Hier soir, Mme Laurence de Cock, une
historienne censée représenter les Français, lors de l'émission
« Traquenard politique » sur France 2 a demandé au
supplicié s'il était pour qu'on évoque l'image de Saint Louis
rendant la justice sous son chêne. Question intéressante, s'il en
est.
Tout ce qui me reste de l'enseignement
de l'histoire en primaire ce sont les images des personnages du
« roman national ». Nos ancêtres les Gaulois obsédés
par les chutes de ciels, Vercingétorix se rendant à César, Clovis
et le vase de Soissons, Charlemagne récompensant les bons élèves
de son école, Rollon et ses Normands pillards, Godefroy de Bouillon
conquérant Jérusalem, Saint Louis sous son chêne à Vincennes, la
bataille de Crécy, les vicissitudes de Jeanne d'Arc à Chinon,
Orléans et Rouen, Colomb découvrant des emplumés en Amérique,
François 1er et le chevalier Bayard, Bernard Palissy détruisant ses
meubles avec ardeur, la Saint-Barthélémy, le bon roi Henri et sa
poule (au pot), Louis XIII et Richelieu au siège de la Rochelle,
Louis XIV et Versailles, la prise de la Bastille, Napoléon et sa
retraite (de Russie), Les révolutions de l'an 30 et de l'an 48,
Napoléon III et Ferdinand de Lesseps, la guerre Franco-Prussienne,
les poilus dans leurs tranchées, la débâcle de 1940... Je dois en
oublier quelques unes.
Autour des murs se déroulait la frise
illustrée où hauts faits et grands personnages se succédaient
chronologiquement. Élève distrait, je la contemplais souvent plutôt
que d'écouter les discours probablement passionnants de mes
enseignants. Je ne dirai pas que cet enseignement, qu'il fut oral ou
mural m'ait doté d'une profonde culture historique. Était-ce
d'ailleurs son but ? Ne s'agissait-il pas simplement de créer
dans les jeunes esprits une certaine notion de la chronologie ?
De leur faire prendre conscience de l'ancienneté de la nation
française, de ses heurs et malheurs ?
Le but de l'enseignement primaire était
alors de doter ses élèves des bases qui leur permettraient
éventuellement d'acquérir d'autres connaissances. Lire, écrire,
compter, se repérer dans le temps. Il ne s'agissait aucunement d'en
faire des Pic de la Mirandole ou de fins analystes des réalités
historiques. Il faut croire que les enfants d'aujourd'hui sont bien
plus intelligents que nous l'étions et que les images d'Épinal du
roman national ne leur suffisent plus, qu'il ont besoin de plus de
profondeur, de « questionner le monde* » pour reprendre
un terme des nouveaux programmes. Ils apprennent des langues,
s'initient aux arts plastiques avant d'étudier l'histoire de l'art,
sont dotés d'une éducation musicale et grâce à cela ils sont 20%
à quitter l'école élémentaire sans savoir ni lire ni compter ni
écrire correctement. Combien seraient à même de relever les
erreurs et allusions de l'immortel « Lycée Papillon » de
Ray Ventura et ses collégiens où il est dit que « Vercingétorix,
né sous Louis-Philippe, battit les Chinois un soir à Roncevaux,
c'est lui qui lança la mode des slips et pour ça mourut sur un
échafaud » ?
A force de vouloir des têtes bien
faites plus que des têtes bien pleines, on se retrouve sans tête ni
savoir. Alors, je répondrai à Mme Laurence de Cock que Louis IX sous son chêne et les autres
permettaient l'établissement d'une chronologie et faute de
« questionner le monde » rendaient les enfants capables de se
repérer dans le temps. Ce qui est mieux que le rien actuel.
* L'emmerder leur vient naturellement !