On entend de plus en plus parler de
procès opposant des néo-ruraux aux naturels du pays. Les causes de
ces litiges sont diverses. Ça peut être la sonnerie de l'Angélus
qui, dès sept heures du matin vient perturber le sommeil des
grincheux. Ça peut venir aussi de ces sons de cloches qui, jour et
nuit viennent sonner heures et demi-heures, leur rendant la vie
impossible. Parfois c'est un coq qui ne trouve rien de mieux que de
venir saluer l'aube de son retentissant chant. Et puis il y a les
grenouilles dont les mâles enamourés lancent de toutes leurs forces,
les soirs de printemps, un chant d'amour pour attirer les belles. Et
s'il n'y avait que ça ! Dans les pleines céréalières, le
temps que dure la moisson vous avez droit au vacarme nocturne que
produit la noria des tracteurs qui vont livrer leur récolte au silo
voisin. Des paysans mécréants, au lieu d'observer la trêve
dominicale, ne trouvent rien de mieux à faire que de tronçonner ou,
pire, de scier leur bois le dimanche. Le meuglement des vaches qui rentrent pour
la traite, le bêlement des brebis et des agneaux viennent compléter
le tohu-bohu.
Car figurez-vous que, n'en déplaise
aux citadins, campagnes et villages ne sont pas des lieux de
silence. Ceux qui viennent l'y chercher se trompent. La scie avec
laquelle votre bon voisin débite ses bûches y produit bien plus de
décibels qu'une rue passante...
La vie à la campagne c'est comme la
vie avec Cunégonde ou Gontran : pour la supporter, il faut
l'aimer. Car si elle a des attraits, elle a ses défauts. Elle n'est
agréable que dans la mesure où pour ceux qui la choisissent les
premiers l'emportent sur les seconds.
L'erreur de certains néo-ruraux est de
vouloir transformer l'endroit où ils s'installent en un paradis
rêvé, remplissant toutes leurs attentes. S'ils bénéficiaient d'un
minimum de raison, ils prendraient conscience que c'est à eux de
s'adapter au cadre qu'ils ont choisi et non le contraire. Si
l'adaptation leur est impossible il leur reste la possibilité de
retourner en ville et de s'y enfermer dans dans un caisson étanche
qui leur apportera le calme et le silence désirés.
Toutefois il me semble que le néo-rural
anti-coq, anti-cloche, anti-grenouilles, anti-tout n'est qu'un avatar
récent d'une espèce bien plus ancienne : le paléo-emmerdeur
qui, quel que soit son environnement, met un point d'honneur à faire
chier le monde.