d’autant plus difficile à définir que, sauf rares cas, il est difficile de remonter de plus de quelques siècles dans notre arbre généalogique et par conséquent de savoir si ne s’y seraient pas glissés des éléments allogènes.

Je me demande, la mort dans l’âme et frustré dans mes désirs, s’il ne serait pas raisonnable d’abandonner l’idée de repentance et d’étudier l’histoire sans a priori moraux en se contentant d’expliquer les évènements, leurs causes, leurs conséquences et leur contexte socio-économique. Ce qui n’empêcherait aucunement, si l’envie nous en venait,  d’en tirer d’éventuelles leçons pour le présent voire pour  l’avenir en fonction de nos  idéologies du moment.

mardi 22 novembre 2011

Un bien brave p’tit gars



Du temps où j’exerçais mes talents en tant que clown dans un zoo  ou, pour employer le jargon technique, professeur de lettres dans un établissement pour jeunes en grande difficulté,  la vie était souvent  rude.  Les p’tits gars, comme je les appelais étaient de naturel taquin.  Le problème, c’est que je n’étais pas d’un naturel à me laisser trop taquiner. D’où conflits. Ça ne se passait pas toujours bien. Parfois même plutôt mal.  Mais, vaille que vaille, je parvenais à les distraire sans trop de casse. Contrat rempli, donc.

Un matin arriva un nouveau. Je ne me souviens jamais des noms. Appelons-le Momo. Momo, donc, me frappa d’emblée : il y avait dans sa mise quelque chose d’élégant, de soigné.  Dans le genre Téci, il avait la classe : de fines bretelles soutenant un pantalon de jogging , un T-shirt sobre, des baskets dernier cri de chez le bon faiseur, des cheveux impeccablement coiffés,  une silhouette fine, une musculature affutée. Il sortait du lot, où sans vouloir me montrer critique, il arrivait qu’on notât un certain laisser-aller. Il me salua, s’assit  le dos bien droit à la place que je lui assignai et se mit en devoir d’écouter les mots de sagesse que je dispensais à ces jeunes âmes avides de connaissance. D’autant plus avides qu’il semblait que la présence du nouveau avait pour effet de renforcer considérablement leur capacité d’attention.

L’arrivée d’un nouveau était généralement une source de perturbations, les plus taquins voulant lui montrer l’ampleur de leur talent. Ça se traduisait par des provocations multiples. Ce jour-là, malgré le calme plutôt inhabituel, il y en eut quand même un qui voulut faire le malin. Je ne me souviens pas des propos exacts de l’insolent, mais je me souviens parfaitement de la réaction de Momo. Il expliqua calmement mais avec  fermeté  à l’impoli que l’on ne parlait pas comme ça à un professeur et le pria de s’excuser. Ce qu’à ma grande surprise il fit sans tarder.

A partir de ce jour, la vie au zoo, du moins dans cette classe, devint bien douce. J’en étais à regretter de ne  pouvoir l’emmener avec moi partout, tant son magnétisme naturel avait pour effet de ramener la paix alentour.  Une paix un rien tendue, certes, mais  cela ne valait-il pas mieux que des conflits ouverts ?  De plus, tous s’empressaient de se montrer obligeants. Souhaitais-je qu’on ouvrît une fenêtre pour rafraîchir la salle ou qu’on la fermât parce qu’il faisait frisquet ? Au lieu de ne le faire en maugréant qu’après nombre de demandes,  chacun se hâtait de me donner satisfaction.

Curieusement, Momo ne faisait pas l’unanimité parmi les collègues. Certains trouvaient suspecte  sa capacité à se créer si vite tant d’amis un peu partout dans l’institution jusque parmi le personnel. Ses savoir-faire sociaux lui nuisaient…

Un jeudi matin,  je m’aperçus que la place de Momo était inoccupée. Je m’inquiétai de son absence. Un collègue me renseigna. Il nous avait quittés. Suite à on ne sait quel malentendu, le brave p’tit gars avait montré à un de ses camarades  qu’il était fortement déconseillé de le contrarier.  Un coup de cutter dans la région de la gorge avait suffi.

lundi 21 novembre 2011

Pour une mort plus conviviale !





Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la mort a très mauvaise presse. En fait, elle semble même inspirer une certaine crainte chez la plupart de nos contemporains. On a tendance à la masquer, à l'édulcorer, à l'euphémiser. Alors que, jusqu'à nouvel ordre, nous avons tous rendez-vous avec elle. C'est même,  avec la naissance, la seule expérience que nous sommes certains de partager avec tous les humains et au-delà avec tous les êtres vivants. 

Le bon Michel de Montaigne, reprenant Marcus Tullius Cicero, écrivit que philosopher c'était apprendre à mourir. Et quoi qu'on en dise ou pense, ces deux gaillards n'étaient pas des pommes à l'eau. On notera toutefois que cette formule laisse entendre que mourir nécessite un apprentissage, un entraînement. Quelle erreur ! En fait, la mort nous vient on ne peut plus naturellement. On pourrait même dire que moins on s'y prépare plus on la rencontre. J'en veux pour preuve l'enthousiasme avec lequel les jeunes se ruent inconsciemment vers elle que ce soit sur un scooter pétaradant ou lorsque guerres ou révolutions leur en offrent l'occasion. Les vieux sont plus réticents, certes, mais ils y vont volens nolens.

Beaucoup d'entre nous sont assez lâches dans la vie. Pour des raisons de confort, ils se refusent à envoyer leur belle-mère sur les roses, à dire à leur conjoint ce qu'ils pensent réellement de sa tourte au potiron ou à dire son fait à leur patron ou à leur supérieur hiérarchique. Pourtant personne, jusqu'ici ne s'est efficacement refusé à mourir.

Cela dit, comment expliquer le peu d'attrait qu'inspire la mort ? Georges Brassens dans sa chanson Oncle Archibald, ouvre une piste. Le bonhomme, avant d'en venir à de meilleurs sentiments, convaincu par des arguments imparables, commence par s'adresser à la mort en des termes peu amènes : "Oncle Archibald, d'un ton gouailleur lui dit : " Va-t'en fair' pendre ailleurs ton squelette, fi des femelles décharnées vive les belles un tantinet rondelettes ! "". Toutes les réticences que génère la mort viennent de là : comme le disent nos communicants, elle souffre d'un problème d'image

Regardons-la un peu : un vrai squelette ! Drapée dans une robe informe, avec une capuche façon pénitent médiéval ! Et que tient-elle à la main ? Une faux ! Dans une société fortement urbanisée, elle se balade avec un ustensile agricole ! Pas plus bandante qu'une candidate écologiste ! Vous auriez envie de partir en java avec une nana pareille ? Franchement ?

Pour inverser la tendance grandissante au rejet qu'elle inspire, il est urgent de la relooker totalement. Je proposerais donc qu'elle remplace son physique ingrat par quelque chose de plus charnu de partout, qu'elle renonce à sa longue robe pour adopter une courte jupe et un haut avec décolleté plongeant, qu'elle abandonne la faux au profit d'un panier garni de victuailles et de bonnes bouteilles, avec, par dessus le marché, un sourire engageant. 

Filles et gars, jeunes et vieux seraient tout de suite plus réceptifs. Vous en connaissez beaucoup, vous, à part quelques pisse-froids, qui ne se feraient pas une joie d'aller faire une petite virée bien arrosée avec une jolie nana rigolote et pas farouche d'aspect ? Moi pas.

dimanche 20 novembre 2011

Experts ? Vous êtes sûrs ?



J'ai entendu hier que les psy qui avaient examiné le jeune meurtrier du collège de Chambon-sur-Lignon ne l'avaient pas jugé dangereux. C'est ce qu'on appelle de l'expertise !

Que tout être humain soit faillible, on ne le découvre pas aujourd'hui. N'empêche, il semblerait que les experts psychiatres le soient un peu plus que la moyenne.

Il existe bien d'autres experts. On imagine mal l'un d'eux, spécialisé dans l'automobile assurer que votre Ford Cortina modèle 1974, malgré ses 453 664 km (non garantis), sa carrosserie corrodée, la fumée noire qui s'échappe de son pot, l'huile qui ruisselle de son moteur et le bruit inquiétant de ses bielles est quasi-neuve et vaudrait plus de 20 000 Euros. On pourrait craindre qu'un tel expert ne voit pas souvent son concours réclamé par les compagnies d'assurances. 

Imaginons qu'existent des experts en animaux de compagnie et que l'un d'entre eux vous déclare que l'animal que vous lui avez demandé d'examiner est un yorkshire  parfaitement inoffensif. Alors qu'en fait il ne s'agit pas d'un p'tit chienchien à sa mémère mais d'un tigre mangeur d'homme qui à peine ramené à la maison vous dévore à belles dents, vous et votre famille. Vos héritiers, s'il en reste, ne seraient-ils pas en droit de demander des comptes à cet expert ?

Je ne sais si les experts psychiatres peuvent être tenus pour responsables de leurs erreurs de diagnostic et/ou de pronostic. Seraient-ils tenus à une obligation de moyens plutôt qu'à une obligation de résultats ? Quoi qu'il en soit, il semblerait que parfois ils ressemblent davantage au dernier expert que j'évoquais qu'à des personnes sur les dires desquels on peut baser l'encadrement d'un éventuel récidiviste. Et c'est bien dommage pour les victimes.

Vous me direz que l'être humain est infiniment complexe. Que prédire son comportement futur est plus délicat que de faire la différence entre une épave et une bonne occase ou qu'entre un yorkshire et un tigre. C'est l'évidence même. Et c'est ce qui pose question : si la science psychiatrique n'est pas en mesure d'établir des pronostics fiables, à quoi sert de la consulter ?

Si les psy qui ont examiné le jeune homme en question ont pu affirmer qu'il ne présentait aucun risque de dangerosité, ne sont-ils pas en partie responsables du drame que leur erreur a occasionné ? Ne devrait-on pas les poursuivre ?

Ne serait-il pas souhaitable que la psychiatrie se montre plus modeste,  voire avoue qu'en l'état des choses elle n'est pas en mesure de garantir la valeur de ses conclusions ? Ce serait, évidemment, se saborder. Pourtant ne vaut-il pas mieux avouer son incompétence que de pousser ceux qui vous font confiance à prendre des décisions aux conséquences dramatiques?

samedi 19 novembre 2011

Passer sous les roues d'un bus peut nuire gravement à votre santé



Faire une overdose de roues de bus est un des dangers qui menacent la santé de l'homme d'aujourd'hui (pour celui d'hier, c'était les roues de diligences). Je sais de quoi je parle.

J’allais au collège et j’attendais tranquillement mon bus lorsque je m’aperçus  que j’avais oublié ma trousse à la maison. Une journée d’école, c’est toujours ennuyeux, mais quand on n’a pas de quoi écrire, ça devient tout de suite plus pénible. Être en butte aux remontrances outrées des profs et aux quolibets des condisciples (qui se feraient un devoir de ne rien me prêter, cet âge étant sans pitié) ne me disait rien aussi trouvai-je vite une solution : De l’autre côté de la rue, un copain attendait le bus qui le mènerait au lycée. Je traversai donc et lui empruntai  un stylo. 

C’est alors que je m’aperçus que mon bus s'apprêtait à démarrer avec à son volant le célèbre Grand louis, un conducteur qui avait ceci de remarquable qu'il s’arrêtait boire son coup de rouge dans pratiquement tous les bistrots entre Montlhéry et la porte d'Orléans.  Et retour . Plusieurs voyages par jour. Ça n'affectait pas sa conduite, si bien qu'il ne venait à personne l'idée de lui en faire grief. Une autre époque, je vous dis.

Sans plus réfléchir je me ruai vers ce véhicule. Mal m’en prit car une voiture me faucha net et m’envoya dinguer sous le bus.  Si vous n’avez jamais vu des roues énormes rouler doucement vers vous, inutile d’essayer,  je peux vous  dire ce que ça fait : on ne reste pas traîner. Immédiatement, je me mis à ramper, stylo à la main ; les roues soudain s’arrêtèrent. Alerté par les hurlements  de ceux des passagers qui avaient vu la scène, Grand Louis avait freiné. Je pus donc  sortir de l’autre côté du bus et y monter. 

A peine assis, je me mis à trembler de tous mes membres. Vu que tous n’avaient pas réalisé ce qui m’était arrivé certains se demandèrent ce qui pouvait bien troubler à ce point ce petit gars.


Mais ce n’est pas là le plus curieux. J’appris par le copain qui m’avait prêté le stylo que le plus choqué était surement le conducteur de la voiture. Mettez vous à la place d’un gars qui vient de renverser un gamin, de l’envoyer rouler sous un car et qui ne trouve pas trace de sa victime !