Contrairement à ce que certains
pourraient penser, je ne vais pas ici parler d'un patron de boxon
mais d'un mien professeur. Un de ceux qui vous aident à ne pas trop
penser.
Alors que je suivais des cours au CFPEG de Tours, je
l'aperçus sous le préau. Il était grand, un peu voûte comme ceux
qu'une rapide croissance a voûtés. Je m'approchai de lui et, pensant
que le flatter sur son enseignement lui plairait, je lui adressai la
parole. A ma surprise, mon enthousiasme le laissa de marbre. De sa
voix douce et un peu lasse, il me déclara : « Voyez-vous,
nous approchons des vacances et, quand on y réfléchit, des
vacances, on n'en a pas tellement dans une vie... » Mes
louanges en furent douchées mais se créa entre nous une sorte
d'amitié.
Je me
souviens que, lui demandant pourquoi il s'était donné la peine
d'être agrégé, il me répondit que, sa femme étant promise à
sortir majeure de sa promotion de Normale Sup, il n'avait pas le choix. Une autre
fois, il se déclara l'agrégé le plus ignare de France. Toutefois, je
me souviens de l'entendre me dire que s'il avait à emporter des
livres sur une île sans espoir de retour il emporterait des
classiques grecs et latins. On ne se refait pas...
Avec
mes meilleurs copines, nous fûmes invités dans son beau studio du
vieux Tours, il nous invita dans des restaurants classieux et nous l'invitâmes chez moi.
Quand
j'épousai Nelly, je l'invitai. Il assista à la cérémonie mais,
plutôt que de participer aux agapes, il préféra nous inviter le
lendemain à l'Hostellerie du Roi à Guingamp où nous nous régalâmes
d'une araignée magnifique.
Nous
nous revîmes un peu plus tard dans sa maison de bord de mer où son
épouse encouragea Nelly à me pousser à préparer l'agrégation
comme si ç'avait été une chose capitale. Il n'empêche que c'était
gentil de sa part.
Quelques
années pus tard, je l'aperçus dans un supermarché de Lannion. Il
avait l'air bien affaibli. Il m'apprit qu'il avait subi une
opération à cœur ouvert. Il nous convia à dîner. Les choses
avaient bien changé. Arrivant en Mercedes, sa villa de bord de mer
me parut une bicoque. Nous dînâmes autour d'un feu, buvant du Four
Roses puis de bons vins. Il me rappela qu'un temps fut il m'arrivait
de tenir des propos cryptocommunistes. Eh oui, les temps changent et
j'avais bien changé...
Plusieurs
années passèrent. Mes heures de « gloire » aussi. Me
trouvant dans la panade, j'essayai de le contacter des fois qu'il eût
pu me conseiller. Sa femme me répondit qu'il était hospitalisé
pour des problèmes cardiaques. Ce furent les dernières nouvelles
que j'eus de lui.
Je
suppose qu'il est mort aujourd'hui, ce serait de son âge... Peu
importe au fond, ce qui reste, M. Somerville, c'est que vous fûtes
pour moi un maître.
PS :
Je rouvre les commentaires de manière à ce que les sous-merdes qui
viennent déposer ici leurs anémiques étrons puissent exposer à
qui veut les lire l'incommensurable néant de leurs tentatives
d'expression.