Corto
mettait hier en doute l’intelligence de nos dirigeants. Et si c’était tout le
contraire ? Et si les atermoiements et pseudo-reculades relevaient d’une
stratégie ?
M. Vladimir Ilitch
Oulianov qui se fit un pseudo en se faisant appeler Lénine écrivit en 1904 un article
intitulé Un
pas en avant, deux pas en arrière en réponse à un texte de Mme Rosa Luxemburg
(la vraie, pas l’innommable) consacré à un sien opuscule. Je le recommande aux
insomniaques : ça marche même les nuits de tempête. Et si les socialistes appliquaient la stratégie
inverse ?
Ça peut paraître une curieuse manière de marcher, vu que la
meilleure est de mettre un pied devant l’autre et de recommencer, mais ça
fonctionne.
Prenons un exemple : Je souhaite donner le droit de
vote aux lapins angoras. J’annonce la prochaine adoption d’une loi en ce sens. L’idée
paraît choquante. Immédiatement, se produit une levée de boucliers de la part des anti-lapins.
Défilés dans les rues, sondages hostiles, discours rabiques de crypto-fascistes
opposés au progrès. Je feins de prendre
cette colère en compte. Le projet est profondément modifié : le droit de vote ne
sera accordé qu’à tout lapin (angora ou pas) pouvant justifier d’une maîtrise
parfaite du grec ancien ainsi que de l’hébreu et pour lequel la physique
quantique n’aura pas de secrets. L’opposition
ricane : projet ridicule, vu qu’un nombre infime de lapins (même angoras)
remplit ces critères. Seuls quelques
ronchons, opposants systématiques, s’insurgent pour le principe. Le texte est
donc adopté. Dans un deuxième temps, la ministre chargée de la lutte contre les
insupportables différences ou un obscur député divers gauche berrichon arrivent
qui avec un projet, qui avec une proposition de loi bannissant toute discrimination basée sur la connaissance
des langes anciennes ou les compétences scientifiques. Quoi de plus acceptable ?
Vu le niveau moyen d’éducation, il est difficile de réunir une majorité hostile
à un tel projet. Seul un nombre très restreint de personnes sagaces ayant fait le rapprochement entre les
deux lois protestent dans le désert : les médias les ignorent. Le second
texte est adopté et TOUS les lapins,
angoras ou non, obtiennent le droit de vote. Et Bébert est ton oncle !*
Il ne s’agit là que d’une métaphore mais la démarche, si
curieuse soit-elle, me semble avoir été utilisée avec bonheur ces dernières décennies par les tenants du
progrès pour faire passer en douce des
mesures qui n’auraient eu aucune chance d’être adoptées autrement, le premier
projet n’ayant pour but que de susciter le débat sur une question que l’on ne
se posait pas. Une fois le débat engagé, la question devient acceptable, obtient automatiquement le
soutien des partisans du progrès et
suscite l’opposition des conservateurs. Ces derniers étant généralement décrits comme
des personnes qui souhaiteraient voir les rivières remonter à leur source, il
est aisé de les ridiculiser et leur défaite est quasi-assurée. Ainsi va la vie en Modernie.
*Expression traduite de l’anglais « and Bob is your
uncle » expression d’origine inconnue se traduisant par « et voilà le
travail ! »