Regarder la pluie tomber et stagner le
brouillard assis à mon bureau est un plaisir indicible. Il arrive
même que, de ce point d'observation, je puisse contempler les douces
courbes des collines et, le croirait-on, parfois les voir
baignées de soleil. Mais le temps passant, il arrive qu'on se lasse
de ce qu'on a le plus chéri. Le brouillard perd son mystère, la
pluie son côté rafraîchissant, les collines leur charme. Et
puis, malgré tout son attrait, parfois le jardin apparaît davantage
une source de répétitives corvées qu'un pourvoyeur de
paix interne. Le temps passe, inéluctablement, on réalise que
depuis l'achat de ce coin de paradis normand cinq puis huit et
maintenant dix ans se sont envolés. On a bien essayé de compenser
l'ennui qui s'installait par un autre achat en Corrèze. Et on
réalise qu'en fin de compte, on n'a fait que multiplier les corvées
d'entretien et de jardinage. On se prend à rêver de rupture...
Il y a quelque temps donc, le démon du
changement a recommencé d'envahir mon âme nomade. Je me suis mis en
quête d'une maison plus petite dotée de peu de terrain. Dans un
endroit où passent les portables, où l'Internet se capte sans
coûteuse et aléatoire liaison satellite, et où la réception
télévisuelle est meilleure. Où, si on a oublié quelque emplette,
on peut réparer l'erreur sans mettre la voiture à contribution.
Quand on cherche, on trouve. Pas forcément ce que l'on cherchait.
Ainsi me suis-je trouvé séduit par une maison du bourg voisin bien
plus grande mais avec peu de terrain, peut-être moins de caractère
mais répondant à toutes mes autres exigences. Un prix plus que
raisonnable renforça ses attraits.
Et me voici, bien qu'un peu hésitant,
en train de rêver. La maison en question a bien besoin d'un léger
rafraîchissement : arracher les moquettes, rendre aux parquets
leur lustre, changer les papiers, repeindre les éléments de la
cuisine, masquer certains carrelages sous de nouveaux revêtements,
repeindre les carreaux muraux de teintes moins tristes. Du home
staging plus que de vrais travaux. L'électricité n'est pas, loin de
là, aux dernières normes. Mais qu'importe si elle fonctionne ?
Mardi, je vais, avec un agent
immobilier, envisager les diverses possibilités permettant de mener
mon projet à bonne fin. Si une négociation permet de ramener le
prix du bien visé à un niveau me donnant une suffisante marge de
manœuvre, peut-être mettrai au plus tôt ma maison en vente. Les
deux agents qui l'ont visitée se sont montrés enthousiastes et
confiants en une prompte vente.
Il n'empêche que certains jours le
doute m'assaille. Vieillirais-je ?