Jeudi dernier, 22e jour du mois de décembre de l’an 2 du Covid, j’annonçai dans ces termes à ma fille Anna un événement marquant , du moins pour moi : « Cet après-midi, je me rendrai à Flers (une des villes où l'on vaccine le mieux au monde) afin d'y recevoir ma troisième injection. Si je n'en meurs pas, je pourrai donc à nouveau marcher la tête haute. Dans le cas contraire, j'irai au paradis. C'est donc avec confiance que j'affronterai cette épreuve ! ». Avec un humour tout étiennesque, elle me répondit : « Tu pourras marcher la tête haute au paradis en ayant allongé de manière substantielle l'apport pour l'achat de la maison* » Faire d’une pierre trois coups, je n’y avais pas songé :retrouver ma fierté citoyenne, parader au paradis et faire, sur Terre des heureux, peut-on rêver mieux ?
C’est donc l’âme légère que je me rendis au centre de vaccination. Ce ne fut pas une mince affaire : le centre ayant été transféré de l’hôpital au cœur de la ville et Noël approchant j’eus du mal à me garer. Après quelques tours d’un parking payant, je finis par y trouver une place mais au moment de prendre un ticket, je ne parvins pas à faire fonctionner la machine. Afin de ne pas être en retard à mon rendez-vous, je décidai de m’en passer et parcourus au pas de charge les 500m me séparant de la clinique où j’arrivai à temps.
Après que l’on eut contrôlé mes papiers, on me pria de me rendre dans une salle d’attente bondée où les mesures de sécurité avaient été oubliées. Je n’étais visiblement pas sorti de l’auberge et mon agacement fit place à une résignation morose. Je finis par être appelé pour l’entretien médical préalable à l’injection.
La jeune médecin, d’origine exotique, était bien jolie. Toutefois je m’aperçus vite que le jour où l’on avait distribué l’humour elle avait oublié sa gamelle. Avec le sérieux d’un employé des pompes funèbres en service, elle me fit un exposé très complet des conséquences parfois catastrophiques que pouvait avoir la piquouse. Ce n’était pas très rassurant, aussi lui demandai-je quelle était la fréquence de ces redoutables effets secondaires. Pour toute réponse, elle me déclara, comme je m’en serais douté sans son aide, que ça dépendait des personnes…
Ainsi rassuré, j’allai dans une pièce où une infirmière, souriante, elle, me piqua avant de s’enquérir de ma forme. Je sais que je ne suis pas de première fraîcheur mais de là à me cajoler comme un enfant peureux… Après le quart d’heure d’attente réglementaire destiné je suppose à vérifier que les vaccinés passaient l’épreuve sans tourner de l’œil, je pus rejoindre ma voiture, vérifier que je n’avais pas écopé d’une amende et reprendre la route.
Quatre jours ont passé depuis. Pas plus d’effets secondaires que de beurre en broche, si l’on excepte un état un peu vasouillard le matin de Noël mais que j’attribuerais plutôt aux libations accompagnant l’excellent repas de réveillon qu’avait concocté ma fidèle amie Nicole. J’ai donc, faute de paradis et de coup de pouce au projet immobilier d’Anna, simplement recouvré ma fierté citoyenne. Du moins jusqu’à la prochaine piquouse.
*Avec son mari, elle convoite une maison aux environs de Toulon.