En ces temps où les questions
régionales passionnent mes compatriotes, je voudrais évoquer un
pays où une politique régionale audacieuse montre s'il est besoin
qu'on a tout à gagner en assurant aux autorités locales une totale
liberté de manœuvre. Je veux, vous l'aurez deviné (surtout si vous
avez lu le titre), parler de la Corée.
La Corée est souvent surnommée « Pays
du Matin Calme » (朝鮮 en
hanja, est-il besoin de le préciser ?). En fait, c'est suite à
une erreur de traduction car en réalité, vous aurez rectifié de
vous-même, il faudrait dire « Pays du Matin Frais », ce
qui, reconnaissons-le, est plus tonique que, par exemple, « Pays
du Lendemain de Cuite ».
Située sur une péninsule nommée par
paresse intellectuelle « Coréenne », quelque 72 millions
de Coréens (car c'est ainsi que nous nommons ses habitants alors
qu'ils s'appellent entre eux « Han »*) s'entassent sur
220 000 km2, avec une densité particulièrement élevée dans le
sud. Baignée à l'Ouest par la Mer Jaune et à l'Est par la Mer du
Japon, ce charmant pays est généralement montagneux. Des fleuves
d'une longueur qui fait sourire, voire s'esclaffer, ses voisins
russes et chinois parcourent des vallées boisées avant d'atteindre
la mer. Le point culminant, nommé Mont Paektu atteint plus de 2700
m, ce qui n'est pas si mal vu l’exiguïté du territoire. Comme
bien des pays de l'hémisphère nord il y fait plus chaud au sud
qu'au septentrion lequel est frontalier de la Sibérie et de la Chine
du nord, régions où le nudisme a du mal à s'imposer, surtout en
hiver. Cette proximité explique qu'y vivent des animaux exotiques
comme le tigre, le daim, l'antilope, le léopard, la panthère, les
ours bruns et noirs (dont les femelles, comme nous le verrons, font
après transformation d'excellentes épouse), le tigre, la zibeline,
le cerf et la sarcelle du lac Baïkal.
L'histoire de la Corée est longue et
semée d’embûches. C'est, selon la légende, en 2333 avant notre
ère qu'elle fut fondée par un certain Dangun, fils de Hwanung et
d'une ourse transformée en femme (phénomène si ordinaire là-bas
que certains impatients, n'attendant pas la transformation, se
retrouvent, bien que ravis, profondément griffés et mordus après
leurs ébats). Ensuite, comme bien des pays, elle connut moult
problèmes avec ses voisins (Chinois et Japonais) qui eurent une
fâcheuse tendance à l'envahir et à l'annexer, illustrant ainsi la
maxime de Lao Tseu : « Le voisin est un loup pour
l'homme » laquelle s'applique également aux Anglais et aux
Allemands comme nous avons pu le constater maintes fois à notre
grand dam. Sans entrer dans de fastidieux détails, venons-en à
l'époque moderne et à la politique de régionalisation que
j'évoquais plus haut.
Celle-ci commença en 1945 quand,
libéré du joug nippon, le pays se trouva scindé en deux parties,
le Nord se trouvant sous l'influence de l'URSS (alors bénignement
dirigée par le brave Joseph Djougachvili dit Staline) et le Sud
peinant sous le joug d'un gouvernement fantoche vendu à la cause de
l'impérialisme américain. Désireux d'assurer le bonheur de la
région sud, les nordistes, aidés par leur voisin soviétique, se
lancèrent dans une guerre de libération. Hélas, les tenants de
l'asservissement au capitalisme Étasuniens furent épaulés par le
Grand Satan et après quelques années les gens du Nord (qui en Corée
n'ont pas dans leurs yeux le bleu qui manque à leur décor, preuve
que les vérités d'Enrico Macias n'ont qu'une portée locale)
renoncèrent à aider ceux du midi**. Les deux régions poursuivirent
donc leur chemin, qui vers la sagesse, qui vers la folie.
Au Nord, on a bien compris que
« L'argent ne fait pas le bonheur ». On y mène
donc une vie saine et frugale avec parfois même de ces légères
famines propres à détourner de manière définitive le citoyen des
biens matériels. « Pour vivre heureux vivons cachés »
n'y est pas un vain proverbe. C'est pourquoi on ne possède
pratiquement pas de données économique sur la région. Probablement
pour épargner aux voisins un sentiment d'envie. A sa tête se trouve
le petit fils du premier président du Conseil Régional car, afin
d'éviter les clivages qui font tant de mal et les dégâts que
provoquent l'arrivée de dirigeants inexpérimentés et extérieurs
au sérail, le parti unique a choisi la transmission héréditaire du
pouvoir. Ce beau, quoiqu'un peu replet, jeune homme, grâce à une
coupe de cheveux avantageuse est quasi-irrésistible : toutes
les Coréennes (surtout au Nord) et la plupart des ourses en sont
folles ! D'humeur taquine, il menace de temps à autre les
États-Unis d'une attaque nucléaire. Ce caractère enjoué ne
l'empêche pas, quand nécessaire, de se montrer rigoureux comme ont
pu le constater son entourage et sa famille. Résultat : les
nordistes vivent dans un pays de rêve, distraits par des défilés
militaires et n'hésitent pas, lors de manifestations aussi
spontanées qu'impeccablement ordonnées à exprimer leur
reconnaissance à celui qui assure leur bonheur**.
Il n'en va hélas pas de même au Sud :
ils n'ont même pas de bombe atomique ! Pour se consoler, ils se
livrent sans retenue aux délices frelatées de la société de
consommation, vice que leur permet leur gras PIB. Selon des
statistiques probablement truquées**, en termes de PPA, la région
Sud serait la 12e puissance économique mondiale et son revenu par
habitant n'aurait rien à envier à celui des Européens. Tout cela
parce qu'il produisent et exportent en masse des biens matériels.
Durant les années 70, le pays exporta également des orphelins qui
devinrent parfois ministre de la culture ou sénateur EELV, notamment
en France. Privés du culte du leader, les Sudistes continuent de
chérir des superstitions étrangères comme le christianisme ou, à
un moindre degré, locales comme le bouddhisme même si 43% se
déclarent athées sans y être contraints.
J'espère que ces quelques
informations, même si les situations de la France et de la Corée ne
sont pas tout à fait identiques, vous aideront à prendre conscience de
l'importance capitale des enjeux régionaux. L'avenir de votre région
et donc votre bonheur dépendront de la justesse de votre choix :
ne le faites pas à la légère !
*Du nom d'une ancienne tribu du sud de
la péninsule. Ce terme n'a rien à voir avec les « Han »
de Chine pas plus qu'avec Sainte Anne, grand-mère du Christ et
patronne de la Bretagne.
** Je dois ces informations à M.
Mê-Lan-Chong, historien et fin lettré d'origine communiste et
peut-être un peu chinoise dont l'objectivité scientifique ne
saurait être mise en cause.