La gauche fut un temps plurielle. Ces
derniers temps, elle l'est un peu moins mais elle en a gardé une
certaine aversion pour le singulier. C'est pourquoi, le ministère de
la famille, vu qu'il y a plusieurs types de familles (homoparentales,
monoparentales, tuyau de poêle (celles où tout le monde
s'emmanche), régnantes, recomposées, décomposées, surcomposées,
traditionnelles, etc.) est devenu Ministère des Familles, de
l’Enfance et des Droits des Femmes. Curieusement, enfance est
demeuré au singulier alors qu'il est indéniable qu'existent
diverses enfances (heureuses, malheureuses, de Charlemagne (clin
d’œil!), où l'on retombe, etc.).
Mais ne boudons pas notre plaisir :
un gouvernement qui reconnaît la multiplicité des composantes
regroupées sous un terme générique ne peut qu'être loué.
Seulement, ses méritoires efforts ne vont pas jusqu'au bout de leur
logique.
Par exemple, il existe un Ministère du
Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue
Social. Comme s'il n'existait qu'une sorte de travail, d'emploi, de
formation professionnelle et de dialogue social ! Le travail
peut être pénible, enrichissant, forcé, manuel, intellectuel, à
domicile, de romain, sur soi, de deuil, à temps partiel... Quand aux
emplois qu'il soient du temps, fictifs, précaires, stables ou
autres, nier leur variété est un peu léger. La formation
professionnelle peut être initiale, continue, qualifiante,
uniquement-destinée-à-donner-l'impression-d'une-inversion-de-la-courbe-du-chomage-en-transférant-des-chomeurs-de-la-catégorie-A-à-la-catégorie-D... Le dialogue social connaît lui aussi des variantes : traiter
des problèmes autour d'une table n'est pas comme le faire en
poursuivant des cadres dont on arrache les chemises.
Peut-on parler d'une Éducation
Nationale comme si celle qu'on reçoit dans un lycée de quartier
sensible était semblable à celle que dispense Henri IV ? Pour
refléter les disparités du système ne pourrait-on pas supprimer le
terme « Nationale » et parler d' « Éducations » ?
Parmi les ministères susceptibles de
connaître une salutaire pluralisation, je citerai, pour des raisons
que vous devinerez aisément, ceux de la justice, de l'Économie, de
la ville, de la fonction publique, de la culture et de la
communication, de l'agriculture, du logement et de l'aménagement du
territoire. Pour l'Outremer, c'est fait.
Dépêchons-nous de pluraliser car une
telle réforme, aussi fondamentale qu'urgente, permettrait à notre
révéré Président d'occuper dans les mémoires de la France, de
l'Europe, du Monde et de l'Univers une place encore plus prestigieuse
que celle qu'il y a déjà obtenue par ses insignes mérites.