Dans une société où, pour l’immense majorité, les besoins
fondamentaux sont largement satisfaits la croissance ne peut s’assurer qu’en
créant de nouveaux besoins artificiels et en instillant dans les esprits la crainte
de périls imaginaires. Besoins et craintes qu’on viendra ensuite satisfaire ou
apaiser. Les messages publicitaires sont là pour ça. Ceux de la firme Carglass en
témoignent de manière insigne.
En gros elles consistent dans un premier temps à créer un
sentiment d’inquiétude par rapport à un événement aussi improbable que sans
importance. Vous meniez une vie jusque là heureuse et puis voilà que, suite à
je ne sais quelle malédiction, vous êtes victime d’une des pires catastrophes
qui puisse frapper l’être humain : un impact sur VOTRE pare-brise ! Le traumatisme est fort. Mais hélas, vous n’êtes
pas au bout de votre calvaire : figurez-vous que ledit impact, en dépit de
la violence du stress qu’il implique, n’est que le signe annonciateur d’un
séisme moral à ravaler le pire des tsunamis au rang d’insignifiante anecdote. En
effet, à la moindre occasion (mise en marche de l’air conditionné, passage dans
un nid de poule) cet impact peut engendrer UNE FÊLURE ! Vous rendez-vous
compte ? Une FÊLURE ! Votre
pare-brise à vous, FÊLÉ ! Heureusement,
face à un tel cataclysme, il existe une solution : le monsieur de chez
Carglass viendra jusque chez vous avec sa résine magique ! En moins de
temps qu’il en faut à un lapin, il l’injectera dans l’objet de votre
ressentiment et vous pourrez reprendre la route sans vivre l’insupportable
agonie qu’engendre la crainte de la FÊLURE ! C’est tout juste si votre pare-brise
ne s’en trouvera pas nettement amélioré. Et tout ça (au moins dans la plupart
des cas) sans qu’il vous en coûte un rouge liard ! Alléluia, grâce à
Carglass et à son monsieur, l’apocalypse laisse place à la béatitude !
Retournons sur terre. Admettons que suite à un quelconque
choc avec un gravillon, un impact vienne affecter votre pare-brise. Sauf si
celui-ci est d’une taille importante et qu’il affecte votre champs de vision,
vous risquez de ne même pas l’apercevoir. Les chances pour que celui-ci donne
naissance à une fêlure sont minimes (quarante-six ans de conduite et de
nombreux impacts m’incitent à le penser). Au cas où ce malheur vous
affecterait, que feriez-vous ? Vous iriez au plus proche garage, y
commanderiez un nouveau pare-brise qu’on vous changerait en deux temps trois
mouvements au dépens de votre assurance !
Quelle aventure ! De plus,
la venue du monsieur de chez Carglass au
moindre impact, s’il calmera votre angoisse de la fêlure n’empêchera pas l’usure
normale de votre pare-brise adoré et au bout du compte la réduction de votre
visibilité.
Il n’empêche que créer de fausses angoisses, les palier
grâce à de pseudo-solutions est créateur d’emplois. Ainsi va notre monde.