On se demande comment les Français
peuvent encore dormir de temps en temps avec les catastrophes qui les
menacent dans de nombreux domaines. Les Philippulus foisonnent mais à
la différence de leur modèle, ils ne courent pas les rues d'une
blanche robe vêtus et munis d'un gong en annonçant la fin du monde,
ce qui tendrait à les faire passer pour un peu étranges, même au
temps des Gay Prides et autres fantaisies. A la voie publique, ils
préfèrent les media et parfois même sont vêtus correctement. Ils
ne vocifèrent pas toujours. Certains parlent posément des
cataclysmes qui nous pendent au nez comme un sifflet de deux ronds et
étaient leurs discours de données scientifiques apparemment
irréfutables que nul n'ira vérifier. L'origine de nos malheurs est
diverse mais leurs conséquences, dramatiques voire fatales, sont
généralement inéluctables. Parmi les prophètes de malheur,
certains optimistes laissent entrevoir la possibilité d'un sursaut
de dernière minute qui pourrait, s'il se produisait dans un avenir
très proche, éviter que ne se produise les cataclysmes prévus.
Mais les catastrophes, comme toutes
choses, connaissent leurs heures de gloire puis passent de mode. Les
plus anciens se souviendront de la peur qu'occasionna il y a quelques
décennies un éventuel conflit nucléaire. Des gens aisés se firent
même, à grand frais construire des abris où ils entassèrent
vivres et fournitures diverses. Personnellement, dès cet époque, je
ne voyais pas très bien l'intérêt de ces coûteuses précautions,
vu qu'un jour il faudrait bien sortir de l'abri et qu'on se
retrouverait dans un monde à la Mad Max ou à la Cormac McCarthy où
subsister serait pour le moins difficile voire carrément
désagréable. Bizarrement, cette crainte semble avoir beaucoup
perdu de sa prégnance. Heureusement, d'autres sont venues la
remplacer ! En faire la liste complète serait laborieux. Je me
contenterai donc d'en évoquer quelques unes parmi les plus
populaires.
Le péril alimentaire en est une :
suite aux errances de l'agriculture intensive, notre nourriture nous
empoisonne. De grandes sociétés, avides de profits, imposent leurs
produits dans le meilleur des cas hautement cancérigènes et qui
entre autres effets secondaires présentent le léger inconvénient
de détruire les sols ce qui, à terme, les rendra totalement
infertiles et provoquera des disettes qui ravaleront la peste noire
au rang de négligeable incident. Monsanto, puisqu'il faut l'appeler
par son nom, va détruire l'humanité. Ce qui n'est pas très malin
de sa part, vu qu'avec elle disparaîtront ses clients...
La submersion migratoire menace
gravement notre société. Des millions et des millions de réfugiés
économiques ou climatiques viendront s'installer chez nous pour y
vivre à nos crochets, détruisant au passage la civilisation telle
que nous l'avons connue. Je suis loin de sous-estimer cette menace.
Seulement, l'économie, l'État providence comme les capacités de
production de notre agriculture ont leurs limites. Viendrait un jour
où plus rien ne justifierait un long voyage : si c'est pour y
crever de faim ou de froid dans les ruines d'une Europe jadis
florissante, autant rester mourir chez soi.
La prophétie la plus intéressante par
sa globalité qui, au passage, rendrait toutes les autres caduques
est celle de la « destruction de la planète ». Si nous
n'agissons pas fortement et immédiatement, la planète est, selon
certains, foutue. J'entends des voix dire que nous n'avons que
quelques années pour redresser la barre. Si c'est vraiment le cas, à
mon avis, notre sort est scellé car du train où vont les choses, un
proche et salutaire rebond est pour le moins improbable.
Le problème du catastrophisme est son
côté généralement inéluctable. Si rien ne peut être fait pour
éviter l'extinction de notre civilisation, de l'humanité et de la
planète, à quoi bon s'en inquiéter ? Autant s'indigner de
notre mort individuelle qui, comme chacun sait, est, elle aussi,
inévitable.
Plutôt que de prévoir de fatals
cataclysme que ne sauraient éviter que d'immédiats et radicaux
changement hautement improbables, ne vaudrait-il pas mieux envisager
des solutions rationnelles et durables ? Je crois qu'au cours de
son histoire l'humanité a toujours trouvé des solutions (plus ou
moins heureuses) à ses problèmes. A une époque où la science et
les techniques nous permettent de mieux maîtriser les choses, je ne
vois pas pourquoi elle aurait perdu cette capacité. Je regarde donc
son avenir de manière plutôt apaisée et porte sur les prophètes
de malheur le même regard amusé que sur Philippulus.