Voilà-t-il pas qu'on apprend que la
bidoche et les rillettes, ça vous tue raide comme balle. C'est à
vous coller une trouille bleue ! Vous ne vous rendez peut-être
pas compte mais dans le monde 84 000 personnes succomberaient tous
les ans, victime du sauciflard, du pâté et de l'andouille ! Je
ne sais pas combien de gens meurent chaque année dans le monde mais
ça doit quand même faire beaucoup plus. Si ça se trouve, il y en a
même bien plus qui meurent de faim, allez savoir... Mais quand même
84 000, c'est pas rien. Pour prendre des comparaisons idiotes comme
en raffolent les journaleux, c'est l'équivalent d'une agglomération
moyenne ou de 2000 cars de tourisme emmenant un club du troisième
âge en ballade ! Et pour ces victimes du jambon serrano, du
cervelas ou des rillons, pas d'hommage présidentiel, aucun deuil
national !
Il était temps qu'un nouveau drame
vienne faire le buzz. Les brûlés du week-end commençaient à
sentir le réchauffé. Eh bien on nous en v'là un et un beau !
Moi qui vous parle, après cette annonce, quand je suis allé faire
mes courses chez Leclerc, j'ai eu du mal à réprimer le frisson qui
me parcourut l'échine lors du passage dans les rayons boucherie et
charcuterie. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'en s'emparant d'une
barquette de bourguignon ou d'un saucisson à l'ail ma main
tremblait, mais on n'en était pas loin. Et puis des pensées
rassurantes sont venues calmer mes alarmes : qu'est-ce que ça
peut bien faire à quelqu'un qui depuis des décennies fume comme un
pompier et dont la consommation de whisky et de pinard booste les
statistiques de voir ses chances de survie légèrement diminuées
par la consommation de cette chair animale qu'il aime tant ?
Je dois reconnaître que mon hygiène
de vie est particulièrement déplorable. Je ne serais qu'à moitié
étonné si dans les décennies qui viennent (et peut-être même
avant qu'une nouvelle ne se soit écoulée) je ne me voie adresser la
facture à payer sans délai. Eh bien, s'il faut partir, je partirai.
Ça ne me fait pas plus peur que ça. Faudra voir au pied du mur...
N'importe comment, on a vu des gens éviter bien des choses par
lâcheté mais jusqu'ici aucun ne s'est montré suffisamment lâche
pour éviter la mort.
Et puis il faut bien le dire cette
manie moderne qui pousse à aspirer à une vie saine censée mener à
une heureuse longévité m'agace particulièrement. On veut faire de
nous des gens bien propres, bien nets, sans aspérités, standards,
sains, des clones ne se différenciant que par leurs orientations
sexuelles, l'équipe de foot qu'ils « supportent » (je
n'en supporte pas plus que je n'en soutiens) ou d'autres foutaises.
Cette tendance de plus en plus marquée m'insupporte : excessif
je suis, ai été et resterai tant que je serai libre de l'être. Si
je devais un jour me trouver privé de cette liberté pour une cause
quelconque, il ne me resterait plus que le malheur.
Alors les steaks de 80 g, bouillis de
préférence, qu'on s'autorise une fois la semaine, je les laisse aux
amateurs. Je continuerai à les préférer trois fois pus gros et
grillés. Cancérogènes ou pas. Après tout si on fait tout ce qu'il
faut pour l'obtenir, le cancer n'est qu'une juste récompense. Ce
n'est pas faute d'avoir été prévenu, c'est faute de trouver le
moindre intérêt au style de vie qu'on préconise.