Monsieur Dassault est accusé d’avoir acheté des votes. Ce n’est
pas bien. Pas bien du tout. Pour deux raisons. D’abord c’est immoral : en
achetant un vote on piétine un droit acquis de haute lutte par nos valeureux
pères. Ensuite c’est stupide car rien ne prouve que celui que vous avez
rémunéré votera comme il vous l’a promis. Pour cette dernière raison, s’il était prouvé
que le vieux Serge se soit livré à cette pratique honteuse, cela montrerait de
sa part une légèreté et une ingénuité peu compatibles avec son statut de chef d’une
grande entreprise. Il serait donc urgent qu’il quitte ce poste, ce qui ferait
grand plaisir au (plus très) jeune Olivier qui trouve depuis
belle lurette que son père tape l’incruste.
Le plus choquant, dans cette affaire, c’est que M. Dassault Père achèterait des votes avec son propre argent. Qu’il en
ait les moyens ne change rien à son inconséquence. Car normalement, dans toute
commune digne de ce nom, c’est avec l’argent public qu’on les achète, ces
fameux votes.
Prenons quelques exemples. Le maire d’une ville de 100 000
habitants, fait, pour quelques millions d’Euros, construire une magnifique
patinoire. Quelle proportion de la population se servira de cet indispensable
équipement ? Quelques pour cents en comptant très large. Il décrète la gratuité
de la cantine pour les enfants nécessiteux, crée une indemnité Nike pour les jeunes mal
chaussés, offre un week-end de rêve à
Vierzon aux membres du club du troisième âge et envoie pour leurs étrennes une
boîte de chocolats aux vieillards qui ne sauraient se déplacer (chocolats
basses-calories : l’opposition pouvant dans le cas contraire l’accuser de
tentative d’assassinat). En dehors de
quelques pisse-froids, tout le monde applaudit M. le Maire : il fait des
travaux, est social et à l’écoute des humbles. Ainsi, il se concilie les bonnes
grâces des inconscients qui ne réalisent pas que cette « générosité »
se fait avec leurs deniers et la reconnaissance de ceux qui en bénéficient, les
assistés conscients du côté où leur tartine est beurrée, renâcleraient à voter pour un candidat qui, sous le prétexte
futile d’un équilibre des finances municipales menacerait de limiter voire
supprimer ces avantages. Ce clientélisme
ne s’apparente-t-il pas à un achat de votes ?
Une élection se jouant généralement à pas grand-chose, il
suffit de satisfaire quelques pour cents de la population pour faire la
différence. Si on ajoute aux partisans
sincères, les masochistes bobos et les assistés, on a la formule « magique »
qui explique les succès municipaux de la gauche.
Toutefois, il y a des limites à ce type d’achat de
votes. Favoriser 3 ou 4 pour cents de la
population est social et bien vu. Si dans une commune on descend en dessous d’un
certain pourcentage de bénéficiaires, on bascule du louable clientélisme à l’odieuse
corruption. Exemple : au lieu de
faire bénéficier de sa munificence quelques centaines de citadins, le maire la
réserve à quelques dizaines de membres de sa famille, même si les sommes sont
dix fois moindres (ce qui rend la dépense identique) il se fera mal voir. Comme quoi la fonction d’édile requiert un
sens aigu du ciblage et du dosage.