J’apprends avec une joie profonde que le Fest noz (prononcé
fechnoz en trégorrois) vient d’être inscrit à la liste du patrimoine immatériel
de l’humanité. La torpeur du Breton qui sommeille en moi en est toute secouée.
Une telle reconnaissance est amplement méritée.
Que serait l’humanité en effet sans ces merveilleux moments de liesse où,
le soir venu, jeunes et moins jeunes se
lancent dans des jabadaos, gavottes et autres an-dros endiablées tandis que les chanteurs de
kan ha diskan s’époumonent, que les
sonneurs sonnent et que Chouchen et
Coreff coulent à flot ?
Quand je pense que pour beaucoup de mes lecteurs certains
mots que je viens d’écrire sont autant d’énigmes, le découragement me saisit
tandis que s’éveille en moi l’espoir que la reconnaissance par l’UNESCO de l’immense
intérêt que présentent ces fêtes de nuit
palliera rapidement ces lacunes tant en France
que dans le reste du monde.
Il est toutefois une coutume nationale, de laquelle
participe largement celle-ci-dessus évoquée, qui mériterait également d’accéder
à la reconnaissance universelle : je veux parler de la cuite à la française. Il serait d’autant plus urgent de s’en
occuper que quoi qu’on en dise elle est menacée. En effet,
notre consommation d’alcool s’est dramatiquement réduite ces dernières
décennies. On m’objectera que les jeunes pratiquent le Binge drinking assurant
ainsi la pérennité de la cuite. L’argument ne tient pas. Comme son nom l’indique,
cette pratique qui consiste à absorber un maximum d’alcool en un minimum de
temps afin d’atteindre l’ivresse nous vient de la perfide Albion.
La Cuite à la Française
(ou CALF*) est tout autre chose. Il
ne s’agit pas de se mettre en position de vomir ses tripes dans le caniveau ou
sur l’élue de son cœur au plus vite mais
de monter en puissance de manière raisonnée afin d’atteindre un état d’ébriété
satisfaisant et ensuite de s’y maintenir. Une bonne cuite se doit de durer
plusieurs heures, plusieurs jours, voire plusieurs décennies comme certains grands
anciens ont su ont su nous le montrer. Le tout étant d’éviter, comme le
proclame la chanson, de
rouler dessous la table. Il se peut qu’accidentellement ce roulement se produise mais ce n’est pas le
but de la manœuvre.
Suivant les régions, la CALF
peut être à base de vin, de bière ou, plus rarement de cidre**. Les alcools
forts, c’est une tendance nouvelle, peuvent y tenir leur rôle. Au-delà de ces
sources variées, il existe dans cette pratique une certaine homogénéité qui en
assure la spécificité et qui la différencie des cuites à l’allemande, à l’anglaise,
à la russe ou à la polonaise. On note certes des similarités entre notre CALF et les cuites italienne,
espagnole et portugaise. Faudrait-il pourtant
l’élargir, afin d’obtenir une plus grande base de reconnaissance, à l’ensemble de l’Europe Latine du Sud, en faisant une CELDS ? Quoique tentante, cette idée me paraît
nuisible en ce qu’elle exclurait nombre
de nos compatriotes et ainsi nuirait à l’unité
nationale : comment nier l’éminente
participation au maintien de la CALF
de nos concitoyens Bretons, Flamands, Alsaciens et Mosellans ? Comment
rattacher à l’Europe du sud Normandie, Artois, Lorraine ou Champagne ?
Non, décidément, c’est pour la bonne vieille CALF qu’il faut militer. Votre soutien
est indispensable et, je l’espère, acquis.
*Est-ce pour ça que Le
Général traita ses concitoyens de veaux (jeu de mots à destination des
anglicistes)?
**Le lait de jument fermenté n’étant généralement utilisé à
cette fin que par ceux de nos
concitoyens qui plongent leurs racines en Asie Centrale. Je profite de l’occasion
pour saluer mes nombreux lecteurs d’Oulan-Bator.