M. Sarkozy avait jugé en 2007, lors de l’installation de son
nouveau président, que les magistrats de la cour de cassation manquaient de
diversité. Qu’ils n’étaient pas plus dissemblables que des petits pois. Mal lui
en prit ! Rendez vous compte. Des gens aussi prestigieux et sages que,
pour prendre un exemple au hasard, M. Bilger comparés à ce légume ! Ce
dernier semble en avoir tenu rancune à l’ex-président. Et c’est compréhensible.
Avoir un cheveu sur la langue est déjà désagréable mais quand en plus on se
retrouve avec un petit pois au travers de la gorge, c’est plus qu’il n’en faut
pour embarrasser les capacités d’élocution d’un homme.
Mais ce n’est pas sur ces pois-là que portera ma causerie du
jour. Je traiterai du légume. Il m’arrive fréquemment de me montrer critique envers
certaines maladresses du Créateur. La couleur verte des pois et des haricots
permet à ces deux légumes de se mieux dissimuler parmi le feuillage de la plante
qui les porte, en compliquant la récolte. Il eût été plus judicieux de leur donner une teinte contrastant
avec le reste du plant. Surtout que tomates, fraises et autres framboises montrent
clairement les avantages d’une telle idée. Mais passons… Une autre aberration
de la nature est la mouche qui vient pondre sur la fleur du pois et dont les œufs
éclosent dans la gousse, libérant une larve qui se met en devoir de dévorer à
belles dents (métaphore !) son contenu. A quoi pensait le créateur quand
il a conçu cet insecte ? A procurer à l’homme un plat complet associant un
complément carné au légume ?
Toujours est-il qu’il n’a fait que compliquer la vie de ceux qui refusent
l’asticophagie. J’en suis.
Ce matin, je me suis livré à la double corvée du ramassage
et de l’écossage subséquent du pois. Une heure et demie de labeur m’ont permis
d’obtenir, au mieux, l’équivalent de deux boites de conserve de la précieuse
légumineuse. Si on prend en compte le temps pris par le labour, le hersage, le
ratissage, le semis, les binages, le prix de l’outillage et des graines, le
potager apparaît comme une activité peu rentable. Quand j’entends que la crise
pousserait de plus en plus de gens à jardiner afin d’économiser sur les
légumes, ça me laisse pour le moins perplexe. Les divers parasites, maladies,
intempéries rendent l’aventure bien hasardeuse. Beaucoup d’efforts et
un peu de dépense peuvent très bien mener à un résultat nul.
En fait, jardiner est un loisir. Bien moins onéreux que le
casino, les sports mécaniques ou le golf. La satisfaction qu’on en tire est de
pouvoir déguster des légumes d’une fraîcheur et d’un goût incomparables. Le
pois que l’on récolte sans attendre qu’il ait atteint sa pleine maturité (et
accessoirement que l’asticot ait fini de le bouloter) demande peu de cuisson, s’avère
d’une tendreté insigne et n’est point farineux. La pomme de terre nouvelle
arrachée juste avant d’être cuite est délicieuse. Chercher son équivalent dans
le commerce est illusoire, quel que soit le prix que vous y mettriez. Quant aux
tomates ou aux haricots verts du jardin, les comparer à ce qu’offre un marchand
de légumes serait leur faire insulte.
Tout cela est bien dérisoire, certes. Mais bon, tant d’efforts
pour de si brefs moments de plaisir, n’est-ce pas une métaphore de la vie ?