Depuis neuf jours, une disparition inquiétait la Réacosphère :
qu’était-il advenu du sage des collines ? Privés de leur dose quotidienne
de matière à penser, certains esprits se mirent à échafauder d’épiques ou
dramatiques hypothèses : Aurait-il, comme Elvis, été enlevé par les
extraterrestres ? Son goût de l’exploration l’aurait-il conduit en quelque
étrange contrée dont on ne revient pas ? Un pseudo-agent immobilier, sous prétexte
de visiter une longère au prix modique l’aurait-il attiré en quelque guet-apens
suite auquel il mènerait la triste vie d’esclave sexuel des jeunes et jolies
filles d’un potentat moyen-oriental ? Serait-il décédé d’une maladie aussi
fatale qu’inconnue et soudaine ? Aurait-il péri noyé lors de l’inspection
du système d’assainissement d’une fermette ?
Eh bien, je dois à la vérité de dire qu’aucune de ces
explications n’est la bonne. S’il est vrai que ma traque d’une nouvelle demeure
a monopolisé beaucoup de mon temps, celle-ci ne s’est soldée par aucun
enlèvement ou mortel accident. Rien que les légères déceptions qu’implique la
rencontre entre rêve et réalité. Un autre élément est venu m’éloigner du
clavier : grâce à la générosité de ma compagne qui ne saurait posséder un
avantage sans me le faire partager, j’ai contracté un état grippal qui m’a, une
fois que remise sur pieds elle avait rejoint ses pénates, permis deux jours
durant de me trouver cloué au lit avec une fièvre de cheval, alternant avec
bonheur claquements de dents, tremblements et sensations de chaleur et de froid
intenses. L’alerte passée, j’en sortis incapable de taper un mot sans qu’il
comportât plusieurs fautes de frappe et doté d’un moral d’autant plus bas que l’agent
immobilier venu estimer ma maison n’avait fait que confirmer mes craintes sur
le peu de rentabilité de mon investissement. D’un autre côté, il eût été
étonnant que j’aie été le seul à être épargné par l’effondrement des prix de l’immobilier.
On vend à perte, mais on achète à des gens qui en font autant : l’un
compense l’autre.
Ces menus désagréments surpassés, mon claviotage devenu
moins erratique, me voici donc en mesure de reprendre mes bavardages tout en
poursuivant quête et démarches en vue d’un changement de lieu…