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Au joli temps de leur amitié |
Il est assez rares que je parle de mes
lectures. Car il m’arrive de lire ! Pas de manière compulsive
mais quelques dizaines d’ouvrages par an parfois. Seulement, peu
méritent qu’on s’y attarde. Il se trouve que j’ai eu la chance
d’en relire deux à la suite qui m’ont bien plu. Les deux sont
d’auteurs Sud-Américains. De pays où il semble qu’on se livre
encore à cet acte périlleux qu’est la vie. Mais venons en au
fait :
La
Tante Julia et le scribouillard, de Mario Vargas
Llosa :
Un
livre réjouissant et plus ou moins autobiographique où le prix
Nobel péruvien nous narre ses amours compliquées avec sa tante
Julia (en fait, la sœur de l’épouse d’un de ses oncles, désolé
pour les amateurs d’inceste !) et sa fréquentation du
scribouillard, auteur bolivien de feuilletons radiophoniques hanté
par l’écriture et la haine des Argentins. La structure du roman
est originale : Vargas Llosa y fait alterner ses récits
autobiographiques et ceux relatant divers épisodes des feuilletons de
son ami. Au départ, j’avais pensé qu’il s’agissait, comme le
faisait Dos Passos, d’histoires parallèles dont les différents
personnages finiraient par se rencontrer. Il n’en est rien. S’il
y a bien rencontres, c’est qu’au fil de l’évolution de la
folie du scribouillard ses histoires finissent par se mélanger :
les noms s’échangent, des éléments biographiques de l’un sont
attribués à l’autre et avant qu’il ne perde sa place et
finisse en psychiatrie, ses feuilletons se font incompréhensibles et
perdent leur audience. Si l’histoire d’amour d’un Mario de
dix-huit ans et de sa « tante » plus âgée n’est pas
sans rebondissement croquignolesques, notamment lorsqu’ils parcourent
le pays à la recherche d’un maire suffisamment irrespectueux des
lois pour les marier, ce sont les passages consacrés au graphomane
et à des feuilletons qui sont les plus réjouissants. Avant de
s’enfoncer dans les délires sus-mentionnés, l’auteur parsème
ses récits d’allusions fielleuses aux nombreuses tares qu’il
attribue aux Argentins, accusés, entre autres, d’être des
assassins par nature, d’ignorer tout de l’hygiène la plus
élémentaire, et d’avoir pour femmes d’infâmes putains. Je
pense qu’en écrivant ce récit, Vargas Llosa s’est régalé.
C’est ce que j’ai fait à le lire.
Le
Général dans son labyrinthe, de Gabriel Garcia Marquez :
L’auteur
de Cent Ans de solitude nous narre les derniers jours de Simon
Bolivar, entre son départ de Santa Fé, quartier de Bogotá, qu’il
fuit sous les quolibets après avoir démissionné de la présidence
et son ultime exil, la mort. Le « Libertador » qui a vu
son rêve d’une Amérique du Sud unie sombrer dans les rivalités
locales est malade, très malade. Il connaîtra des rémissions
avant de replonger puis, pour un temps, de sembler renaître. Le
lecteur risque, lui aussi, de se sentir dans un labyrinthe, tant les
palanquées de généraux et de colonels créent la confusion à la
manière des princes et des comtes de La Guerre et la paix.
Les références à des événements historiques de l’épopée du
Général qui ne nous sont pas familières participent à son
égarement. Mais qu’importe ? Au fil des étapes du voyage,
des rencontres, prétextes au rappel d’épisodes passés, se
dessine le portrait d’un grand homme sur sa fin, de ses colères,
de sa versatilité, de ses amours tumultueuses, de sa prodigalité,
de sa bravoure, de sa rouerie, de sa complexité se dessine un
portait. Portrait sans complaisance ni cruauté, aux antipodes de
l’hagiographie, brossé par un Garcia Marquez au meilleur de son
art. Un livre impossible à résumer comme peut l'être le parcours
du prisonnier d’un labyrinthe. Un livre riche.
En
guise de « bonus » :
Ces
deux prix Nobel de littérature furent neuf
ans durant copains comme
cochons. Jusqu’au jour où, dans
le hall d’un cinéma de Mexico, le 12 février 1976 pour être
précis, Le bon Mario mit
brutalement fin à cette belle amitié par un direct
en pleine face du vaillant
Gabriel. Problème
conjugal ? Différend
politique ? Nul ne le sait, les deux ex-amis ayant promis d’en
tenir la raison secrète. Garcia Marquez mourut sans rien en dire et
Vargas Llosa décida d’en faire autant et de laisser aux historiens
le soin de faire la lumière sur l’affaire. On dira ce qu’on
voudra, mais ces Latinos ont su conserver un certain art de vivre.
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Triste fin d'une amitié
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