Or donc, hier, je fus à Vire. Eh bien,
je dois vous dire que les mœurs du Virois sont pour le moins
surprenantes. J'allais y subir un examen. Rien de bien nouveau pour
qui a passé 6 ans à l'Université. Pourtant je dois à la vérité
de dire que je fus surpris.
L'examinateur vint me chercher dans la
salle d'attente et m'amena dans une petite pièce dont il me demanda
de fermer la porte au verrou, ce qui éveilla ma méfiance. Ensuite
il me pria de me déshabiller. Je lui demandai de préciser de quels
vêtements je devrais me défaire. De tous, répliqua-t-il. Je lui
fis remarquer que nous ne nous connaissions qu'à peine. Pour toute
réponse, je n'eus droit qu'à un rire, même pas sardonique. Il faut
croire que de telles pratiques lui étaient familières. Docile, je
m'exécutai. Et passai une sorte de chemise en sorte d'intissé que
je déconseillerais aux Inuits d'adopter comme costume national.
L'être maléfique revint et, après un
bref passage au toilettes m'invita à m'allonger sur une espèce de
table, qui par la suite s'avéra coulissante et mener son prisonnier
faire des aller-retours sous un anneau parlant. Mais avant que ne se
déclenche ce système infernal, mon tourmenteur se livra sur ma
personne à des manœuvres dont la décence m'interdit de préciser
les détails mais dont le but avoué était de dilater mon côlon en y
introduisant force gaz carbonique. Je ne fus cependant pas pris en
traître vu que le bougre (le mot dans son acception littérale lui
convient parfaitement) me prévint que l'expérience serait
douloureuse.
Ensuite commença un curieux manège
où, après m'être tour à tour placé sur le dos, le ventre, le
côté droit puis le gauche, la table coulissa tandis qu'une voix
m'intimait l'ordre d'inspirer, de retenir ma respiration et en fin
d'aller-retour de respirer à nouveau. La séance ne dura qu'un quart
d'heure mais serait à classer dans la catégorie qualifiée de
« sale » parmi ces fractions d'heures. J'eus l'heureuse
surprise de retrouver l'intégralité de mes vêtement et les remis avant de sortir (on a sa dignité, que diable!). Mon
bourreau me demanda de me rendre dans la salle d'attente de l'entrée
afin que le bon docteur me communiquât les résultats. J'espérais
être reçu.
Quelques minutes après que je me fus
assis, une personne sortit du bureau du médecin. Je crus alors
innocemment que j'étais sur le point d'être invité à lui
succéder. Mais en fait l'attente se prolongea plus d'une heure
durant. A mesure que le temps passait, augmenta mon inquiétude.
Quelles insignes anomalies le praticien avait-il décelées ?
Avait-il contacté ses collègues pour qu'ils s'éberluassent sur
icelles ? Le retard qu'il mettait à me convoquer était-il dû
à la difficulté de totaliser les diverses lésions et autres
métastases qui peuplaient mon côlon ?
La porte s'ouvrit et l'homme de l'art
prononça mon nom avant de m'inviter à entrer. A la différence de
mon organe artificiellement dilaté, je n'en menais pas large. Le
brave homme commença par m'avouer qu'un anormal développement
musculaire et de nombreux spasmes avaient rendu l'exploration de la
partie basse de l'organe impossible mais que, vu que son collègue en
gastro-entérologie était, lors de sa tentative malheureuse
d'examen, parvenu à l'inspecter, je pouvais être rassuré :
aucun cancer, pas le moindre polype à signaler. La prise d'un
rendez-vous avec le prescripteur de l'examen était donc inutile.
OUF !
Cependant, avant de le quitter je lui
signifiai que tout cela était bel et bon mais que je ressentais tout
de même au quotidien et depuis des lustres certaines douleurs qui
sans faire que je me roulasse par terre n'en étaient pas moins
dérangeantes. Il convint que celles-ci du fait de la
dysmorphie des lieux et de la sensibilité de ses parois n'avaient rien d'étonnant
mais qu'en l’occurrence à part prendre son mal en patience on ne
pouvait rien y faire. Le syndrome du côlon irritable est un compagnon
fidèle dont on ignore l'origine comme le remède. Me voilà rassuré.
Je vais donc bientôt pouvoir rejoindre
la Corrèze pour m'y livrer aux plaisirs ineffables de la réfection
de plancher. Elle est pas belle, la vie ?