Parmi les animaux qui peuplent la
cuisine, le lave-vaisselle est, après le mulot, le plus
redoutable. Au premier abord il semble plutôt agréable et de bonne
compagnie. En effet, il permet de conserver à la cuisine un certain
ordre en dissimulant assiettes, plats, verres couverts et autres
ustensiles qui, s'ils s'étaient entassés sur le plan de travail ou
dans l'évier auraient fini par faire négligé. Seulement, l'animal
a un grand défaut : il s'emplit vite et une fois plein on n'a
pour toute solution que celle de le faire tourner car tasser la
vaisselle à tendance à la briser. Il fait donc son travail et plus
ou moins longtemps après il annonce à coups de Bip-bips hargneux
que sa mission est terminée. Pour cette raison, pas question pour
moi de le faire fonctionner de nuit car le bougre me réveillerait.
Après avoir ouvert la porte pour
éviter que la vapeur qu'il contient ne se condense sur son contenu
et avoir attendu que ce dernier refroidisse il faut bien se résigner
à s'attaquer à l'une des corvées les plus redoutables auxquelles
l'homme (au sens générique car, me dit-on, certaines femmes s'y
verraient elles aussi contraintes) soit soumis : le vider.
Certes, on peut retarder ce moment. Mais une trop longue attente
aurait pour effet de voir la cuisine bien vite encombrée de
vaisselle sale ce qui est insupportable à tout homme sérieux. La
mort dans l'âme, on se résigne donc à vider l'animal, tâche
harassante qui, à moins que l'on ne soit Vishnou, implique moult
aller-retours, bras chargés, entre le monstre et les divers tiroirs,
placards et buffets où se range son contenu. Mais là n'est pas le
pire : dès que l'on a terminé d'évacuer la vaisselle, on
commence à le charger à nouveau avec au bout du compte la
perspective d'un renouvellement de l'abominable corvée.
Curieusement, il est rarement fait
mention dans la littérature moderne des affres dans lesquels le
lave-vaisselle plonge l'être humain. Rares sont les éloges funèbres
où parmi les hauts faits du défunt soit cité l'abnégation ou le
zèle avec lequel il s’acquittait de cette tâche. A ma
connaissance nul n'a jamais reçu la moindre décoration pour avoir
accompli pareil exploit. Et pourtant...
La solution serait que soit mis au
point un système d'auto-vidage et de rangement automatique dont on
équiperait l'animal. Seulement qui y travaille ? On préfère
faire des recherche sur la voiture qui se conduit toute seule !
Ce qui démontre, s'il en était besoin, la futilité de notre
société mercantile. On pourrait aussi envisager de former un corps
municipal, départemental ou national de videurs qualifiés qui
iraient de logement en logement accomplir cette tâche mais, plutôt
que de s'attacher à résoudre les vrais problèmes, les élus
préfèrent traiter des questions secondaires. Pauvre France !