A leurs yeux, l'existence n'est qu'une
longue et monotone suite d'événements prévisibles autant
qu'inintéressants. Ils n'ont pas ma chance, ou plus précisément,
ils n'ont pas celle de connaître ma banque et mon notaire.
Ma banque, pour ne pas la nommer, est
un établissement coopératif et mutualiste ayant pour cœur de cible
l'agriculture. Du fait de son implantation dans les milieux ruraux,
elle draine cependant une clientèle dont les connexions avec le
monde agricole sont anecdotiques. C'est mon cas. Mais venons-en aux
faits.
Tout commença en début décembre de
l'an dernier. Lassé, quand elles n'étaient pas nimbées de
brouillard, de voir tomber la pluie sur les collines, je décidai
d'aller voir si la regarder tomber sur les rues du gros bourg voisin
ne serait pas plus agréable. Je me mis donc en quête d'une nouvelle
maison. La deuxième que je visitai emporta mes suffrages. Ainsi
commença une aventure qui ne prit fin, du moins je l'espère
qu'hier. Presque huit mois plus tard.
Afin de financer partiellement ma
nouvelle acquisition, je décidai d'avoir recours à un prêt relais.
Ma bonne banquière me demanda donc une estimation notariale de mon
bien d'alors. Je me rendis à l'étude afin d'y prendre rendez-vous.
Hélas, le notaire étant débordé ne pouvait me rendre ce service
avant que deux semaines de congés de fin d'année n'arrivent. C'est
donc un mois plus tard que l'évaluation eut lieu. En y ajoutant le
délai de rédaction du rapport, la date de signature inscrite sur le
compromis commençait donc à paraître problématique. Mais ce
n'était qu'un début...
Lors du dépôt de ma demande de prêt,
il fallut remplir un questionnaire de santé en vue d'être assuré.
L'historique de mes problèmes cardiaques y fut donc retracé et le
dossier envoyé. Quelque temps après un courrier vint m'apprendre
que ma demande d'assurance avait été rejetée en première
instance. Mais un espoir subsistait car il existait des recours. On
pouvait être accepté au deuxième ou au troisième niveau de la
commission . Évidemment, cela entraînait des délais. La date de
signature fut donc repoussée sine die. La commission persista dans
son refus et finalement, tous les recours ayant été épuisés, mon
cas me sembla désespéré. Ma conseillère m'indiqua que la banque
faisait en des cas semblables appel à des courtiers et s'engagea à
me mettre en contact avec eux. Je reçus un peu plus tard des
documents à remplir mais il y apparaissait que l'obtention de
l'assurance était soumise à l'accord de cette même commission qui
avait rejeté ma demande. Je ne voyais pas tellement l'intérêt de
renouveler cet échec, sans compter que les tarifs d'assurance
proposés étaient prohibitifs. L'agent immobilier en charge de mon
achat s'impatientait, comme la vendeuse du bien. Il me proposa de
passer par son courtier. Je rencontrai la personne, mais elle ne
trouva pas de solution.
Des mois avaient passé et lassé, je
me résignai à voir la vente annulée, ce qui posait problème vu
qu'entre temps un acheteur avait signé un compromis pour l'achat de
ma maison. Pour en avoir le cœur net, je pris rendez-vous à la
banque et là ma conseillère m'apprit qu'il était possible
d'obtenir un prêt SANS assurance. La demande en fut faite et
acceptée. Début juin, la vente fut enfin signée. L'important
n'était-il pas d'enfin aboutir même si ça avait pris 6 mois ?
Mon client ayant obtenu son prêt, je
me hâtai de déménager et de mettre maison et terrain au top.
J'atteignis le 10 juillet, jour de la vente, dans un état
semi-comateux et décidai dès le lendemain de prendre la route de la
Corrèze où ma fille et son ami devaient venir passer le week-end du
14 juillet. Je croyais y trouver la paix mais, alors que je faisais
une sieste réparatrice, le téléphone sonna.
C'était ma directrice d'agence
bancaire qui, sur un ton peu amène, m'annonça que le notaire ne
pouvait virer les fonds de ma vente, vu que la maison était
hypothéquée. J'avoue que la nouvelle me parut, dans mon
demi-sommeil, incroyable. Elle me parla d'un prêt d'une quarantaine
de milliers d'euros ainsi garantis et c'est tout juste si elle ne me
traita pas d'escroc. Je le pris très mal, lui demandai des
précisions et lui dit que je la rappellerais après avoir regardé
mes comptes. Je pus constater qu'en 2011, j'avais bel et bien soldé
ce crédit et pris donc contact avec mon ancienne caisse afin d'en
savoir plus sur cette affaire. L'employée qui me répondit me promit
de me rappeler une fois qu'elle aurait obtenu des précisions du
siège. Quelque temps après, nouvel appel : ma banquière,
ayant pris contact avec le siège de mon ancienne caisse, s'était vu
confirmer que l'emprunt en question avait bien été remboursé mais
que l'hypothèque l'accompagnant n'avait jamais été levée, personne
ne m'ayant à l'époque parlé de ce détail. Après que je lui eus
vertement signalé mon mécontentement concernant la manière dont
elle m'avait parlé, elle me dit avoir envoyé au notaire, seul
habilité à le faire, un mail lui demandant d'opérer la levée de
l'hypothèque et m'en fis parvenir la copie. Moins d'une semaine plus
tard je reçus la partie des fonds me restant après remboursement du
prêt relais. Pour moi tout était bien qui finissait bien. Sauf
que...
Hier midi, le téléphone sonna.
C'était ma chère banquière qui me demanda de régler mon prêt à
court terme. Ne comprenant pas pourquoi elle me proposait cette
action et pensant qu'elle me parlait du crédit de ma voiture, je lui
dis que ce n'était pas dans mon intention, que j'envisageais plutôt
de solder le crédit de ma maison de Corrèze mais que de ça non
plus je n'étais pas sûr... C'est alors qu'une nouvelle fois je
sentis le sol se dérober sous mes pas : elle me déclara
vouloir rembourser mon crédit relais avec les fonds de mon compte
courant. J'hallucinai. Je lui expliquai que le notaire ne m'avait
viré que le reliquat de la vente et que je ne comptais nullement payer
deux fois mon emprunt. Je lui demandai de vérifier mes dires sur mes
comptes et sur ceux de la banque, trouvant curieux qu'on ait pu lui
virer 40 000 € sans qu'elle s'en aperçoive. Après vérification,
elle constata que le notaire avait bel et bien viré la somme sur un
compte provisoire sans l'en prévenir et qu'elle s'employait donc à
régulariser le tout. Quand je lui signalai que grâce à cela
j'aurai continué de payer des intérêts sur une somme depuis une
quinzaine de jours remboursée, elle m'annonça un geste commercial
qu'elle fit. Ainsi semble s'être terminée l'aventure à moins que
banquière et notaire ne me mitonnent de nouvelles surprises...
Comme quoi les banquiers négligents et
les notaires ne faisant pas les vérifications élémentaires font le
sel de la vie.