Je me vois contraint de l’admettre : à force de ne
prêter qu’une oreille distraite aux propos de notre inestimable président, je
finis par passer à côté d’enseignements fondamentaux. Toutefois, il est des
formules qu’à moins d’être plus sourd qu’un pot on ne peut que retenir. Ainsi,
notre cher M. Hollande a-t-il déclaré lors d’un échange particulièrement fructueux avec des lecteurs du Parisien : « C'est un échec collectif quand un parti
d'extrême droite est le premier parti de France » avant d’ajouter : « cela
ne veut pas dire que ceux qui votent pour le FN soient convaincus par ses
thèses ».
Comme souvent, Notre vénéré président soulève une question
fondamentale. Qu’est-ce qui fait qu’on vote pour tel ou tel parti ? Une
des raisons peut être qu’on a trop bu et/ou qu’on a oublié ses lunettes. Après
avoir à tâtons saisi les différents bulletins, on se retrouve dans l’isoloir et
faute de bien les distinguer on en glisse un au hasard dans la petite enveloppe
bleue. La dyslexie explique, elle aussi bien des votes. Quand on en est affecté,
l'apparente paronomase entre Sarkozy et Hollande justifie certaines
confusions. Parmi les motivations des votants peuvent entrer le désir cruel de
faire de la peine à ceux pour qui on ne vote pas ou à ceux qui ne votent pas
comme nous, la démence sénile, un besoin de se démarquer du troupeau en
choisissant celui qu’on donne perdant, la distraction qui fait qu’au lieu d’un
bulletin blanc on glisse dans l’enveloppe celui, à l’envers, d’un candidat abhorré.
Toutefois, comme il est probable que la proportion d’ivrognes, de myopes, de
dyslexiques, de cruels, de déments, d’originaux ou de distraits est égale dans
chacun des camps, en cas de duel les conséquences de ces votes ne sont pas
déterminantes.
Quittons le domaine des erreurs et des sentiments pour celui des
motivations sérieuses. Le physique du candidat peut être déterminant. Quoique,
vue l’offre… On peut aussi choisir son poulain en fonction de l’inintelligibilité
de son discours. Pour beaucoup d’intellectuels autoproclamés obscurité et
bafouillage sont les deux mamelles de la compétence. On peut encore être séduit
par des promesses de lendemains qui chantent, même si l’amnésie n’est pas un
mal très répandu. On peut enfin voter pour une personne ou un parti parce qu’on
est « convaincu par ses thèses », comme disait l’autre. Pour cela, il
faudrait non seulement les connaître mais aussi que ces dernières soient plus
ou moins constantes.
On ne peut donc qu’approuver M. Hollande : ceux qui votent pour le
FN ne sont pas nécessairement convaincus par ses thèses. Pas plus que ne le
sont ceux qui votent PS, PC, NPA, UMP, UDI, MoDem, etc. S’il n’a pas inventé le
fil à couper le beurre on peut donc lui faire confiance lorsqu’il énonce la
recette de l’eau tiède. Ce qui est étonnant dans ces conditions, c’est que
ladite non-adhésion devienne à ses yeux un
« échec collectif ». En seraient donc à blâmer l’ensemble de la
classe politique française traditionnelle et ses relais médiatiques, coupables
qu’ils seraient d’avoir failli à attirer vers eux les non convaincus.
Il doit bien y avoir une raison à cela, non ? Je vous laisse y réfléchir.
En attendant, pour qu’ils ne soient pas venus ici pour rien, j’offre aux
anglicistes une petite récréation qui prouve que quand on est brillant on
l’est en toute langue :