M. Thomas Legrand est intelligent. Très intelligent, même.
La preuve, il s’est vu confier depuis la rentrée 2008 un édito politique sur la
RSC™.
Ce grand travailleur est également responsable des pages politiques du magazine
Les Inrockuptibles, collabore au magazine en ligne Slate.fr et
participe au club de la presse du vendredi du Grand Journal sur Canal+.
Travailler plus pour gagner plus, il connaît.
Ce phare de la pensée politique m’a appris quelque chose sur
moi-même, pas plus tard que ce matin : j’ai un problème d’intégration !
Si l’on suit la pensée de ce savant homme (et pourquoi ne se
laisserait-on pas mener par ce lumineux guide ?) on a pu constater lors des
derniers scrutins qu’il existait une fracture entre les grandes agglomérations
qui votaient bien et les zones périurbaines et les campagnes qui votaient mal,
voire très mal.
Et pourquoi votaient-ils si mal ? Eh bien figurez vous
qu’ils se trouvent enfermés dans de nouveaux ghettos ! Des ghettos où l’on
n’a pas la chance d’avoir des immigrés et par conséquent où l’on n’a pas l’occasion
de se métisser. Cela crée un « Nouveau problème d’intégration »
celui « des Français de souche vivant dans des zones rurales ou périurbaines
sans étrangers et sans diversité ethnique ». Cette « France vieillissante [est]
effrayée par la représentation d’un monde urbain et métissé ».
J’ai donc un problème d’intégration. Et c’est bien ennuyeux. Parce que si après
bientôt 62 ans je ne suis pas parvenu à m’intégrer, il y a peu de chances pour
que j’y parvienne jamais. Quand on voit qu’un sans-papiers débarqué depuis huit
jours d’Ouagadougou est parfaitement intégré selon Thomas Legrand et ses amis,
c’est un peu décourageant. Jusqu’à ce que ce grand esprit me renseigne sur mon
triste état, je ne croyais même pas avoir à m’intégrer vu que je suis né ici,
que j’ai une maîtrise passable de la langue qu’on y pratique, un niveau d’études
acceptable et que j’ai travaillé
plusieurs décennies dans ce qui me semblait mon pays. Eh bien j’avais
tort !
Le problème est que M. Legrand raisonne, pour reprendre une
expression délicate que chérissait un mien oncle « comme un coup de
marteau dans la merde ». Je conçois qu’il ne soit pas aisé de trouver de
nouvelles conneries à sortir chaque jour et je ne lui jetterai pas la pierre.
Seulement, son opposition ne tient pas debout. Pour qu’elle ait un semblant de
début de validité, il faudrait que dans
les grandes agglomérations on vote bien à une écrasante majorité et que dans
les « départements du centre et de l’Est » tout le monde vote mal ou
très mal. Et que dans les deux cas ce ne soit qu’à cause de l’acceptation ou du
refus du métissage.
Contrairement à ce que cet éminent politologue semble
penser, les deux derniers scrutins n’étaient pas un référendum sur le métissage
mais concernait l’élection d’un président de la république. Mettons cette distraction bien pardonnable
sur le compte du surmenage.
D’autre part, M. Legrand oublie que ces fameuses grandes
agglomérations qui votent si bien, réunissent
en nombre suffisant des populations qui expliquent les résultats :
des bobos qui ont des idées assorties à
leurs revenus et à leur niveau intellectuel élevé (dernière caractéristique qu’ils
partagent avec les perroquets savants), nombre d’ assistés qui savent de quel
côté leur tartine est beurrée, des cohortes de néo-français, des bataillons de
fonctionnaires, bref, tout ce qu’il faut pour que la balance penche du bon côté.
De là à penser que les « analyses » de monsieur
Legrand relèvent plus de l’incantation gôchiste que de la science politique il
n’y a qu’un pas que je m’empresserais de ne pas franchir tant une telle idée
serait irrespectueuse pour lui et pour la RSC™ qui ne saurait employer que
des gens intelligents, d’une compétence et d’une honnêteté totales.