..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 1 avril 2015

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Dans une société où, pour l’immense majorité, les besoins fondamentaux sont largement satisfaits la croissance ne peut s’assurer qu’en créant de nouveaux besoins artificiels et en instillant dans les esprits la crainte de périls imaginaires. Besoins et craintes qu’on viendra ensuite satisfaire ou apaiser. Les messages publicitaires sont  là pour ça. Ceux de la firme Carglass en témoignent de manière insigne.

En gros elles consistent dans un premier temps à créer un sentiment d’inquiétude par rapport à un événement aussi improbable que sans importance. Vous meniez une vie jusque là heureuse et puis voilà que, suite à je ne sais quelle malédiction, vous êtes victime d’une des pires catastrophes qui puisse frapper l’être humain : un impact sur VOTRE pare-brise !  Le traumatisme est fort. Mais hélas, vous n’êtes pas au bout de votre calvaire : figurez-vous que ledit impact, en dépit de la violence du stress qu’il implique, n’est que le signe annonciateur d’un séisme moral à ravaler le pire des  tsunamis au rang d’insignifiante anecdote. En effet, à la moindre occasion (mise en marche de l’air conditionné, passage dans un nid de poule) cet impact peut engendrer UNE FÊLURE ! Vous rendez-vous compte ?  Une FÊLURE ! Votre pare-brise à vous, FÊLÉ !  Heureusement, face à un tel cataclysme, il existe une solution : le monsieur de chez Carglass viendra jusque chez vous avec sa résine magique ! En moins de temps qu’il en faut à un lapin, il l’injectera dans l’objet de votre ressentiment et vous pourrez reprendre la route sans vivre l’insupportable agonie qu’engendre la crainte de la FÊLURE ! C’est tout juste si votre pare-brise ne s’en trouvera pas nettement amélioré. Et tout ça (au moins dans la plupart des cas) sans qu’il vous en coûte un rouge liard ! Alléluia, grâce à Carglass et à son monsieur, l’apocalypse laisse place à la béatitude !

Retournons sur terre. Admettons que suite à un quelconque choc avec un gravillon, un impact vienne affecter votre pare-brise. Sauf si celui-ci est d’une taille importante et qu’il affecte votre champs de vision, vous risquez de ne même pas l’apercevoir. Les chances pour que celui-ci donne naissance à une fêlure sont minimes (quarante-six ans de conduite et de nombreux impacts m’incitent à le penser). Au cas où ce malheur vous affecterait, que feriez-vous ? Vous iriez au plus proche garage, y commanderiez un nouveau pare-brise qu’on vous changerait en deux temps trois mouvements au dépens de votre assurance !  Quelle aventure !  De plus, la venue du monsieur de chez Carglass  au moindre impact, s’il calmera votre angoisse de la fêlure n’empêchera pas l’usure normale de votre pare-brise adoré et au bout du compte la réduction de votre visibilité.

Il n’empêche que créer de fausses angoisses, les palier grâce à de pseudo-solutions est créateur d’emplois. Ainsi va notre monde.

mardi 31 mars 2015

Le lierre, cet assassin.



Ma réfection des joints du garage m’a fourni une nouvelle preuve de la nocivité de cette immonde plante grimpante dont un pied, ayant plongé ses racines dans un joint en terre du mur, avait entrepris son inexorable travail de sape. Il m’a fallu desceller quelques pierres pour en extirper le plus gros des tiges et racines. Je compte dès que possible achever la besogne salvatrice au lance-flammes (ou desherbeur thermique). Rira bien qui rira le dernier !

A première vue, le lierre est sympathique : il garde sa verdeur en hiver, apportant une touche de couleur en ces temps désolé. Mourant où il s’attache, on le présente comme un exemple de fidélité. Certains esprits superficiels trouveraient même qu’il apporte de la beauté aux murs, les parant d’un manteau vernissé du plus bel effet. Ceux-là sont des proies faciles pour le démon dont les pires suppôts apparaissent sous des traits charmants…

Car comme bien des co-pilotes,  bien des infanticides, bien des escrocs, bien des tueurs en série, le lierre cache ses noirs desseins sous des dehors débonnaires. La grande différence avec ces autres monstres, c’est qu’il ne dit pas, que je sache, bonjour à tout le monde*. Il n’empêche que cet assassin est sans pitié. A la différence de l’enfant capricieux, du zappeur compulsif, du vieillard qui tente de prendre subrepticement votre place dans la queue au supermarché et de l’électeur réclamant le départ de M. Hollande,   il possède une qualité qui se fait rare : la patience.

Car pour arriver à ses fins, qui ne sont autres que la mort de celui qui l’accueille et le soutient, il prend tout son temps. Avant de le détruire, il parera de son vert permanent le vieux mur, ajoutant à sa beauté. Mais ce faisant, il insinuera ses tiges dans les anfractuosités de la paroi, elles y grossiront  doucement puis, exerçant une pression irrésistible sur les pierres y pratiqueront des fissures puis des brèches et finiront par la faire s’écrouler. Le temps pour lui ne compte pas : il peut vivre des siècles, certains disent même qu’il pourrait atteindre le millénaire… J’en ai connu un, dans mon jardin de Montbazon où se trouvait une tour du château médiéval dont le tronc atteignait les 15 cm et qui était parvenu à pratiquer dans la paroi multi-centenaire de cet élément de défense de larges fissures annonciatrices de sa ruine finale.  

Mais sur un arbre, me direz-vous, quels dégâts peut-il causer ? Le mêmes !  Dans un article, un jardinier moderne, bien écolo comme il se doit, le prétendait inoffensif, voire utile, sur un arbre sain et vigoureux tout en concédant qu’il pouvait se montrer fatal à un sujet affaibli. Quelle légèreté ! Comment oublier qu’un jour viendra où le robuste frêne perdra sa belle santé et où le lierre viendra précipiter sa fin ?

Pour le lierre comme pour la piéride une seule solution : l’EX-TER-MI-NA-TION !  

*Clin d’œil à une certaine lectrice qui se reconnaîtra.

lundi 30 mars 2015

Soirée électorale



J’adore les soirées électorales. Il est toujours agréable de voir les vaincus minimiser leur défaite, les vainqueurs s’attribuer des succès dont l’ampleur n’est due qu’à un système électoral discutable et les écartés critiquer un mode de scrutin justement destiné à les mettre hors-jeu. Zappant de chez M. BFM à chez Mme France 3, j’ai pu constater sur le « service public » qu’on y avait une bien pardonnable tendance à minimiser les pertes de la gauche grâce à d’astucieux artifices et d’acrobatiques manières de présenter les choses nous prouvant, si nécessaire, que ce qui fait la différence entre un « service public » et un qui ne le serait pas c’est l’imagination et l’absence de préjugés.  Ainsi mon département de la Manche se vit-il qualifié de « divers » par France 3 quand BFM le voyait à droite. Tant il est vrai qu’un département où les divers droite l’emportent largement ne saurait aucunement être clairement classé d’un côté ou de l’autre de l’échiquier.

Les invités politiques tinrent leur rôle avec toute l’originalité qu’on pouvait attendre d’eux. On sentit M. Placé prêt à prendre une place, M. Guedj au bord de la dépression, Mme Autain certaine qu’un virage à gauche était unanimement attendu, les socialistes modérés persuadés que face à un tel succès il était urgent de ne rien changer, M. Juppé, toute calvitie dehors, prêt à tout, à rien ou aux deux, M. Sarkozy requinqué comme aux plus beaux jours, Mme Kosciusko-Morizet prête à donner sa vie pour ses idées au cas où il lui arriverait d’en avoir, Mme Le Pen confiante en son avenir, M. Philippot omniprésent, bref, comme à toute revue digne de ce nom, il ne manquait pas un bouton de guêtre et tout le monde put se coucher content, certain d’avoir tenu son rôle et rempli son devoir.

Toutefois, un intervenant me sembla sortir du lot sinon par la nouveauté du moins par la justesse de son analyse. Je veux parler de M Dray, Julien de son prénom et peut-être même Juju pour ses intimes. L’homme n’est pas un imbécile. Un fils d’instituteur arrivé de son Algérie natale en 1965, ayant pratiqué le trotskisme, fondé SOS racisme, magouillé dans toutes les combinazione du PS, tantôt à sa gauche, tantôt modéré ne saurait l’être. Et ce d’autant moins qu’il cultive une coûteuse passion pour montres et stylos de collection pas forcément en rapport avec ses ressources ce qui lui valut naguère de se voir faire les gros yeux par une justice intraitable. Et que déclara-t-il ce brave élu du peuple ? Que la Gauche avait perdu la bataille idéologique, qu’elle devait non seulement se recomposer mais se donner de nouvelles bases théoriques afin d’être en mesure de reconquérir un électorat populaire qui l’a abandonnée, qu’un retour de la croissance ne changerait pas grand-chose etc. Entendre un socialiste débiter autre chose qu’un catéchisme de slogans éculés est étonnant. Ce serait même inquiétant s’il n’était pas le seul !

dimanche 29 mars 2015

Triste spectacle !



Comme tous les jours de scrutin, les chaînes de télévision nous montrent les principaux leaders d’opinions (et même certains qui souhaiteraient l’être) en train d’accomplir leur devoir électoral. J’avoue ne pas très bien saisir l’intérêt de ces retransmissions. Car quoi de plus banal que cet acte civique ? Vous arrivez, les scrutateurs vous serrent la main, vous leur donnez votre carte électorale avant de prendre les bulletins et l'enveloppe, de vous rendre dans l’isoloir, de déposer votre bulletin dans l’urne et de signer le registre. Que l’on soit président ou citoyen de base, la procédure est la même. Rien ne justifie donc que de nombreux photographes et cameramen immortalisent une scène si banale. On pourrait m’objecter qu’on est ainsi assuré que nos chers dirigeants ne s’abstiennent pas. Certes. Mais pour rassurer l’électeur ne suffirait-il pas d’un huissier qui certifierait leur vote ? A quoi bon déplacer tant de gens d’images pour un pseudo-événement ne présentant aucun intérêt visuel ?

Ces déplacements seraient justifiés si les intéressés agrémentaient leur prestation d’une petite chorégraphie. On pourrait même envisager que soit organisé une consultation du public visant à désigner celui d’entre eux qui aurait fourni la meilleure. Seulement, un tel changement pourrait avantager les plus jeunes et les plus sveltes de nos leaders, plus aptes à mettre les danseurs de leur côté. Il serait également possible que l’on assiste à de dangereuses dérives : les partis les plus argentés seraient en mesure d’accompagner la prestation de leur leader d’un big band et d’une troupe de somptueuses girls emplumées tandis que ceux des petites formations devraient se contenter d’arriver seuls. Quelle que soit la qualité des entrechats et autres virevoltes de ces derniers comment pourraient-ils éclipser les spectacles féériques de leurs compétiteurs et l’adhésion massive qu’ils entraîneraient ?

Tout bien pesé et afin de ne pas ajouter un danger supplémentaire à ceux déjà nombreux qui menacent la république, je crois que la solution serait de ne rien changer et de supprimer ces navrantes retransmissions.

samedi 28 mars 2015

Résurgences du passé



I
Hier, j’ai reçu de mon frère un document que je croyais perdu à jamais : la traduction que j’avais faite il y a quelques années déjà de Snuff Fiction du brave Robert Rankin. J’en avais fait mon deuil. Sa disparition était due à l’excès de confiance qui m’avait poussé à confier mon ordinateur en panne, afin qu’il le répare, à mon voisin qui se targuait d’opérer une rapide remise sur pieds de l’appareil défaillant. On ne nous apprend hélas pas dès l’enfance le sage précepte de Lao-Tseu selon lequel « Le voisin est un loup pour l’homme ».  Bien entendu, et malgré mes nombreuses requêtes je ne revis pas plus mon unité centrale que les outils que j’avais eu la folie de lui prêter.  Puisse cette charogne rôtir à jamais dans un cercle si spécial des enfers qu’il fut caché à Dante ! Ainsi des heures et des heures de labeur intense disparurent. Et puis me revint il y a quelques jours que j’avais transmis le fichier informatique de mon œuvre à mon frère afin qu’il m’exprimât son sentiment sur le livre. Je lui envoyai donc un mail lui demandant, si, par le plus grand des hasards, il n’aurait pas conservé trace de mon envoi. Et, miracle, alors que je n’y croyais pas vraiment, il le retrouva dûment gravé sur un disque ! Ainsi, vais-je pouvoir  le relire et éventuellement y apporter des corrections. Comme je ne suis pas chien, je vous en offre deux extraits du premier chapitre évoquant l’heureux temps du tabagisme décomplexé :

« C’est vraiment Mr Vaux qui nous a fait fumer. Bien sûr, à cette époque tout le monde fumait. Les stars comme les politiciens. Les médecins comme les infirmières. Les prêtres en chaire comme les sages-femmes au travail. Les footballeurs  s’offraient une Wild Woodbine à la mi-temps et on voyait rarement un marathonien franchir la ligne d’arrivée sans une clope au bec.
Quel beau souvenir que ces premières images de Sir Edmund Hillary  au sommet de l’Everest  tirant sur une Senior Service !
C’était vraiment le bon temps. »

« Dans le Nord du pays, où ils étaient évidemment plus éclairés, les enfant des écoles primaires étaient autorisés, et même encouragés à fumer en classe. Cela,  sans aucun doute, afin de les préparer à la vie au fond des puits, puisque à l’époque tous les hommes vivant au nord de la Wash1travaillaient dans les mines de charbon. Tandis qu’à Londres où j’ai grandi et à Brentford, où je suis allé à l’école, on n’avait pas le droit de fumer avant d’avoir réussi l’examen d’entrée en sixième et d’aller au lycée.
Aussi, comme le faisaient tous les enfants, nous fumions dans les toilettes pendant la récréation. Les toilettes étaient toutes équipées de cendriers fixés près du distributeur de PQ et une fois par jour, le responsable des cendriers faisait son tour et les vidait. Responsable des cendriers était un des meilleurs postes de responsable, vu qu’on pouvait souvent récupérer un bon nombre de cigarettes à moitié fumées, hâtivement écrasées quand la sonnerie de fin de récréation avait retenti, et dont on pouvait encore tirer quelques belles bouffées.
Il y avait alors des responsables pour tout. Un responsable du lait, un responsable de la craie, un responsable de l’encre, un responsable des fenêtres, chargé d’utiliser le long manche muni d’un crochet à son bout ; un responsable chargé de distribuer les manuels scolaires et de les récupérer ensuite. Il y avait le responsable de la voiture qui lavait la Morris Minor de la directrice ; le responsable des chaussures, chargé de cirer celles des instituteurs ; et bien entendu le responsable spécial qui s’occupait des besoins des maîtres masculins portés sur la pédophilie.
Moi-même, j’étais responsable des fenêtres, et si j’avais reçu une Livre pour chaque carreau cassé accidentellement et pour chaque raclée reçue en conséquence, j’aurais aujourd’hui assez d’argent pour employer un responsable spécial qui adoucirait les misères de ma vie déclinante. »
II
Il y aura bientôt treize ans que j’ai vu Derek pour la dernière fois. Nous fêtions son départ à la retraite et ma mutation du charmant endroit où nous enseignions. Deux événements patiemment espérés. Nous avons bien eu, au début, quelques échanges téléphoniques et puis la vie nous a fait dériver suivant des courants différents. Et voilà que ce matin, probablement suite à un rêve, je me réveille avec cette lancinante question : quel pouvait bien être le nom de famille de ce cher ex-collègue ? Impossible de m’en souvenir ! Il me semblait bien que ça devait être un prénom, mais lequel ? Me revint en mémoire un papier sur lequel je me souvenais avoir un jour noté ses coordonnées lequel avait été glissé dans un vieux carnet d’adresses retrouvé au fond d’un tiroir lors de ma migration vers les collines. Je trouvai ledit carnet. S’y trouvait ledit papier. Hélas, la seule identification qu’il signalait était « Derek » ce qui laissait le mystère entier. Toutefois, ledit carnet contenait une entrée indiquant une adresse plus ancienne laquelle s’accompagnait du patronyme. Je feuilletai ensuite ce recueil d’anciens contacts vieux de plus de vingt ans. Y figuraient parmi des adresses de services ou d’employeurs (j’en avais alors plusieurs) le nom d’amis, d’anciennes copines, totalement perdus de vue, certains morts depuis, et aussi, de gens tout à fait oubliés dont la présence sur ces pages était un total mystère. N’étant pas Modiano, je ne m’en souciai pas plus avant…


1 Grande baie située sur la côte est de l’Angleterre