J'apprends avec étonnement
qu'afin de protester contre l'évacuation de la « Jungle »
de Calais ou la fermeture de la frontière macédonienne des
« migrants » se cousent la bouche. Ces malheureux
seraient Iraniens. Par delà la compassion qu'on peut ou non
ressentir vis à vis de ces braves gens impatients d'aller
s'installer dans des ghettos britanniques ou allemands, on ne peut
que se trouver intrigué par cette manière curieuse d'exprimer son
mécontentement. Ma surprise se mue en consternation quand je lis
dans Le
Parisien « huit migrants iraniens, selon deux
responsables associatifs et deux selon la préfecture, se sont cousu
la bouche avec des aiguilles et du fil. Une initiative renouvelée ce
jeudi par neuf Iraniens, sans que l'on sache si parmi eux certains
s'étaient déjà fait coudre la bouche la veille. La scène se
passait, au milieu d'un attroupement, devant des photographes et
cameramen, juste en face de l'abri de Médecins sans frontières.
Sur une pancarte, on pouvait lire en anglais «Est-ce que vous
allez nous écouter, désormais ?»»
Qu'ils aient été deux, huit ou neuf
ne présente guère d'intérêt. De même préciser que ladite
couture fut effectuée à l'aide d'aiguilles et de fil me paraît
superfétatoire car à part l'utilisation d'une machine, peu
envisageable vu la nature et la configuration des pièces à joindre,
c'est généralement à l'aide de ces deux éléments que ce genre
d'opération s'effectue. Ce qui est consternant c'est le texte de la
pancarte : avoir la bouche cousue empêchant de s'exprimer avec
clarté, on voit mal comment une telle action pourrait faciliter
l'écoute.
Le problème est donc au niveau
symbolique. Pour nous, l'expression « motus et bouche
cousue » est utilisée pour conseiller de taire un secret.
N'oublions cependant pas que les revendications des « migrants »
s'adressent aux Anglais qui ignorent une telle locution. Je me suis
donc mis en devoir d'apprendre quelle(s) signification(s) pouvait
avoir le fait de se coudre la bouche chez nos voisins d'Outre-Manche.
Selon Wikipedia,
version anglaise, cette curieuse pratique peut être motivée par
des raisons esthétiques (!) ou religieuses ou constituer une manière
de protestation. Vous pouvez grâce à elle vous donner une allure
de zombie, chasser l'ennui, favoriser votre méditation, ou montrer à
d'éventuels sceptiques que votre grève de la faim n'est pas du
bidon.
Dans le cas qui nous intéresse (ou
pas) il s'agit surtout d'impressionner. Les images bouleverseront les
âmes sensibles, en ce qu'elles les ressentiront comme une manière
désespérée d'exprimer une détresse abyssale. Reste à savoir si,
au-delà de l'apparence, ces travaux d'aiguille sont réellement
douloureux. Je me souviens, tout gosse, avoir assisté, à la fête
du quartier de l'Union à Sartrouville, au spectacle d'un « fakir »
qui se transperçait différentes partie du visage ou du corps à
l'aide de fortes aiguilles. Intrigué autant qu'impressionné et
toujours à l’affût d'une ânerie, je me mis en devoir de vérifier
si l'exercice était ou non pénible. Armé d'aiguilles, je pus
constater qu'on pouvait se transpercer les joues et bien d'autres
endroits sans douleur et sans, heureusement pour moi, la moindre
septicémie. Mon goût des expérimentations stupides s'étant
émoussé avec le temps, je ne tenterai donc pas de me coudre la
bouche. Je me contenterai d'exprimer des réserves sur le côté
réellement dramatique de l'opération.
Quoi qu'il en soit, l'important est
d'impressionner le bon peuple toujours avide de sensations fortes et
d'apitoiement. De ce point de vue, il semble que la manœuvre ait
réussi. S'il s'avérait que le geste est surtout symbolique et n'a
rien de particulièrement héroïque, on finira par s'en lasser. Il
faudra alors trouver du nouveau comme se broder les joues ou se
piquer le nez... Ira-t-on jusqu'à s'arracher les ongles ?
Permettez moi d'en douter.
"Ce qui est consternant c'est le texte de la pancarte : avoir la bouche cousue empêchant de s'exprimer avec clarté, on voit mal comment une telle action pourrait faciliter l'écoute."
RépondreSupprimerCertes Jacques, mais permettez-moi une hypothèse peut-être cousue de fil blanc: et s'ils étaient ventriloques ?
C'est en effet une possibilité !
SupprimerIls auraient mieux fait de se couper les "corones" ; comme cela les dames seraient"tranquiloues"
RépondreSupprimerEncore eût-il fallu qu'ils en eussent !
SupprimerPuisqu'il est permis de s'adonner à des commentaires improbables, j'oserai avouer que j'ai été interpelée par la taille des points. Je m'attendais à un "surjet" très serré des lèvres et non à ces points extrêmement lâches qui n'existent pas dans une couture digne de ce nom.
RépondreSupprimerChère Mildred, ignoreriez-vous le (point de) bâti ?
SupprimerC'est bien là où le bât blesse !
SupprimerOn ne peut pas avoir tous les talents !
SupprimerSerons-nous un jour contraints d'en découdre?
RépondreSupprimerQu'ils en décousent entre eux !
Supprimerc'est pas un beau travail, foi de brodeuse
RépondreSupprimerDu bois de fraudeuse ?...
SupprimerNon, vraiment pas !
Supprimer"Motus et bouche cousue", voilà qui nous rappelle bien les Dupond et Dupont ...
RépondreSupprimerEt c'est t'au cul que les bouses sont mouchues !
A propos de contrepèterie et de fakir, quoique cette profession soit plutôt indienne, il en est une le faisant venir à pied de la Chine !
Enfin un dernier point plus important encore: qu'en pense CharElie Couture ?
C'était un vieux sage, pas un guignol !
SupprimerCher Jacques,
RépondreSupprimersans trop vouloir encombrer vos aimables commentateurs et autres sympathiques lecteurs de mes pérégrinations voltaïques, il me plait d'avoir lu dans votre billet "superfétatoire", lequel mot avec "palanquée" me procurât deux bons amis à Ouagadougou ...
Meilleures pensées d'AOF !
(en espérant ne pas vous faire ainsi accuser de néocolonialisme aux relents nauséabonds ...)
Deux bien beaux mots !
SupprimerAOF et néocolonialisme ?
SupprimerAussi...
SupprimerDommage que Jean Lacouture ne soit plus là pour broder sur ce sujet ...
RépondreSupprimerEt pour traverser le Channel il faut de la haute-couture !
RépondreSupprimerToutes mes excuses, mais ce sujet m'inspire ...
RépondreSupprimerSauf avis contradictoire de notre spécialiste Boutfil, l'une des composantes essentielles d'une aiguille est son chas, à ne pas confondre avec le shah d'Iran, et ce même si l'aiguille perse !
Ravi de vous inspirer !
SupprimerEt ce n'est même pas cousu de fil blanc! On se demande vraiment où ces gens veulent en venir. Pour marquer encore bien plus les esprits je leur suggèrerais bien de se coudre également un autre orifice, au choix, bien sûr...
RépondreSupprimerAmitiés.
Ils en perdraient leur gaîté et ce serait bien triste !
Supprimerpour qui?
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