Les gilets jaunes se sont révoltés
contre la hausse de certaines taxes. Pas de toutes. Celles sur
le tabac, bien que connaissant une croissance exponentielle, semblent
ne susciter de protestations que chez les buralistes alors qu'environ
un tiers des Français fumeraient quotidiennement. Ça paraît
surprenant, non ? En fait, l'explication est simple : grâce
à des décennies de campagnes anti-tabac, on est parvenu à
transformer la plupart des fumeurs en coupables qui ne doivent qu'à
leur manque de volonté de ne pas avoir arrêté. Tout coupable
mérite une sanction. Et la sanction tombe sous la forme de nouvelles
taxes dont nul ne saurait s'indigner. Le but final serait grâce à
des prix prohibitifs d'éradiquer le tabagisme. On ne peut pas dire
que ça marche vraiment. Bien sûr, on vend moins de tabac en France.
Seulement, les achats ans les pays limitrophes aux tarifs moins
exorbitants augmentent considérablement de même que la contrebande.
Le fumeur est accro, et il est
difficile de le dissuader de se suicider. Il sait depuis longtemps
que le tabac lui fait perdre 9 ans de vie (dont une ou deux d'EHPAD),
qu'il risque la cécité, l'infécondité, l'impuissance, un cancer
pas gentil du tout, plus de problèmes cardiaques qu'un curé ne
saurait en bénir, l'amputation de plusieurs membres, etc. Et malgré
ça, il continue, le bougre. Malgré les risques, le coût, la
culpabilité, il continue.
S'il a un minimum de sens civique, il
souffre en plus du tort qu'il fait à la collectivité. Car le fumeur
coûte bien plus qu'il ne rapporte ! Si on en croit M. Pierre
Kopp et
l'étude que cet éminent professeur a consacré à la question
en 2015, c'est à plus de 120 milliards que s'élèverait le coût
social du tabagisme. Cependant, l'essentiel de ce coût social est
constitué par celui des vies perdues, de la perte de qualité de vie
et de celui des pertes de production. Car une année de vie a un
prix : 115 000 € selon l'étude ! Avouez que vous ne
pensiez pas valoir autant ! Sans compter que la mort
« prématurée » du fumeur se produit en moyenne à 71
ans et qu'il est rare qu'entre ce bel âge et les 80 ans « normaux »
on soit très productif.
Quel que soit le coût réel du
tabagisme, il n'en demeure pas moins que l'état a besoin des 15
milliards qu'il lui rapporte. D'autre part, en admettant que les
fumeurs cessent tous de fumer, les économies sur les dépenses de
santé ne se feraient sentir qu'à plus ou moins long terme et qu'en
attendant ces beaux jours, il faudrait prendre dans la poche des
contribuables le manque à gagner. Environ 400 € par an et par
foyer fiscal ! Les gens en seraient-ils satisfaits ?
Le gouvernement se trouve donc dans une
position délicate : pour des raisons de santé publique, il se
doit de prôner la fin du tabagisme tout en priant le bon Dieu que
celle-ci soit TRÈS progressive.
Il faut donc s'attendre à ce que les taxes sur le tabac continuent
de compenser la baisse du volume des ventes. Ça a bien marché
l'an dernier : 750 millions de francs de rentrées
supplémentaires dans l'indifférence générale !
La
culpabilisation est donc efficace. Elle permet de taxer à tour de
bras sans soulever de protestations. Ne serait-il pas bon pour tout
gouvernement de lancer de longues campagnes de sensibilisation aux
terribles méfaits du diesel, du sucre ou des topinambours afin de
pouvoir à terme augmenter sensiblement les rentrées de l'État ?