Je suis né en
banlieue parisienne, de parents Trégorois. Comme ceux-ci à l’époque tenaient
une épicerie à Puteaux et que les logements des boutiquiers étaient exigus,
suivant une vieille coutume, je fus envoyé en nourrice peu après ma naissance
chez un brave couple du village de ma mère et n’en revins qu’à l’âge de deux
ans et demi quand le problème du logement fut résolu. Il paraît qu’en plus du
français, à mon retour je parlais breton. C’est du moins ce que m’affirma ma bonne
grand-tante Joséphine qui avait accompagné mon retour en train alors que, lors
d’un repas de famille, elle cita un de mes mots d’enfant prononcé en
breton. Ça me parut très curieux, vu que
je ne garde pas le moindre souvenir de cette langue que mes parents utilisaient
pour parler de ce qui ne regardait pas les enfants. Bien que c’eût été logique…
Je parle, lis et écris
couramment l’anglais. Ce qui est somme toute normal pour qui a passé près de
cinq ans Outre- Manche.
Je peux également soutenir une conversation dans un espagnol
maladroit.
Mon latin, appris lors de mes études universitaires, s’est
bien étiolé mais reviendrait, je pense, si je m’y remettais. Ça fait d’ailleurs partie
de ces vagues projets que je ne réaliserai probablement jamais.
Un an et demi au Sénégal m’ont laissé quelques phrases de
base en Wolof.
Mais tout cela, savoirs embryonnaires ou plus approfondis,
ne sont que des éléments dont s’est enrichie ma culture française.
J’ai pu réaliser en
Angleterre que je ne serais jamais qu’un Français parlant anglais. Tout immigré
se trouve dans une situation similaire.
C’est pourquoi même si la vie avait fait que j’étais resté dans ce pays je n’en
aurais à aucun prix demandé la nationalité. Si j’y avais eu des enfants avec
une (ou plusieurs) de mes « fiancées » anglaises et qu’ils y aient
grandi, eux auraient pu être Anglais.
Moi, jamais.
Je peux concevoir que certains, pour telle ou telle raison, finissent
par se sentir si proche de leur pays d’adoption qu’ils en viennent à renier
leur patrie d’origine mais cela ne changera rien à leur identité profonde
laquelle est forcément modelée par la culture dans laquelle ils ont grandi.
Chaque langue découpe, décrit et conçoit le monde à sa manière. S’ajoutent au
substrat linguistique une multitude d’éléments liés à la religion, au climat,
au niveau de niveau de développement du
pays, à ses traditions, aux appartenances sociales et culturelles, aux particularités familales, etc.
Au sein d’une même culture cohabitent nombre de marqueurs
culturels divers. Un grand bourgeois marseillais a peu de points communs avec un
prolétaire lillois parlant Chti. N’empêche que chacun participe à son niveau de
la culture française. Cette relative homogénéité est le résultat de siècles d’efforts. Que certains « progressistes »
aimeraient annihiler.
Au nom d’une modernitude de pacotille qui leur fait croire
que s’ils ont regardé Rintintin dans leur enfance, lu un livre traduit du
serbo-croate, mangé des pizzas et demandé du feu à quelque étranger ils sont « citoyens
du monde ».
Tristes couillons qui oublient ce qu’ils sont pour se rêver ce
qu’ils ne seront jamais.